La Plaza de España. Construite entre 1914 et 1929, la Place d’Espagne est réalisée pour l’exposition ibéro-américaine de 1929, qui a pour objectif de mettre en lumière les liens unissant les pays latino-américains avec l’Espagne.
Cinquième destination la plus visitée en 2020, l’Espagne, composée de dix-sept régions appelées communautés autonomes, est riche de différentes cultures et traditions. Malgré l’appel de certains gouvernements (France, Pays-Bas, Allemagne) envers leurs citoyens de ne pas se rendre en Espagne ou au Portugal, les touristes se sont laissés séduire par la politique du gouvernement espagnol visant à faciliter les conditions d’entrée et de sortie de leur territoire. En juillet dernier, nous sommes partis à la découverte de l’Andalousie, en particulier dans la ville de Séville, pour y découvrir un pan riche de la culture espagnole. Sans prétendre posséder le talent de Michèle Khan dans son oeuvre Le roman de Séville (2005), nous vous proposons une initiation à la culture sévillane, riche de plusieurs traditions. Érigée en capitale durant une partie de la guerre d’indépendance espagnole (1808-1814), Séville s’est forgée au fil des conquêtes, avec un âge d’or durant une majeure partie du XVIe siècle. Ces différents passages ont laissé des traces visibles, que nous pouvons contempler aujourd’hui en flânant dans les rues de la ville. La cohabitation de différentes cultures a aussi donné en héritage une gastronomie andalouse savoureuse et singulière.
Séville, une cité témoin de l’Histoire
Revenir sur l’histoire de Séville, c’est mieux saisir la singularité des monuments que nous allons évoquer. Au-delà d’être la terre natale du peintre Vélasquez ou le lieu de règne du roi poète Al Mutamid ibn Abbad, Séville aurait été fondée au VIIIe siècle avant Jésus-Christ par des individus appartenant à la culture tartessienne, près du Guadalquivir. Par la suite, la ville est successivement occupée par les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois durant la Deuxième guerre punique (218-202 avant Jésus-Christ) et les Romains (nous pouvons encore apercevoir quelques pans des murailles de Séville construits à leur époque).
Après que les francs ont conquit la cité aux Wisigoths en 507, la cité va connaître un élan culturel important, notamment incarné par les figures de Léandre de Séville et Isidore de Séville, deux évêques de la ville.
Au cours du VIIIe siècle, la ville tombe sous le contrôle des musulmans, et devient un centre d’impulsion important d’Al-Ándalus, bien que Cordoue fut finalement choisie comme capitale du territoire dominé par les musulmans. C’est au cous du Xe siècle que les premières pierres de l’Alcazar de Séville sont posées. La partie datant de l’époque fait office de palais pour des membres de la dynastie arabo-musulmane des Omeyyades.
Une partie des jardins de l’Alcazar de Séville. Inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en 1987, il incarne l’architecture mudéjar, c’est à dire l’Art chrétien inspiré voire mélangé à des techniques artistiques issues de la culture musulmane.
Après de multiples conflits, la cité continue de se développer sous l’hégémonie des chrétiens, illustrée au XIIIe siècle par la conquête de Ferdinand III de Castille suite au Siège de Séville qui a duré dix-huit mois. La construction de nouveaux palais, d’églises, le système d’irrigation des sols mis en place par les Arabes, la création de la Bourse du commerce en 1503 permettent à Séville de connaître un âge d’or durant le XVIe siècle et une partie du XVIIe siècle. Même si cette période riche reste à contraster, notamment parce que Séville, après la période de la Reconquista, sera au coeur de l’Inquisition espagnole (la visite du Château de Saint-Georges permet d’en apprendre plus sur cet aspect de Séville), c’est durant cette période que l’université de Séville est érigée et qu’une communauté de peintres reconnus pour leurs talents s’est constituée.
Durant l’époque contemporaine, Séville s’est notamment illustrée en accueillant l’Exposition universelle de 1992, qui célébrait en l’occurence la découverte de l’Amérique.
Dès lors, c’est une ville riche de siècles d’Histoire, d’une culture bigarrée que les différents monuments nous laissent découvrir au fil des balades.
Séville, centre culturel de l’Andalousie
Se balader à Séville, c’est sans cesse rester émerveillé par les bijoux architecturaux construits à différentes périodes. Outre l’Alcazar de Séville que nous avons déjà évoqué, la cathédrale de la ville, située non loin de ce dernier, offre une vue époustouflante sur la ville. Nous pouvons entre autres contempler la Giralda, clocher de la cathédrale, anciennement minaret de la grande mosquée construite sous la dynastie des Almohades. Il est également possible de prendre un verre le soir face à la cathédrale sur le rooftop La Terraza del EME.
