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Fortes tensions en Ethiopie à l’approche des élections législatives

Dans ce pays de la corne est de l’Afrique divisé par des tensions ethniques, les élections législatives prévues le 29 août 2020 et repoussées au 5 juin 2021, en raison de l’épidémie du coronavirus, sont un enjeu de taille. Elles permettraient au Premier ministre en place d’affirmer la transition démocratique promise lors de son élection, alors que son mandat est entaché de violences et de conflits, particulièrement avec la région dissidente du nord du pays, le Tigré.


L’ambition démocratique d’un nouveau Premier ministre


Depuis l’arrivée au pouvoir en avril 2018 du chef du gouvernement, Abiy Ahmed, premier homme politique d’ethnie oromo à détenir ce poste, le pays fédéral est confronté sans relâche à des épisodes de violences. L’homme d’Etat, prix Nobel de la paix en 2019, a souhaité faire de sa législature une étape cruciale dans la démocratisation du pays : il permet la libération de prisonniers politiques, propose le retour en Ethiopie d’une des dirigeantes de l’opposition exilée, Birtukan Mideksa, ou encore, mène un combat considérable contre la corruption gangrénant le pays. De plus, il tente de rétablir la confiance entre le peuple et la politique après la déception des élections législatives du 24 mai 2015. En effet, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens, coalition au pouvoir depuis 1991, avait remporté la totalité des 547 sièges du Parlement. Qualifié de frauduleux par les observateurs internationaux, ce scrutin a été remis en cause par Amnesty International et d’autres organisations non-gouvernementales de défense des droits de l’homme. Abiy Ahmed, avait déclaré en 2018 vouloir que les prochaines élections législatives soient « libres », « justes » et « démocratiques ».


Le conflit dans le Tigré : Frein à la démocratisation et moteur de tensions politiques


Alors que la pandémie a empêché l’organisation du scrutin législatif d’août 2020, le Parlement fédéral a voté l’extension du mandat des députés, devant initialement expirer en octobre. Mais le Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), parti politique et groupe armé indépendantiste de la région du Tigré, a rejeté cette décision. Existant depuis 1975, il a été pendant près de 30 ans un des acteurs principaux de la politique éthiopienne, jusqu’à l’élection d’Ahmed Abiy. Ce dernier l’écarte du pouvoir, faisant perdre aux tigréens de leur influence. Le parti devient alors séparatiste, sur fond de dissensions ethniques : il reproche au premier ministre oromo, ethnie majoritaire en Ethiopie, de mettre de côté la minorité tigréenne, représentant environ 6% de la population nationale.

Le Tigré, avec ses 4 300 000 habitants, décide unilatéralement d’organiser ses propres élections régionales en septembre dernier. Qualifiées d’illégales par le gouvernement fédéral, elles n’ont de facto pas été reconnues. Abiy Ahmed a orchestré dès le 4 novembre 2020 une opération militaire dans la région contre le gouvernement tigréen pour réinstaurer des « institutions légitimes » et reprendre le contrôle des grandes villes de la province. Cette offensive a également été mise en place dans le but de freiner la déstabilisation du gouvernement, entreprise par la région dissidente. Le 7 novembre dernier, le Parlement fédéral a voté la révocation du parlement régional mais aussi de l’exécutif du Tigré.

Cet évènement a entraîné un climat menaçant, voire un danger de guerre civile entre cette région séditieuse et les forces armées fédérales. Le gouvernement central a refusé toute médiation internationale et a déclaré l’état d’urgence le 5 novembre 2020. D’après l’ONU (Organisation des Nations Unies), environ 50 000 Ethiopiens se sont réfugiés au Soudan, pays voisin et il y a plus de 65 000 déplacés dans le pays. Le Tigré a mené en parallèle des séries de tirs de roquettes sur le pays voisin, l’Erythrée, accusé d’agir en faveur du gouvernement éthiopien, notamment en intervenant militairement aux côtés d’Addis Abeba. Le nombre de morts et de blessés pendant les affrontements ne sont pas connus.

Les violences continuent à ébranler la région, malgré l’affirmation de la victoire par le gouvernement fédéral, depuis sa reprise de Mekele, capitale et plus grande ville du Tigré, le 28 novembre. De surcroît, Debretsion Ghebremichael, ancien chef de l’exécutif du Tigré et grand adversaire d’Abiy Ahmed, appelle les Tigréens à continuer de se battre contre « les actes de génocide » commis à leur encontre par le gouvernement. La région se retrouve donc en dehors du contrôle du gouvernement central qui tente d’arrêter les grandes figures du TPLF.


©Nemuel Cereti Manifestation le 10 juillet 2020 de l’ethnie Oromo, témoignant des clivages ethniques qui règnent dans le pays



Les élections législatives attendues de pied ferme pour rétablir le calme et la stabilité démocratique


Alors que ces affrontements rythment la vie du pays depuis plusieurs mois, les enjeux des prochaines élections législatives s’avèrent de grande ampleur. L’objectif principal défendu par le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique est de retrouver une légitimité démocratique. La situation au Tigré et les violences qui occurrent depuis décembre dans la région du nord-ouest du pays, le Benishangul-Gumuz (plus de 200 morts lors d’une attaque survenue le 23 décembre dernier) déstabilisent complètement le pays. En effet, des groupes armés profitent du rassemblement des forces du gouvernement dans le Tigré pour semer le trouble dans d’autres régions. Le 19 janvier 2021, le conseil électoral éthiopien a radié le TPLF. Cette décision a pour conséquence de rendre le parti illégal et ainsi interdit de participer aux élections législatives. Or, cela ne signifie pas pour autant que le TPLF abandonne toute velléité de pouvoir.

Un chemin ardu reste donc à parcourir afin de garantir le déroulement du scrutin législatif prévu en juin prochain dans de bonnes conditions : Constitution des bureaux de vote, enregistrement des candidats et des électeurs, organisation des campagnes électorales.

En outre, certains partis contestent déjà la tenue du scrutin au motif que leurs chefs sont en prison, notamment Jawar Mohammed, accusé de terrorisme, risquant d’être emprisonné à vie.

Cette élection, si elle se déroule sans troubles, serait le moment phare de la transition démocratique du pays tant louée par le Premier ministre Abiy Ahmed.


Victoria Petrolesi



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