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Claudia Goldin, un prix Nobel décore la pionnière des études sur les inégalités entre les sexes

Lundi 9 octobre 2023, le prix Nobel d’économie a été décerné à l’économiste américaine Claudia Goldin, récompensée pour ses travaux sur la place des femmes sur le marché de l’emploi.


© WIKIMEDIA / CC BY-SA 4.0 - Photographie portrait de la chercheuse américaine


Le jury Nobel a félicité l’économiste pour avoir « donné un aperçu nouveau et souvent surprenant du rôle historique et contemporain des femmes sur le marché du travail ». À l’annonce de cette distinction, Claudia Goldin a insisté sur la permanence des inégalités : « la voie vers l’égalité professionnelle entre les sexes est encore longue […], malgré d’importantes évolutions », déclare-t-elle à l’Agence France-Presse. Elle reconnaît néanmoins le poids symbolique de ce prix qui consacre « les personnes qui travaillent sur ce thème et essayent de comprendre pourquoi il reste de grandes inégalités ». Sur France Culture, Tiphaine Rocquigny (« Entendez-vous l’éco ? ») a imaginé l’ingénieuse expression d’un « Nobel à soi », en référence à l’essai de Virginia Woolf (Une Chambre à soi), qui pose la question des conditions d’accès des femmes au génie littéraire et des barrières financières, sociales et mentales qui empêchent l’émancipation féminine.


Âgée de 77 ans, Claudia Goldin est pionnière à plus d’un titre. Troisième femme à être « nobélisée » en économie, elle est la première à recevoir le prix en tant que lauréate unique. En effet, Esther Duflot (2014) et Elinor Ostrom (2009) ont partagé leur distinction avec un co-lauréat masculin. Souvent citée parmi les dix économistes les plus influentes au monde (International Monetary Fund), Claudia Goldin a été la première femme à obtenir une chaire au département économique de Harvard en 1990. Du reste, les travaux de Claudia Goldin ont inspiré de nouveaux bataillons de femmes économistes, contribuant à populariser l’étude des inégalités entre hommes et femmes.


Pourquoi la science économique a-t-elle besoin du féminisme, et vice-versa ? C’est la question posée par Hélène Périvier (L’économie féministe), économiste à l’OFCE Sciences Po, qui inscrit les recherches de Claudia Goldin dans la théorie de l’économie féministe. Goldin parvient à surmonter les biais androcentrés en poussant l’analyse au-delà du sexisme usuel de sa discipline. H. Périvier relève que, si Goldin n’est pas la première à parler du travail des femmes, en revanche, « ce qui est nouveau, c’est la façon dont elle en parle, les outils dont elle se dote pour raconter la lame de fond de l’émancipation économique des femmes ».


À mesure que le mouvement féministe prenait son essor dans les années 1970, Claudia Goldin entreprit une vaste investigation. Se situant dans la lignée du modèle des choix individuels sous contrainte de Gary Becker, l’économiste américaine retrace deux siècles d’évolutions de la participation des femmes à la machine économique. En règle générale, la science économique fait abstraction du genre, mettant sur le même plan la figure de l’homo œconomicus avec celle de la femina œconomica. Pourtant, les rôles sociaux assumés par les femmes ne sont pas sans conséquence sur leur contribution économique. Dans son essai autobiographique (The Economist as Detective, 1998), Goldin écrit avoir été alertée par le constat d’un « élément manquant » : la femme mariée, grande invisible des statistiques. Claudia Goldin devient ainsi la première économiste à se saisir de la femme comme objet d’étude économique.


Inlassablement contesté pour son manque de diversité dans la nomination des lauréats majoritairement américains, le « Nobel d’économie » fait figure de cancre de la parité, avec seulement 3 femmes primées sur 91 lauréats. Parmi les autres reproches formulés à la prestigieuse décoration, France Culture insiste sur la « forte prévalence des thèses néolibérales dans les travaux récompensés, qui fait grincer des dents ». La récente gratification de Claudia Goldin fait donc figure d’exception.


Ambrine Mauduit



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