Photo prise en haut de la cathédrale, après avoir gravi de nombreuses marches…
Parmi les autres lieux incontournables de Séville, la Casa de Pilatos coupe le souffle de ses visiteurs, que ce soit par la beauté des lieux ou l’histoire familiale qui a permis la construction de ce palais. Érigé entre le XVe et le XVIe siècle, c’est sur l’initiative de Don Pedro Enríquez et sa femme Catalina de Ribera que le bâtiment voit le jour. Très influente dans la Séville de l’époque, Catalina va poursuivre les travaux après la mort de son mari. Le nom donné au palais fait référence à celui qui a participé à la condamnation de Jésus dans les Évangiles, Ponce Pilate.
Cour centrale de la Casa de Pilatos. D’un point de vue architectural, ce palais s’inspire à la fois d’un style gothique, mudéjar et renaissance.
Enfin, au cours d’une balade dans Séville, il est impossible de passer à côté du Metropol Parasol. Structure en bois qui atteint vingt-huit mètres de hauteur, ce monument inauguré en 2011 offre une vue panoramique sur Séville. Il est le fruit d’un concours public international pour transformer la place de la Encarnación. Les différentes parties qui composent le monument sont surnommées les « champignons de Séville ». Au moment de la construction, des traces de l’époque romaine et musulmane ont été identifiées ce qui a conduit à ériger un musée archéologique au sein du monument.
En plus de nous enrichir culturellement et de nous offrir des lieux uniques, Séville nous fait également voyager dans l’assiette par un concentré des saveurs de l’Andalousie.
Vue au pied d’un des « champignons » du Metropol Parasol. Les travaux auraient coûté 33 millions d’euros. Le prix d’entrée actuel est de 5 euros.
Séville, « capitale » de la gastronomie andalouse
À l’instar de ses monuments, la gastronomie sévillane et plus largement andalouse est le résultat d’un brassage culturel séculaire. Ici nous vous proposons les bonnes adresses que nous avons déniché ou que des sévillan(e)s nous ont conseillé.
La Carbonería est sans doute l’un des endroits les plus typiques de Séville, où l’on peut déguster une Sangría très abordable (9 euros le pichet d’un litre) devant un spectacle gratuit de Flamenco. Le bar/restaurant se trouve au fond d’une cour, ce qui donne l’impression de pénétrer fortuitement chez quelqu’un sans savoir à quoi s’attendre.
Danseuse de flamenco à La Carbonería. D’après une professeure de flamenco que nous avons rencontré, cette danse typique andalouse tirerait ses origines de plusieurs cultures, arabo-musulmane, juive, gitane mais aussi d’autres cultures du continent africain.
À l’instar du reste de l’Espagne, la cuisine andalouse est composée de multiples tapas, comme la salade de poulpe ou des épinards avec des pois chiches (Espinacas con garbanzos, en espagnol, cela paraît plus alléchant). Une sévillane nous a recommandé d’aller aiguiser nos papilles françaises à la cuisine andalouse dans le bar à tapas le plus vieux de Séville (1670), El Rinconcillo. Outre les fameuses croquetas caseras, nous avons goûté la salmorejo. Originaire de Cordoue, il s’agit d’une sorte de crème élaborée à partir de tomate, ail et mie de pain. Dégustée froide, du jambon serrano l’accompagne souvent.
C’est d’ailleurs à Cordoue que nous avons pu explorer le pan arabe de la culture andalouse, puisque pendant quelques siècles, les communautés arabo-musulmanes, chrétiennes et juives ont cohabité ensemble de manière pacifique. À la Casa Qurtubah, nous avons pu apprécié une soupe de lentilles andalouse, apportée par les arabo-musulmans venus s’installer en Andalousie.
Souvent moins mis en lumière, la cuisine andalouse dispose aussi de mets à base de poissons et de coquillages, grâce à des villes portuaires comme Cadix. Nous avons par exemple découvert au restaurant El Pintón le Pescaito frito de Cádiz, relevé sobrement avec du jus de citron et une sorte de sauce tartare.
Pescaito frito de Cádiz, servi ici avec des patates douces grillées au romarin.
Un article est bien trop court pour aborder tous les trésors dont Séville et plus largement l’Andalousie regorge. Si vous appréciez vous enrichir culturellement, partager des moments de convivialité, découvrir les singularités d’une culture à travers sa gastronomie, Séville est sans doute un endroit incontournable sur le sentier de vos pérégrinations.
Melchior Delavaquerie
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