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Annie Ernaux, une Prix Nobel engagée

Dernière mise à jour : 19 oct. 2022

Annie Ernaux s’est vue décerner le prix Nobel de littérature ce jeudi 6 octobre 2022.

L’autrice est la dix-septième femme depuis 1901 à recevoir la célèbre distinction. Son travail, qu’elle situe « entre la littérature, la sociologie et l’histoire », aura révolutionné le genre littéraire de l’autobiographie.


Écrivaine de La Place, des Années ou encore des Armoires du vides, Annie Ernaux a reçu le Prix Nobel de littérature 2022, succédant au romancier tanzanien Abdulrazak Gurnah. Ses « récits transpersonnels » lui auront permis de retracer sa trajectoire sociale tout en essayant de produire un travail sociologique.



Annie Ernaux en 2021, prise en photo par Jean-Luc Bertini

Une enfance au sein de la classe « dominée »


Annie Ernaux est née le 1er Septembre 1940 en Normandie. Elle déménage dans les premières années de sa vie à Yvetot où ses parents, anciens ouvriers reconvertis en commerçants, tiennent un café-épicerie. La jeune Annie sera sensibilisée dès son enfance à la politique se cachant sous le comptoir du bar de ses parents et écoutant les conversations de café du commerce. Elle sera scolarisée dans un établissement privé catholique pour filles, c’est réellement là qu’elle prendra conscience d’un décalage social avec ses camarades. C’est notamment cette expérience qui inspirera nombreuses de ses œuvres, et qui lui permettra d’écrire sur sa condition de transfuge de classe.


Pour ses études, Ernaux quitte le domicile familial pour aller à la faculté de Lettres de Rouen. Plus tard, celles-ci lui permettront de passer le CAPES et l’agrégation. Elle déménage à Cergy où elle devient professeure dans un collège puis à l’université. En 1974, elle publie son premier livre, Les Armoires vides où elle utilise le « je » collectif pour déceler des vérités qui dépassent le champ individuel d’où la formule « récit transpersonnel ».


Annie Ernaux, une figure à la fois surexposée et floue


L’écriture d’Annie Ernaux est une réelle entreprise sociologique sur des thèmes peu habituels. Elle bouscule l’ordre littéraire et social en écrivant sur des objets considérés comme indignes de la littérature. À cet égard, on peut citer son ouvrage Regarde les lumières mon amour (2014), journal de ses visites au supermarché. Toutefois, les thèmes qu’on retrouve le plus dans ses écrits restent des revendications féministes et son expérience de transfuge de classe.


Se fondant sur sa propre expérience, elle décrit le monde et les représentations des petits commerçants en zone rurale dans la période de l’après-guerre notamment dans La Place où elle se concentre sur sa relation avec son père, peu sensible aux problématiques littéraires. De fait, en rentrant à l’école, elle se rend compte de l’éloignement de son père avec la culture intellectuelle transmise par ses enseignants. Ayant arrêté l’école à douze ans, celui-ci n'estime pas nécessaire que sa fille s’implique tant dans les études. Plus loin qu’un père descendant d’une famille d'ouvriers peu sensible aux problématiques littéraires, elle parle de toute la classe ouvrière en décalage avec les institutions scolaires largement investies par les classes plus aisées. Ainsi, revendiquant des éléments de la méthode bourdieusienne, l’imaginaire d’Annie Ernaux fonde l’énonciation d’une vérité et la pertinence d’un regard critique. Elle raconte et se montre. L'écriture devient pour Annie Ernaux un moyen d'atteindre et de dire avec authenticité l'expérience intime de sa condition féminine. On lui reconnaît un désir d’agir sur le monde par l’écriture.


Que ce soit au niveau social, politique ou intime, l’écriture d’Annie Ernaux est sans nul doute novatrice car déplaçant les frontières entre écrivain et lecteur en engageant le sujet dans son rapport au temps, à l’époque, aux autres et à soi.


Carla Nich

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