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[Point de vue] Les Césars 2023, un (petit) pas vers la fin de l’entre-soi ?

Présidée par Tahar Rahim et introduite par Jamel Debbouze, c’est sur Canal +, comme à son habitude, qu’a été diffusée la 48ème cérémonie des Césars. Cette année -grande nouveauté - aucun maître de cérémonie n’était présent. Ainsi, les personnalités venant remettre les récompenses s’enchaînaient une à une, ou deux par deux. Renouvellement qui sembla efficace puisque les audiences ont augmenté par rapport aux années précédentes (1,7 millions de téléspectateurs contre 1,3 l’année dernière et 1,6 en 2021).


Au bilan ? Beaucoup de femmes récompensées pour peu de nommées, une cérémonie qui tente de regagner le cœur de l’opinion publique et du milieu tout en restant dans un cadre traditionnel et élitiste, des engagements politiques, oui, mais pas trop. Retour sur la 48ème cérémonie des Césars.


« Un César pour garder espoir »


Les mots de Bastien Bouillon, récompensé dans la catégorie espoir masculin, auront eu pour effet d’annoncer le ton dès le début. D’abord, constater avec effroi les statistiques sur les homicides non élucidés (20%) et, au final, garder espoir. Ainsi, La Nuit du 12 sera le film le plus récompensé de la soirée, avec en tout six Césars dont celui du meilleur film. Le triomphe d’un long-métrage subtilement féministe n’a pu qu’entrainer, de facto, une cérémonie jonchée de discours en ce sens.

Plus important encore, un grand nombre de lauréats furent des femmes. On peut ainsi citer comme exemples, entre autres, Alice Diop dans la catégorie meilleur premier film, Amélie Bonin pour le meilleur court-métrage de fiction, Maria Schneider dans la catégorie meilleur court-métrage documentaire, Irène Drésel pour la meilleure musique originale. Finalement, la soirée a pu laisser l’impression de mettre à l’honneur les femmes, pour un milieu dont on sait qu’il est historiquement dominé par les hommes. Si le féminisme affiché des cinéastes est effectivement à reconnaître, il n’en reste pas moins qu’aucune femme n’a été nommée dans la catégorie meilleure réalisation.


Car oui, il faut rappeler les chiffres insupportables, fardeaux du cinéma français (ou pas ?) : en 48 ans d’existence, seules quatre femmes furent récompensées du César du meilleur film et une seule et unique réalisatrice a obtenu celui de la meilleure réalisation, Tonie Marshall pour le film Vénus Beauté en 2000. Alors, choix libre du genre féminin de se détourner de la réalisation ou bien résultat de discriminations historiques ? On ne sait vraiment expliquer les chiffres aujourd’hui, bien que le cinéma français se doute, comme l’opinion publique, que le sexisme du milieu a forcément un rôle à jouer. Mais est-ce la responsabilité de l’Académie des Césars d’agir pour plus de parité ? On sait déjà que le renouvellement qu’elle a connu en 2020 a permis de balayer des traditions excluant le rôle de femmes en son sein, mais rien de plus. Depuis la polémique sur Roman Polanski en 2020, on ne peut que constater que le cinéma français peine à regagner une image positive. Pourtant, elle semble avoir comme qui dirait retenu la leçon…


Des efforts remarqués pour un divertissement, et rien qu’un divertissement


On notera que l’absence de maître de cérémonie aura permis de gagner du temps. Seul bémol : des chansons choisies comme transition qui pouvaient paraître incongrues à certains moments (Britney Spears juste après la séquence rendant hommages à tous les cinéastes décédés en 2022). De même, les sketchs étaient peu nombreux, contrairement aux années précédentes. En bref, l’Académie a retenu que l’opinion publique voulait une soirée moins lourde et plus efficace. L’horloge n’aura ainsi pas sonné minuit que la cérémonie était terminée (eh si).

Militante écologiste sur la scène des Césars (crédits : AFP)

Le grand moment de la soirée sera donc probablement décerné à cette arrivée surprise de Brad Pitt pour rendre hommage au talent de David Fincher. Ou bien à cette militante écologiste venue brandir le poing en portant un t-shirt avec l’inscription « We have 761 days left ». C’est au choix des téléspectateurs, après tout.


Il n’est même pas certain qu’elle soit venue soutenir la cause écologiste, ce n’est qu’une déduction puisque les téléspectateurs n’auront même pas le temps de lire le message inscrit sur son t-shirt que Canal + a coupé le direct durant trois minutes. En réalité, ces détails n’auraient pas été dérangeants si la militante n’avait pas été moquée par Ahmed Sylla quelques minutes après, qui était sur scène au moment de l’interruption. « Ah, il fallait que ça tombe sur moi », « en plus, un t-shirt froissé ! ». La salle rit aux éclats que la militante a déjà disparu. Pas un mot à son sujet dans la suite de la soirée, comme si le cinéma français pouvait soutenir son discours annuel sur le féminisme mais pas sur l’écologie. Et surtout comme si les productions et les tournages ne polluaient pas. Face à cette intervention pacifique et courageuse d’une inconnue, les cinéastes sourient dans leur plus beau smoking. Il ne faudrait pas faire d’entorse au conformisme de la télévision, au rituel annuel, à ce rendez-vous à ne pas manquer pour les élites du cinéma. Non, il ne faudrait surtout pas croire qu’il ne nous reste que 761 jours.


Charlotte Dhubert



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