Le 5 Novembre 2021 à Houston, se déroule la troisième édition du grandiloquent festival hip hop « Astroworld Fest », organisé par le rappeur américain Travis Scott. Ce qui devait être une immense fête et célébrer le retour des concerts après deux ans d’annulation pour cause de pandémie mondiale, s’est finalement transformé en un drame sans nom dans le monde de la musique. En effet, vers 21 heures, un gigantesque mouvement de foule est survenu, provoquant un chaos total dans le public, soldé par les blessures de plus de 300 personnes et le décès de 9 spectateurs. Très vite, dans les rangs de la police d’Houston, on essaye de comprendre ce qui est à l’origine d’une telle agitation. Les premières rumeurs apparaissent, selon lesquelles un homme aurait foncé sur un responsable de la sécurité avec une seringue remplie de drogue, provoquant une immense panique dans la fosse.
Même si cette rumeur est démentie après quelques jours d’enquête, il est intéressant de voir qu’un tel phénomène : celui de l’agression via la drogue en seringue, pourtant peu connu il y a encore quelques mois, suscite aujourd’hui les peurs et interrogations des jeunes, sujets à se rendre dans des soirées bondées et où le pire peut malheureusement se dérouler.
Premiers signalements en Septembre 2021 au Royaume-Uni
Le point de départ de cette pratique semble se situer à Nottingham. En effet, en moins d’un mois, de Septembre à Octobre 2021, plus de quinze personnes ont affirmé avoir reçu des piqûres sans avoir pu identifier l’auteur de ces attaques. Les témoignages fusent, notamment celui d’une étudiante anglaise, Zara Owen qui décrit le 20 Octobre 2021 sur le plateau de BBC Breakfast ce qu’elle a vécu : « Je me suis réveillé le lendemain d’une soirée en boîte de nuit sans aucun souvenir, après un black-out total. J’ai alors ressenti une immense douleur, qui paralysait toute ma jambe. Puis, je me suis aperçu que j’avais une trace de piqûre. »
À la suite de cela, une enquête est alors ouverte par la police de Nottinghamshire pour tenter de retrouver les auteurs de ces agressions et surtout la substance injectée. Deux jeunes hommes de 18 et 19 ans sont alors arrêtés pour « suspicion d’injection de drogue avec volonté de nuire, d’importuner ou de blesser ». De plus, l’hôpital de Cardiff découvre que dans un cas d’agression, c’est le « Rohypnol », un puissant somnifère réservé aux insomnies sévères qui a été injecté via une aiguille hypodermique.
Droguer des gens à leur insu, une pratique déjà répandue en boîte de nuit…
Depuis des décennies, on entend les témoignages de personnes, très souvent des femmes ayant été droguées dans un bar ou une boîte de nuit. La pratique la plus courante : l’ajout de GHB dans les verres, provoquant perte de mémoire et malaises chez les victimes. Néanmoins, si cette pratique était connue dans le monde de la nuit, elle a pris de plus en plus d’ampleur depuis les déconfinements successifs ces dernières années.
Pour ce qui est de la drogue injectée via des aiguilles, on retrouve des prémices de ce malheureux phénomène vers les années 1980, où aux États-Unis, en pleine épidémie de sida, on a vu apparaître des cas d’agressions de gens dans des lieux publics.
Nombreuses mobilisations citoyennes pour dénoncer les abus
Pour lutter contre ce phénomène, qui a traversé la Manche en novembre dernier (plusieurs femmes affirment avoir été piquées par des seringues à Entrammes en Mayenne), les pouvoirs publics tentent de mettre en place des campagnes de sensibilisation. Mais ce sont véritablement les associations de victimes qui exercent le plus d’influence dans cette lutte contre la propagation des agressions sexuelles dans les boîtes de nuit. Des appels aux boycotts sont organisés par des
comptes Instagram publiant des témoignages de victimes (@balance_ton_bar_paris), mais aussi par des associations féministes comme « l’Union Féministe Inclusive Autogérée ». Le 12 Novembre dernier, cette association bruxelloise a appelé à se rassembler pour demander plus de sécurité pour les femmes se rendant en boîte de nuit, trop souvent sujettes à des agressions.
À l’occasion de la réouverture des boîtes de nuit il y a quelques jours, le gouvernement a dévoilé son « grand plan national de lutte contre le GHB », censé former les professionnels du monde de la fête à sécuriser leurs lieux et à mieux prendre en charge les victimes de violences sexuelles. On ne peut qu’espérer voir émerger des solutions peut-être plus « morales » que les « protections de verre » ou autres « spray anti-agression ». Car même si ces innovations s’avèrent être efficaces, elles ne permettent pas de changer les mentalités, principal objectif pour anéantir les violences. En effet, il est nécessaire d’imputer des moyens à l’éducation aux violences sexuelles pour que l’idée même de « droguer quelqu’un à son insu » ne germe plus dans aucun esprit.
Thomas Dagnas
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