La rentrée approche pour les étudiants d’Assas. Mais cette année, crise sanitaire oblige, la reprise est plus atypique que les autres années, d’autant plus que la circulation virale semble être en nette progression en ce début d’automne. Face à ce contexte dépaysant L’OEil d’Assas s’est interrogé sur le ressenti des premiers concernés et a rencontré pour vous deux étudiantes dont la vie universitaire a été directement impactée par cette situation.
Au fil de la conversation nos deux interlocutrices nous offrent leurs réflexions sur l’université au temps du Covid.
[Par souci d’anonymat les prénoms cités ont été modifiés.]
Deux étudiantes, deux expériences
Nous parlons dans un premier temps avec Agathe, étudiante à Assas depuis 3 ans. Cette année elle doit passer les rattrapages mais à quelques jours des examens, sa maman, avec qui elle a été en contact, est testée positive au Covid-19.
Agathe décide de prendre contact avec les autres étudiants concernés par les rattrapages et découvre ne pas être la seule dans cette situation. Commence alors une correspondance importante avec l’Université. De la cellule Covid, à la Scolarité, au Bureau des examens les réponses sont différentes voire contradictoires. Certains parlent de défaillance car l’université est dans l’impossibilité d’organiser des examens alternatifs pour le petit nombre de personnes concernées tandis que d’autres évoquent la possibilité de venir passer ses examens si asymptomatique. Pour rappel un individu est asymptomatique lorsqu’il est porteur du virus mais ne présente aucun symptôme. Le degré de contagiosité de telles personnes est débattu.
Si elle a finalement été testée négative au Covid-19 et a été en mesure de passer ses examens, Agathe reste marquée, à l’issue de cette “expérience”, par le délai et la légèreté de certaines réponses mariés au sarcasme déplacé de certaines remarques.
Notre interlocutrice le confirme: elle aime beaucoup son université, s’y trouve bien et souhaite d’ailleurs fermement y faire son Master 1, mais cette année elle est déçue par le peu de considération que les élèves ont pu recevoir dans ce contexte difficile. D’après elle l’état d'âme des étudiants n’est pas pris en compte. Les étudiants sont des numéros. Mais peut-être, propose-t-elle, que cela pourrait être résolu si l’université prenait moins d’élèves dès la première année.
Au cours de notre échange Agathe s’aventure plus loin et fait émerger une problématique plus importante. Elle change d’échelle et évoque une faille éthique dans le système universitaire français dans son ensemble. Elle le compare aux systèmes universitaires britannique et américain où ses connaissances ont l’air plus épanouies et remet en question la relation des universités françaises avec leurs étudiants. Ses propos nous font réfléchir.
Chiara, étudiante en économie à la Luiss à Rome, nous pousse encore plus loin dans notre réflexion sur le système universitaire français et sa gestion de la crise sanitaire en nous offrant la perspective italienne.
Il y a quelques mois elle a été l’un des 5 étudiants sélectionnés parmi toute sa promotion pour un programme d’échange exclusif avec une prestigieuse université parisienne. Au cours de l’été elle est informée que la formation se tiendra exclusivement à distance. Libre à elle de venir vivre à Paris si elle le souhaite...mais pour des raisons budgétaires il lui semble plus judicieux de rester à Rome.
Rien n’est certain pour le deuxième semestre mais pour le premier cela est acté. Elle est déçue. Les échanges à l’étranger sont une expérience qu’il faut vivre physiquement. La richesse d’une année à l’étranger réside dans ses enjeux culturels, sociaux et académiques.
Ses camarades de la Luiss, quant à eux, retournent à l’université une fois par semaine par roulement et ont la possibilité de rentrer dans les locaux les autres jours à condition de réserver leur place sur internet. Pour le reste tous les cours sont numériques. Mais, précise-t-elle, au moins ils ont ce contact social ponctuel que je n’ai pas.
Plusieurs universités, plusieurs écoles de pensée
Chiara aurait aimé que l’université parisienne mette en place un système similaire qui lui permette de rencontrer, même si progressivement, sa promotion et qui lui permette de s'imprégner, au moins partiellement, de cette expérience transalpine. Ce n’est pas le cas.
En effet si certaines facultés comme Paris II ont opté pour la reprise des cours en présentiel d’autres universités telles que Sciences Po, Descartes ou Dauphine ont pensé une vie universitaire presque entièrement numérisée.
Les 1031 clusters recensés à la date du 22 septembre (données issues des remontées des cellules régionales de Santé Publique France et des Agences régionales de santé) pourraient être un argument en faveur du choix de l’éducation virtuelle tout comme l’importance de la vie associative étudiante en France et l’importance du contact social dans l’éducation pourraient, quant à eux, être des arguments en faveur d’une reprise physique des cours.
Les avis divergent sur le comportement à adopter et face au nombre d’étudiants inscrits dans les universités françaises au cours de l’année 2019-2020 (plus d’un million et demi selon le ministère de l’Education Nationale), majoré cette année par l’arrivée exceptionnelle de 35 mille étudiants supplémentaires, difficile de trouver LA solution qui convienne à tout le monde.
Une seule chose est certaine: quelque soit la décision prise par les universités elle doit être inclusive des étudiants, pour lesquels l’UNEF a d’ailleurs estimé une augmentation du coût de vie de 3,67% (Les Echos) cause Covid-19, et respectueuse des mesures annoncées par le Gouvernement dont vous pourrez trouver un résumé sur L’Œil d’Assas dans les jours à venir.
Sigolène Scardulla
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