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Comment Shein réussit à harponner la Gen Z ?

Autant décriée que louée, la célèbre marque de prêt-à-porter chinoise a su s’imposer malgré un modèle de production douteux. Sa principale cible : la jeunesse, appâtée par la course à la tendance. Comment la marque a-t-elle réussi à s’imposer auprès de toute une génération ?


Regarde ce gilet, il est magnifique, simple mais je l’ai trouvé nulle part ailleurs, c’est mignon ça se met avec n’importe quoi”. Marion, 22 ans, étudiante en droit, exhibe sa dernière trouvaille Shein avec enthousiasme. “Il n’y a que sur Shein que je trouve les vêtements que je veux”, renchérit-elle, “dans les autres boutiques il n’y a jamais rien, alors que sur le site on a un très large choix”. A l’instar d’autres jeunes de son âge, Marion s’est laissé séduire par le modèle attractif de la plateforme.


Cette célèbre entreprise chinoise d’ultra-fast fashion créée par Chris Xu en 2008, à l’origine spécialisée dans la vente de robes de mariée, s’est aujourd’hui profondément implantée dans les pratiques de consommation des plus jeunes, et pour cause… Shein, c’est entre 5 000 et 10 000 nouveautés par jour, des articles un tiers moins cher que chez Zara, selon le groupe d’étude Kantar, et l’application mode la plus téléchargée au monde. Rien que ça. Le modèle de Shein est construit spécialement pour appâter les plus jeunes, sensibles aux tendances relayées par les réseaux sociaux, et à des prix plus qu’abordables.


Shein met en vente plusieurs milliers de nouveautés par jour, offrant au consommateur la possibilité d’un scroll infini, avec des prix toujours plus bas. “En 3 jours seulement ils sont capables de trouver un vêtement d’une grande maison, copier le patron, faire le vêtement, prendre les photos sur les mannequins, poster et envoyer, ce que personne ne sait faire. Ça défie toute concurrence” explique la vidéaste engagée EnjoyPhoenix au micro des Reportages de Martin Weill. Dès qu’une nouveauté Zara ou H&M tombe, Shein est capable de copier le vêtement pour le vendre à un prix dérisoirement plus bas. Sur TikTok, les vidéos montrant les “dupes” de la marque font fureur.



Ici, un top similaire pour 13 euros de moins (source : zara.com / shein.com)


“Les prix ne sont pas le premier facteur, en vrai je suis prête à investir pour un vêtement, mais ça me pousse à acheter plus. Je dois avoir une wishlist de 15 km.”


Marion, 22 ans, étudiante en droit


“Une amie m’a montré des robes, je les ai trouvées jolies mais j’avais peur de la qualité. J’ai commandé 5 robes pour 84 euros, mais je me suis rendu compte que c’était pas éthique. J’achète par rapport au prix, au design, mais pas à la qualité.”


Chloé, 21 ans, en Prépa commerce


J’ai déjà acheté sur Shein et franchement c’était purement le prix et les photos des mannequins ultra-photoshopées qui donnaient envie. Sur le coup j’avais l’impression de faire une trop bonne affaire et d’avoir déniché des pépites. J’avais payé 50 euros pour 6 ou 7 articles.”


Clarisse, 21 ans en Master de droit public


Son succès, Shein le doit entièrement à la Génération Z, les personnes nées entre la fin des années 1990 et 2010, et qui ont grandi avec l’essor d’Internet. « C’est le premier lieu d’achat d’habillement des 15-24 ans en France » explique dans Le Monde Hélène Janicaud, responsable des études chez Kantar. Ce boom chez la jeunesse s’explique en partie par une stratégie de communication finement menée sur les réseaux sociaux, notamment les “haul” (littéralement “butin” en français). A travers ces vidéos virales, les utilisateurs présentent leurs achats à leurs abonnés, faisant bénéficier Shein d’une publicité gratuite. Sur TikTok, le hashtag #SheinHaul a comptabilisé 4 milliards de vues l’an dernier, d’après Libération. L’entreprise vise dans le mille avec sa cible : les jeunes, particulièrement sensibles à la course à la tendance pour mieux s'intégrer.



Les prix bas permettent aux utilisateurs de faire des hauls de plusieurs dizaines d’articles (“So I spent 1000 $ on Shein…” - youtube.com - SHEIN HAUL | Tik tok viral videos)

Le géant chinois de l’habillement sait tirer parti de cet engouement. Chacun peut désormais devenir “ambassadeur” ou “ambassadrice” de la marque, simplement en faisant de la promotion sur les réseaux sociaux. En échange, ils peuvent bénéficier de réductions, mais Shein ne s’arrête pas là. L’entreprise peut former des partenariats avec ses “affiliés” qui font le plus de vues, et les rémunère alors directement pour faire la promotion de ses articles. Anna, 17 ans, interrogée pour Sept à Huit le mois dernier, explique recevoir jusqu’à 400 euros pour un TikTok d’une minute…


Shein, c’est bien le triomphe par excellence de la Fast Fashion auprès des jeunes. Selon le Financial Times, l'entreprise aurait néanmoins perdu un tiers de sa valeur depuis avril 2022, et ne serait pas non plus épargnée par la guerre en Ukraine et les difficultés structurelles du secteur de l’habillement. Un signe que les consommateurs se tournent vers d’autres alternatives ? Les scandales liés aux conditions de production et de fabrication des vêtements ont-ils fini par résonner auprès des consommateurs ?


La communauté des plus jeunes sur les réseaux sociaux n’est pas opaque à ces scandales, et une partie d’entre eux appellent même à boycotter la marque. C’est le cas de Titouan, 21 ans, travaillant dans le tourisme : “C’est à l’heure actuelle la marque avec la pire empreinte écologique. Elle est aussi connue pour voler les designs de créateurs indépendants”. Teo, 23 ans, rejette lui aussi le géant du prêt-à-porter : “Le prix m’a souvent fait hésiter à acheter, tellement c’est bas. Mais au-delà des conditions de confection des habits vraiment déplorables, et des travailleurs exploités, les reportages sur les créateurs et créatrices qui voyaient leurs idées reproduites pour 10 balles sans être crédités, ça me paraissait vraiment immoral”.


Emma Téreygol



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