Le 11 janvier 2023, le gouvernement britannique réitère son refus quant au retour en Grèce des marbres du Parthénon. Une grande partie de la frise des Panathénées notamment, réalisée au Vème siècle avant notre ère et actuellement exposée au British Museum. De quoi raviver des tensions, qui, depuis plus d’un siècle, ne semblent pas avoir été éteintes.
La frise du Parthénon exposée à Londres au British Museum, (NICOLAS ECONOMOU / NURPHOTO, AFP)
La notion de patrimoine mondial renvoie à des biens culturels et naturels qui présenteraient une valeur et un intérêt exceptionnel pour l’Humanité. Ils sont considérés comme un héritage commun devant faire l’objet d’une protection particulière. Cela a été institutionnalisé en 1972 par la Convention pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, adoptée sous l’égide de l'Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco). Chaque année, de nouveaux biens culturels ou naturels peuvent revêtir cette appellation. Un bien du patrimoine national est ainsi doté d’une valeur universelle, mais cette approche qui tend à souder les États autour de cet héritage, peut parfois prendre un autre tournant. Lorsque par exemple, au cours de l’histoire, des biens culturels auraient fait l’objet de pillages ou d’un acte de spoliation et se voient ainsi être détachés de leur lieu d’origine, par un autre État.
Une acquisition ambiguë et controversée des marbres du Parthénon par la Grande Bretagne
Au début du XIXème siècle, la Grèce est sous l’occupation de l’Empire ottoman. La Grande-Bretagne, quant à elle, s’affirme comme le plus puissant empire colonial. Le British Museum est créé en 1753, ses collections connaissent progressivement un essor florissant notamment par le biais d’expéditions aux quatre coins du monde. En 1802, la Grande-Bretagne va acquérir ce qui sera appelé les « marbres du Parthénon », du fait de la revente au British Museum, d’une partie des œuvres de ce monument par Lord Elgin, diplomate britannique. C’est cette « acquisition » qui prête à controverse. En effet, selon le gouvernement britannique, les marbres auraient été acquis légalement, tandis que la Grèce affirme qu’il s’agirait d’un pillage. L’accord entre le gouvernement turc et la Grande-Bretagne serait illégitime, la Grèce étant sous occupation ottomane. Elle réclame ces œuvres d’art propres à son identité nationale qui, de ces faits, aurait été enfreinte.
Le Parthénon situé sur l’Acropole d’Athènes © Manuel Cohen / Manuel Cohen
Des tentatives de rapprochement et de conciliation entre les deux États ont été mises en œuvre, en vain. Dans les années 1960, des historiens ont conclu que le firman du sultan turc, qui selon Lord Elgin lui donnait la permission de retirer des statues ainsi que du marbre du Parthénon, ferait en réalité référence aux objets trouvés lors des fouilles menées sur le site, et non aux œuvres d'art ornant les temples. Ce serait une autre preuve de l’illégalité de l’acquisition des frises et sculptures du Parthénon. Cependant, le firman originel étant perdu, ses différentes interprétations prêtent à confusion.
Dans les années 1980, l’Unesco est saisi afin de trancher le litige entre les deux États. Le gouvernement britannique continue de refuser de restituer les œuvres d’art. Un des arguments avancés serait que la Grèce n’aurait pu, considérant la situation politique de l’époque, veiller à la préservation et à la bonne conservation de ce patrimoine. Cela ne semble pourtant pas d’actualité, Athènes ayant en 2009, inauguré le musée de l’Acropole pour accueillir l’ensemble de la frise et ainsi compléter le seul tiers de l’œuvre resté en Grèce. Le British Museum évoque également le British Museum Act de 1963, cette loi britannique l’empêcherait de céder des œuvres d’arts, sauf dans des circonstances exceptionnelles. C’est ainsi que le porte-parole du musée affirme au journal The Guardian en 2020 : « Les sculptures du Parthénon ont été acquises légalement et nous aident à raconter l’histoire de l’humanité présentée au Muséum. Elles sont accessibles aux 6 millions de visiteurs internationaux que l’établissement accueille chaque année. »
Un enjeu à l’échelle mondiale de la restitution du patrimoine culturel
En effet, les frises et les sculptures du Parthénon sont en réalité de véritables pièces maîtresses du British Museum, il lui serait difficile de s’en séparer. Par ailleurs, restituer ces œuvres reviendrait à « ouvrir la boîte de Pandore » comme l’affirme la ministre de la Culture du Royaume-Uni, Michelle Donelan. Une véritable boîte de Pandore, car selon l’analyse notamment des historiens du patrimoine, la question qui secoue actuellement la Grèce et le Royaume Uni est un enjeu considérable à l’échelle mondiale. De nombreux biens ont été pillés au cours des XIX et XXème siècles, les États touchés réclament aujourd’hui leur restitution, car appartenant à leur patrimoine national. Certains musées se voient être dans une situation délicate avec la crainte de perdre un nombre important des œuvres considérées comme spoliées, mais que ces musées détiennent parfois depuis plusieurs centaines d’années.
La presse britannique avait aussi évoqué la possibilité d’un prêt à long terme de ces œuvres d’art. Un sondage a aussi été réalisé en 2021. Plus de 50% des Britanniques interrogés ne voient pas d’inconvénients à la restitution des marbres du Parthénon. Pourtant, Michelle Donelan en janvier dernier semble intransigeante : « J'ai été très claire à ce sujet : je ne pense pas qu'elles devraient retourner en Grèce ».
Ces biens culturels peuvent incontestablement être qualifiés de patrimoine mondial et doivent être protégés en tant que tels. Cette appellation ne résout pas toujours les revendications identitaires des nations. L’exigence de compromis semble donc nécessaire, entre les questions géopolitiques et économiques certes, mais aussi avec des aspects historiques, culturels et moraux propres aux États, qui ne doivent pas être oubliés.
Eugénia Dimitrova
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