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10 ans du mariage pour tous : quand d’anciens opposants à la loi changent subitement d’avis...

C’était il y a quasiment dix ans jour pour jour. Le 29 mai 2013, Bruno Boileau et Vincent Autin devenaient les deux premières personnes du même sexe à s’unir par le mariage en France. Ce jour-là, à Montpellier, l’ambiance est divisée, comme dans le reste du pays. Sur le parvis de la mairie, les applaudissements et la joie de la foule se mêlent aux huées et tentatives d’attaques physiques par des opposants au « Mariage pour tous ». Bruno et Vincent racontaient récemment dans une interview l’énergie particulière de ce moment : « On savait qu’il y avait des chiens renifleurs, des tireurs d’élite, plus de 800 policiers ».


Cette première union pour un couple gay en France venait clore une longue séquence politique et sociale dans le pays, ponctuée par des débats houleux à l’Assemblée Nationale et des manifestations anti mariage pour tous de grande ampleur dans les rues. La loi Taubira, adoptée à 331 voix pour, face à 225 voix contre, marquait une grande avancée sociale dans la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et dans la lutte contre les discriminations subies.


Une décennie d'amour. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

Mais alors, 10 ans plus tard, que reste-t-il de ces querelles politiques et de ces réticences portées dans le débat public par la droite républicaine (UMP alors), ainsi que par différentes personnalités d’extrême droite ? Que reste-t-il de ces oppositions féroces à une loi censée apporter davantage de justice sociale ? Ceux qui portaient ce discours sont-ils toujours sur la même position ?


La « manif pour tous », cristallisation des oppositions à la loi.


Évidemment, en 2013, cette opposition à la loi a lieu sur les bancs du Parlement, avec des débats âpres entre les différents clans politiques. Néanmoins, un mouvement extérieur émerge, la fameuse « Manif Pour Tous », créée par Frigide Barjot, une militante chrétienne française. Auront alors lieu ces manifestations de grande ampleur de novembre 2012 à mai 2013, rassemblant des centaines de milliers de personnes opposées à la loi Taubira venues le dire haut et fort. Le mouvement social bénéficie du soutien politique de nombreuses figures de droite : Valérie Pécresse, Jean-François Copé ou encore Laurent Wauquiez ont défilé dans le cortège. La « Manif pour tous » peut se targuer d’avoir réussi à amener les forces politiques de droite dans la rue. En effet, en France, la manifestation reste un moyen de contestation sociale très souvent prêté aux forces de gauche.


Malgré une forte implication sur les premiers mois, ce mouvement s’essoufflera vite au fil des semaines suivant la promulgation de la loi. Aujourd’hui, même « les catholiques ne veulent plus entendre parler de la Manif pour tous » car « la séquence est terminée », selon la sociologue spécialiste du catholicisme Céline Béraud.


Un repositionnement uniquement motivé par des intérêts politiques ?


Sommés de réagir sur cette loi marquante de la dernière décennie, ces ultimes semaines ont été le théâtre des réactions en chaîne et des nombreux mea culpa des anciens opposants à la loi. Gérald Darmanin, actuel ministre de l’Intérieur, a lancé le bal en affirmant lors d’un entretien au quotidien La Voix Du Nord le 20 avril dernier : « Je me suis trompé. Si c'était à refaire, je voterais le texte du mariage pour tous ».

Même son de cloche pour son collègue Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique qui déclarait le lendemain sur France 2 : « Si c’était à refaire aujourd’hui, je voterais oui ». Un élément de langage similaire « si c’était à refaire », qui interroge sur la sincérité du propos… Même si Béchu se justifie de son côté en disant : « J’ai eu l’occasion, au cours de ces dernières années, de marier à leur demande de très nombreux couples de même sexe ». Darmanin lui, annonce toujours dans le même entretien quelques mesures pour continuer de lutter contre les agressions homophobes : « cartographier les lieux où il y a le plus de violences faites aux personnes LGBT», « une présence de davantage de policiers nationaux à certaines heures », mais aussi « des liens avec les patrons de bars et de discothèques qui peuvent donner des renseignements pour intervenir ».


Darmanin et Béchu sortent enfin de leur hibernation sociale. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

Du côté d’autres anciens cadres de l’UMP (désormais Les Républicains), c’est aussi la course au repositionnement et à la déclaration marquante. Damien Abad, désormais député Renaissance, plaide une décision poussée par sa loyauté : « J'avais voté contre par respect pour ma famille politique mais en réalité, j'étais plutôt favorable au mariage pour tous ». Eric Woerth, lui aussi passé dans les rangs de la majorité présidentielle, explique qu’il n’est plus opposé à la loi car : « La société a parfaitement intégré le mariage pour tous, ce n'est plus un sujet ».


Enfin, une autre réaction a aussi fait beaucoup parler ces derniers jours. Le tweet d’une certaine Catherine Vautrin, ancienne cadre ministre sous Jacques Chirac et pressentie pour être première ministre en juin 2022 après les élections législatives. Elle déclare : « Anticiper les attentes de la société, c’est majeur en politique. Il y a 10 ans, en ne votant pas le mariage pour tous, j’ai raté ce rendez vous qui est aujourd’hui devenu une évidence. ». Des observateurs comme le magazine Marianne parlent de « regrets très politiques », sur « une position controversée qui a pu lui coûter Matignon ».


Le point commun de toutes ces personnes et toutes ces réactions ? Elles semblent être motivées par des intérêts clairs. Dans un contexte de crise politique où les rumeurs de remaniement et de nomination d’un nouveau Premier ministre enflent, les désaccords entre Elisabeth Borne et Emmanuel Macron semblent donner de la force aux ambitions politiques de certains personnages… Darmanin et Vautrin veulent tourner la page sur leur passé homophobe pour avoir le profil du candidat parfait. Woerth, Abad et Béchu, prêcheurs de la loyauté, mais traîtres envers leur ancienne famille politique, veulent affirmer leur soutien total à la ligne progressiste du président sur le droit des personnes homosexuelles.


Des restes homophobes...


Malgré cette cascade de revirements idéologiques, cette tendance de « retour en arrière » n’est pas universelle. Le 20 avril dernier, au sein du Parlement européen, une proposition de loi a été déposée, visant à mettre en place une « dépénalisation universelle de l’homosexualité ». Cette résolution s’appuie sur la décision puissante du parlement ougandais il y a quelques semaines. Sauf que lorsque l’on regarde les choix des votants… patatras, tout s’écroule. Dans les abstentions, on retrouve deux personnalités importantes chez Les Républicains : Nadine Morano et Brice Hortefeux, tous deux ministres sous Nicolas Sarkozy. À droite, la question du traitement politique de l’homosexualité reste-t-elle encore un tabou ? En tout cas, du côté de l’extrême droite française, c’est une certitude. Parmi les 18 députés Rassemblement National présents dans le groupe « Identités et démocratie » dans l’hémicycle européen, quatorze votent en faveur de la résolution.


Pourtant, le numéro 1 du parti Jordan Bardella, n’est même pas présent pour voter et Patricia Chagnon vote même contre la proposition de loi. Dans un RN cherchant à tout prix la dédiabolisation, il n’est pas certain que cette absence de consensus sur un tel sujet soit un marqueur positif... Jugez-en par vous-même...


Thomas Dagnas


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