Le cercueil d’Ebru Timtik porté lors de ses funérailles le 28 août 2020. L’avocate est décédée le jeudi 27 août 2020, à l’âge de 42 ans, 238 jours après avoir entamé une grève de la faim.
Crédits : Bulent Kilic - AFP
« Si un avocat meurt, il demandera justice dans sa tombe ». Ces mots, prononcés par Ebru Timtik, raisonnent d’autant plus fort que son décès le 27 août 2020, après 238 jours de grève de la faim, soulève une vague d’indignation au sein de l’opposition au régime du président Recep Tayyip Erdogan.
Une militante pour les droits humains
Avocate kurde, Ebru Timtik travaillait au sein de l’Association des avocats progressistes (Çağdaş Hukukçular Derneği), organisation défendant des cas politiquement sensibles, notamment des personnes persécutées par le pouvoir turc. Ebru Timtik a défendu entre autres des dissidents kurdes, dans un contexte politique et social tendu avec les autorités turques. Par ailleurs, l’organisation d’avocats à laquelle elle appartenait est accusée par le régime d’Erdogan d’être affiliée au Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple, une organisation classée comme terroriste par la Turquie, mais aussi le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Union européenne.
Un procès et une condamnation contestée
Le 20 juin 2019, Ebru Timtik est arrêtée avec des confrères par les autorités turques pour « appartenance à une organisation terroriste ». L’avocate est condamnée le 15 octobre 2019 à 13 ans de prison. Toutefois, l’équité et l’impartialité du jugement sont largement contestées. Les juges qui avaient ordonné leur libération ont été remplacés, la défense n’a pas pu s’exprimer avant la prononciation du verdict. En prison, Ebru Timtik entame le 20 février 2020, avec son collègue Aytaç Ünsal, lui aussi emprisonné, une grève de la faim, quitte à entraîner leur mort. En juillet 2020, Ebru Timtik, détenue dans de mauvaises conditions et ne pesant plus que trente kilos, est transférée à l’hôpital d’Istanbul, où elle s’éteint le 27 août 2020. Le lendemain, ses obsèques sont le théâtre de tensions entre les autorités turques et les personnes présentes.
Une situation préoccupante pour les avocats en Turquie.
Aytaç Ünsal, le confrère avec qui Ebru Timtik avait entamé une grève de la faim illimitée, est dans un état critique. Ils ne sont pas les seuls avocats à avoir été condamnés en Turquie pour exercer leur profession. La soeur de l’avocate défunte, Barkin Timtik, a été condamnée à 18 ans et 9 mois de prison. Depuis le coup d’État manqué à l’encontre du président Erdogan en 2016, environ 1500 avocats ont fait l’objet de procédure pour terrorisme selon l’organisation « The Arrested Lawyers Initiative ».
D’autres professions liées à la liberté d’expression telles que des intellectuels ou des journalistes font l’objet de pression, de répression et d’oppression par le régime turc en place.
Melchior Delavaquerie