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Au Salvador : la violence de l’Etat remplace peu à peu la violence des gangs

Face aux gangs, depuis 2022, le gouvernement Salvadorien, de Nayib Bukele, a mis en place des méthodes drastiques, contraire aux droits fondamentaux. Elles sont dénoncées par certaines associations, et saluée par une partie de la population traumatisée par les années de terreur. 


Le gouvernement Bukele face aux Gangs qui terrorisaient le Salvador


Le président Nayib Bukele, a réussi là où ont échoué tous les autres partis politiques du Salvador. Il a vaincu le gang des pandillas, des Mara Salvatrucha et le Barrio 18, qui faisaient régner la peur et la violence sur le pays depuis plus de deux décennies. La vie avant la présidence de Bukele, la restauratrice Concepcion Lopez s’en souvient, « Avant, il fallait leur payer un “loyer” chaque mois, puis les nourrir quand ils l’exigeaient, mais surtout, ils faisaient fuir les clients ».


En mars 2022, lorsque le nombre d’homicides grandissait dans le pays, le président salvadorien avait décrété un « régime d’exception » et déclaré la « guerre ». Le régime d'exception peut être défini comme un régime juridique provisoire établi lorsqu’un Etat est en présence d'un péril grave et qu’il ne peut assurer sa sauvegarde qu'en ne respectant pas les règles qui régissent normalement son organisation et ses pouvoirs. Cela a permis à son gouvernement d’assouplir certaines règles, par exemple les placements en détention ont pu se faire sans mandat et de nombreuses personnes ont été arrêtées avec pour seule justification qu’ils possédaient des caractéristiques assimilées aux gangs comme le port de tatouage. En conséquence, plus de 75 000 personnes ont été incarcérées, soit 1 % de la population du pays. Dans le même temps, selon le ministre de la justice salvadorien, en 2022, 495 homicides ont été recensés, contre 1.147 l'année précédente. Il est donc indéniable que la « méthode Bukele » a fait ses preuves, mais à quel prix ?


© MAGO/SOPA Images


Une population divisée entre les pro-Bukele et les victimes de ce gouvernement


Face à ces politiques deux façon de penser s’opposent au Salvador : celle des pro-Bukele pour qui leur président a sauvé le pays et celle des victimes de ce gouvernement aux méthodes violentes.


Les Salvadoriens sont traumatisés par les années où leur journée était rythmée par la terreur qu'imposaient les gangs, la communauté de Vista al Lago interrogée par le journal Le Monde en témoigne. Elisa Mejia, une femme dont le fils a été tué par un gang, explique : « Oui, c’était dur de vivre avec eux, toujours armés, surveillant nos moindres déplacements. Dès 19 heures, plus personne ne sortait dans les rues. Maintenant, Dieu merci, nous avons la sécurité. » Ces familles se réjouissent de la réélection de Nayib Bukele, dont toute la communication repose sur cette peur qui ne quitte pas la population. Pour certains, si le gouvernement Bukele tombe, alors cela signifierait le retour des gangs.


En revanche, d’autres habitants et des associations avancent que la violence des gangs a été remplacée par la violence de l’Etat. L’association Soccoro, par exemple, défend 1 500 prisonniers arrêtés sans justification et qui n’auraient aucun lien avec les pandillas. Parmi eux, Sandra Hernandez, 36 ans, mère de deux enfants, vit dans une extrême pauvreté, et raconte à l’Agence Française de Presse (AFP) l'arrestation de son mari, José Medrano, le 26 mai 2022. « Ils l'ont accusé d'appartenance à un gang » alors qu’il était innocent, assure-t-elle. En prison, José Medrano est transféré à l'hôpital pour une hémodialyse. Il y décédera le 26 mars 2023. « Des innocents meurent, pas les membres des gangs (...) Ce qu'ils ont fait, c'est instaurer la terreur, et ce sont les pauvres gens qui tombent », fustige-t-elle.


Les méthodes “Bukele” dénoncés par Amnesty International


Des organisations de défense des droits humains comme Amnesty international ou le Mouvement des victimes du régime (Movir) au Salvador, dénoncent des détentions arbitraires, des mauvais traitements, des cas de torture ainsi que des décès dans les prisons. Dans son rapport de décembre 2023, Amnesty International affirme que les autorités salvadoriennes ont, pendant 21 mois consécutifs, restreint et bafoué les droits fondamentaux, notamment le droit à la vie et l’interdiction de la torture. De plus les données des organisations de la société civile  « montrent que les victimes de détention arbitraires ont en commun trois caractéristique socio-économique : un faible niveau d’éducation, un emploi précaire et le fait de résider dans des zones stigmatisées en raison de la pauvreté ou de l’emprise des gangs ». Anna Piquer, directrice du programme Amériques d’Amnesty International, alerte « nous assistons à une répétition tragique de l’histoire au Salvador, où la violence de l’État remplace peu à peu la violence des gangs, laissant les mêmes populations vulnérables prises dans un cycle sans fin de violations et de désespoir ».


Agathe Benit

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