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Annette, une claque magistrale


© CG Cinéma International



Pour cette 73e édition, le Festival de Cannes s’ouvre en beauté avec Annette, comédie musicale réalisée par Leos Carax, dont l’intrigue ainsi que les chansons reposent sur les Sparks. Sous le feu des projecteurs, Adam Driver, Marion Cotillard et Simon Helberg se surpassent et nous embarquent dans un imprévisible ascenseur émotionnel.


Dans la Californie contemporaine, Henry McHenry et Ann Desfranoux, comédien de stand-up et cantatrice de renom, forment un couple ardent, acclamé par la foule. Or, tout plaisir connaît une fin imprédictible... Entre la venue au monde de leur fille, Annette, la chute d’une carrière et l’ascension d’une autre, l’amour passionnel se mue inéluctablement en tragédie digne des contes les plus sombres.


La voix à l’honneur



© CG Cinéma International



Pour donner vie à Annette, les Sparks ont créé quatorze chansons, dont la fameuse “So May We Start ?” qui résonne dès les premières secondes et plonge instantanément le spectateur dans une ambiance singulière, à la frontière entre le théâtre et le cinéma. Les paroles, simples et récurrentes, ainsi que la variété d’instruments - batterie, piano, guitare, trombone - offrent sans conteste un cocktail frais et pétillant dont on s’enivre rapidement.


Autre particularité de ce film, et pas des moindres : les dialogues sont quasiment tous chantés par les acteurs eux-mêmes, sans le moindre artifice. Ce pari de l’authenticité est audacieux mais gagné ! Rassurez-vous, la crainte de se lasser s’envole bien vite tant cela paraît naturel et parfaitement orchestré !


Une esthétique à couper le souffle



© CG Cinéma International



Si la Palme d’or, symbole du Festival, est finalement revenue à Titane, thriller réalisé par Julia Ducournau, Annette a tout de même remporté le Prix de la mise en scène, récompense bien souvent méconnue mais tout aussi prestigieuse. Et pour cause, Carax ne laisse aucune place au hasard. Derrière chaque scène se dissimule en effet un travail d’orfèvre, mêlant technique et minutie : costumes, objets, décors, tous se coordonnent en une symbiose impeccable, et le résultat est splendide.


Plus ou moins évidentes, les métaphores et allégories sont par ailleurs omniprésentes, si bien que les interprétations ne semblent connaître aucune limite. Rapide exemple avec une scène où Ann nage dans son jardin verdoyant, une pomme pourpre échouée près d’elle. Pomme du jardin d’Eve et d’Adam qui représente la culpabilité ? Pomme de Blanche-Neige qui incarne l'innocence ? Pomme, tout simplement parce que Carax aime ce fruit juteux ? Place à votre sens de l’imagination !


Le reflet de problématiques sociétales



© CG Cinéma International


Au-delà de sa beauté visuelle, ce long-métrage se démarque par son thème central, encore peu évoqué aujourd’hui : l’exploitation des enfants. Au fil des scènes, la petite Annette grandit, et, très vite, son don se manifeste ; la fillette a hérité de la voix de velours de sa mère. Bien conscient de la portée de ce miracle, Henry voit alors en sa fille une marionnette qui le rendra riche et célèbre.


Sous un angle atypique, Carax aborde aussi la question très actuelle des violences conjugales en se concentrant sur le point de vue masculin, celui de Henry. Peu à peu, la jalousie du succès empoisonne son amour pour Ann, qui semblait pourtant inébranlable. Le film retrace de manière spectaculaire la métamorphose d’un homme, d’abord doux et aimant, puis de plus en plus dérangé et manipulateur. La performance d’Adam Driver est terriblement crédible et touchante, tant, que le spectateur se perd entre pitié et chair de poule.


Pour faire court, Annette, c’est cent-quarante minutes de chant, de spectacle, d’émotions. Un film digne du 7e art, éblouissant, troublant, qui promet à Carax une place dans l’histoire du cinéma pour les années à venir. A noter cependant que ce long-métrage divise la critique : ou on aime, ou on déteste, à l’image de la vision manichéenne qui gouverne notre monde.


Margot Darcy

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