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Au Mexique : le silence ou la mort

Retrouvée morte, étranglée et violentée, à son domicile de Xalapa dans l’État de Veracruz le 28 avril 2012, la journaliste Mexicaine Regina Martinez est devenue une martyr de la liberté d’expression au Mexique. Véritable symbole de la lutte en faveur du droit à la parole dans le pays, Regina Martinez est la première journaliste travaillant pour un média national, Le Processo, à être assassinée. Elle enquêtait avant sa mort, sur la corruption des dirigeants politiques du Veracruz et de leurs liens avec le crime organisé. Jazmin Martinez Sanchez, 2 janvier 2015, Armando Rodriguez Corréon, 13 novembre 2008, ou bien encore, le dernier assassinat en date le 9 juillet 2023, Luis Martin Sanchez Iniguez, tant de noms nous exposant une situation alarmante au Mexique dont on entend très peu, si ce n’est jamais, parler en France.



Cet assassinat aura le « mérite » de réveiller la communauté internationale où le collectif

Forbidden Stories lance en 2020 le « projet Cartel ». Pendant dix mois, le collectif mené par un maillage de 60 journalistes, issus de 25 pays différents, a enquêté sur la mort de Regina Martinez et sur le fonctionnement des cartels.

Dans un pays gangrené depuis près d’un demi-siècle par le grand banditisme et le

narcotrafic, le Mexique est plongé, depuis 2006, dans une guerre ouverte contre les cartels de la drogue. Sinaloa, Jalisco Nueva Generación, le golf ou encore Los Zetas, ce sont ces

organisations qui font désormais la loi dans plusieurs villes et états du pays. Appliquant

cruellement et sans pitié leurs représailles à quiconque oseraient dénoncer leurs activités,

les journalistes étant les premières victimes de ce fléau moderne.

D’une année à l’autre, le Mexique reste l’un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes. Depuis les années 2000, ce sont plus de 150 journalistes assassinées au sein du Mexique selon Reporter Sans Frontière, ce pays s’est vu gangréné dans les luttes de pouvoirs entre criminels et sombrer dans la corruption politique. Les journalistes essaient, dès lors, de ne plus aborder de sujet risqué, car ils craignent pour leurs vies. Pourtant la liberté d’expression est un droit constitutionnel défendu par la loi relative à la liberté de la presse de 1917, mais en pratique il n’en est rien. Même si aucune loi ne vient ouvertement censurer ou entraver cette liberté, comme cela peut être le cas dans certains pays où la liberté d’expression est menacée, le Mexique figure néanmoins parmi les pays où la concentration des médias est la plus forte au monde. De facto, il est extrêmement difficile pour les journaux indépendants de se défaire du pouvoir et d’être lu ou entendu.

L’Organizacion Editorial Mexicana dominant le secteur de la presse, possédant entre autres 70 quotidiens, 24 stations de radio et 44 sites internet. Dans un pays empoisonné par la violence, les assassinats sont courants. Dans le classement des villes les plus dangereuses du monde en 2023, selon le nombre d’homicide pour 100 000 habitants, 5 dans les 6 premières sont mexicaines avec Tijuana en tête, suivie d’Acapulco.

S’adaptant à l’époque moderne où l’accès à l’information n’a, paradoxalement, jamais été aussi simple et rapide mais risquée et diffuse. Les cartels ne s’attaquant non plus seulement aux journalistes mais également aux particuliers relayant les informations des groupes criminels.

Le Cartel Los Zetas, considéré comme l’un des groupes les plus dangereux au monde, a

lancé l’une des premières campagnes d’un groupe du crime organisé

visant à faire taire les commentaires négatifs les concernant sur internet. Le groupe a pris pour cible un salon de discussion en ligne, Nuevo Laredo en Vivo, permettant aux utilisateurs de commenter les activités du cartel. Quatre utilisateurs du site ont été retrouvés décapités à leur domicile, la lettre « Z » peinte sur leur corps en 2011. Démontrant que le silence est la règle pour toute personne, jamais la liberté d’expression n’avait été autant attaquée dans ses fondements.

Mais là où le gouvernement et l’Etat Fédéral devraient former le rempart de l’intégrité

journalistique, ils sont en réalité l’épée de leurs martyrs. Ils sont bien souvent les premiers à surveiller l’action médiatique et à entraver toute information légèrement trop indiscrète. Les politiques, censés défendre ces journalistes qui exposent le danger du crime organisé au Mexique, sont eux- mêmes membres de ce crime. Dans un pays ou 89,7% de la population perçoit la police comme l’institution la plus corrompue, suivis par les partis politiques, comment protéger cette liberté fondamentale ? De plus, le gouvernement n’hésite aucunement à user de la surveillance de masse, de part l’utilisation massive, dès 2012, de logiciels d’espionnages ultra performants, notamment Pegasus, comme le dénonce Jorge Carrasco, journaliste, Luis Fernandez Garcia, ancien président de l’association des consommateurs numériques mexicains, ou encore Amnesty international. Le gouvernement justifie cette surveillance, comme une ironie du sort, par la lutte contre les cartels criminels.

La conséquence directe, autre que la violence et le sang, est l’autocensure des médias.

Les derniers journalistes indépendants ne se risquent plus à relayer quelconque

information liée, de près ou de loin, au crime organisé de peur des représailles. Dans un

pays où l’impunité est devenu le sacerdoce morale, 95% des cas de violence,

séquestration et meurtre de journalistes n’étant pas résolus, l’omerta par la force règne. Les affaires contre les journalistes demeurent souvent classées sans suite par la police dépassée.


Une situation aussi dramatique nous semble bien loin d’arriver en France ou la liberté

d’expression est un droit sur et protégé et où les assassinats de journalistes appartiennent à un passé archaïque. Mais cela nous empêche de penser que dans d’autres pays, chaque ligne d’informations peut s’écrire au prix du sang.


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