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Pédocriminalité au sein de l’Église catholique : un fléau toujours d’actualité

Au début du mois de novembre 2022, le président de la Conférence des évêques de France, annonce la mise en cause de plusieurs évêques dans des affaires d’agressions sexuelles sur mineurs.

L’archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France (CEF) Eric de Moulins-Beaufort, entouré de l’évêque de Nîmes Nicolas Brouwet (à gauche) et de l’évêque de Nanterre Matthieu Rougé (à droite), lors de la conférence de presse de la dernière journée de la CEF, à Lourdes (Hautes-Pyrénées), le 8 novembre 2022. Charly Triballeau / AFP.

La liste de onze évêques inculpés vient s’ajouter aux nombreuses affaires d’abus sexuels commis par des religieux et religieuses et recensées depuis la fin de la guerre. Parmi eux, figure le cardinal Ricard, un des seuls hommes religieux français à pouvoir prétendre au poste de Pape. L’ancien archevêque de Bordeaux a reconnu avoir eu une conduite « répréhensible » avec une jeune fille de 14 ans à Marseille dans les années 80. Ces révélations concernant les membres de l’épiscopat ont suscité l’indignation. L’implication d’une figure emblématique de l’Église catholique française entache l’image lisse qu’elle s’efforce de garder. Pour cause, ces affaires tendent à disqualifier tous ses discours moraux. Ces scandales n’aident clairement pas l’Église à renverser la tendance décroissante du nombre d’adhérents à la religion catholique en France.

Le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique (CIASE), publié en octobre 2021, remet en lumière la question de la pédocriminalité. Les auteurs se penchent sur les agressions sexuelles sur mineurs perpétrées par des prêtres, diacres, religieux et religieuses catholiques de 1950 à 2020. Ils estiment le nombre de victimes sur cette période à 330 000. Les agressions sexuelles sur mineurs par des personnes en lien avec l’Église catholique représentent 10% du total des mineurs victimes d’abus sexuels. Même si le cadre familial et amical restent les sphères où les victimes sont les plus nombreuses, la quantité d’agressions sexuelles commises par des membres du clergé ou en lien avec celui-ci est significativement plus importante que dans les autres comme l’école ou les camps de vacances. Retour sur un phénomène durable dont la justice peut difficilement déceler des coupables.


Le silence, maître mot de l’Église catholique


Pourquoi ce phénomène est-il si présent au sein de l’Église catholique ? Même s’il faut être précautionneux sur les fausses idées qui concernent les religieux, force est de constater que l’Église catholique est le lieu de divers abus. Le monde clérical jouit effectivement d’une logique d’autorité, ce « manteau de la religion », selon l’expression de Machiavel, permet de légitimer leurs actes, leurs propos et ainsi de leur conférer une emprise qui engendre des situations de vulnérabilité. Par la sacralisation du prêtre, du célibat mais aussi par sa vision excessivement taboue de la sexualité, la sphère cléricale contribue à amplifier ce phénomène. De plus, l’isolement de ces milieux crée des situations favorisant les abus et la dissimulation, les religieux et religieuses catholiques sont protégés par le silence des victimes, de leur entourage mais surtout de l’Église elle-même, qui, toujours dans cette logique de protection de sa légitimité, passe sous silence les actes des agresseurs. Cette idée, on la retrouve en Europe du Sud, où l’omertà (loi du silence) a fait beaucoup de dégâts, le lien entre Église et État a amplifié l’idée selon laquelle il ne faut, dans aucun cas, avoir « le mauvais rôle ». Dans les pays pauvres, le phénomène est d’autant plus dissimulé par la brutalité quotidienne. Les mineurs vivent des situations de violences comme l’absence d’eau potable ou la guerre, dans ces cas-là, les abus sexuels figurent comme un aspect de la violence globale subie par les enfants, et donc, elle n’est pas mise en lumière, ni dénoncée.


Bilan contrasté


Depuis les années 90, le catholicisme français s’est vu envahir de propos conservateurs autour des questions de sexualité comme le témoigne le mouvement de La Manif pour tous qui met en lumière ce processus dans l’ordre public. Mais les scandales d’abus sexuels dans l’Église française et dans le reste du monde, montrent qu’il faut également revoir l’ordre interne. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué même au sein des branches catholiques les plus conservatrices. Cette prise de conscience collective serait apparue, en France, suite à diverses affaires, des révélations en série, la sortie choc du documentaire de François Ozon en 2019, Grâce à Dieu et enfin la publication du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE).


Les nouvelles affaires seraient-elles productrices de renouveau, d’une prise de conscience de la part des États mais surtout de l’Église catholique ? Depuis dix ans environ, on note dans le monde entier, un accroissement de la sensibilité et de la volonté d’agir au sein de la hiérarchie ecclésiale. De plus en plus de communautés catholiques mettent en place des mesures concrètes. Mais évidemment, cette prise de conscience ne s'observe pas partout. Notamment dans les pays pauvres, dans lesquels les abus sexuels sur mineurs s’inscrivent dans une violence globale. L’Église a développé des nouveaux moyens pour protéger les enfants et adolescents tels que la prévention et l’accueil des victimes. En France, plusieurs cellules d’écoute des victimes ont vu le jour. Le Pape François est aussi un porte-parole de la cause : « Face au fléau des abus sexuels perpétrés par des membres de l'Église au détriment des mineurs, j'ai pensé vous interpeller vous, patriarches, cardinaux, archevêques, évêques, supérieurs religieux et responsables, pour qu'ensemble nous écoutions le Saint-Esprit, qu’il nous guide dans l’écoute du cri des petits qui demandent justice », discours prononcé en 2019 dans la salle du Synode au Vatican.Ainsi, l’Église produit un réel effort de sensibilisation sur les thèmes de la pédocriminalité mais dans les régions les plus reculées, le silence fait rage.


Carla Nich




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