L'invasion de l'Ukraine par la Russie déclenchée le 24 février 2022 a mis en lumière l'importance des engins aériens sans pilotes appelés « drones », qui ont su stopper de façon remarquable l'avancée des troupes russes vers Kiev, capitale ukrainienne. Sa prise, synonyme de défaite militaire et politique, a été vite évitée par l'utilisation intensive des drones qui ont frappé avec soin les colonnes de chars russes à l'assaut de Kiev. Désormais, c'est dans le Donbass qu'ils opèrent et ce, de façon croissante. Récit d'un engin qui a révolutionné les règles traditionnelles de la guerre.
Une utilisation aux avantages multiples
Les drones ont la particularité d'être pilotés à distance par des opérateurs au sol, parfois à plusieurs centaines de kilomètres de leur base. Ils servent principalement à des fins de renseignements ou de neutralisations lorsqu'ils sont équipés de points d'emports à munitions.
Sur les théâtres d'opérations avec une forte activité des défenses aériennes, le drone va pouvoir s’aventurer dans des zones où un avion de guerre classique aurait peu de chances de s'en sortir. Le risque de perdre l’avion avec son pilote à son bord est dès lors écarté. Un avion de guerre est aujourd'hui estimé aux alentours de 80 millions de dollars pour un coût horaire en vol de 25 mille dollars en moyenne, alors qu'un drone peut valoir - pour le drone iranien Shahed-136 - 20 mille dollars, soit 4 milles fois moins cher qu'un avion. Par ailleurs, le New York Times rapporte que le coût d'un tir de missile sol-air pour abattre un drone tel que le Shahed-136 peut aller de 140 mille à 500 mille dollars. En termes de rapport « coût/efficacité », le drone présente un certain avantage, sachant qu’il peut causer autant de dégâts qu'un avion de guerre.
En outre, leur perspective d’utilisation tend à s'élargir à une plus grande échelle. L'omniprésence des drones dans les théâtres d'opérations a pu être observée dans plusieurs conflits, notamment en Syrie, en Libye, dans le Haut-Karabakh, en Éthiopie et maintenant en Ukraine.
L'efficacité prouvée des drones dans l'issue des conflits
La guerre en Syrie constitue un tournant majeur dans la guerre moderne. Elle a vu naître l’essor des drones en tant qu’arme de substitution des avions, trop coûteux pour ce genre de guerre dite « à basse intensité ». Libération relevait en février 2020 lors d’affrontements meurtriers la manière avec laquelle l’armée turque avait décimé les troupes du régime de Bachar al-Assad : “avec une efficacité de métronome grâce aux drones Bayraktar TB2”.
En Libye et dans le Caucase, les drones turcs ont renouvelé leur prouesse. Ils ont permis d’infliger des défaites cuisantes à leurs adversaires, notamment dans le Haut-Karabakh disputé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Cette dernière a remporté en 44 jours ce qu’elle avait perdu il y a 30 ans. Une défaite qui s’explique par le fossé technologique important entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan qui a profité de sa supériorité avec l’aide des drones israéliens et turcs. Même paradigme en Libye, où les drones turcs ont stoppé net les troupes du maréchal Haftar, aidés des mercenaires du groupe Wagner à l’assaut de la capitale Tripoli.
Toujours en Libye, un fait marquant a pu être relevé. Un rapport de l’ONU datant du 8 mars 2021 indique que pour la première fois dans l’histoire, un drone autonome doté d’une intelligence artificielle - le STM Kargu-2 - a ciblé des troupes du maréchal Haftar pour les éliminer et ce, sans intervention humaine. Il s’agit de drones qui volent en essaims, c’est-à-dire à plusieurs. Ils vont alors repérer, identifier puis tirer sur des cibles en toute autonomie. Un processus au cours duquel l’homme n’intervient pas, le drone obéit à l’intelligence artificielle qui repose lui-même sur des algorithmes.
Jeune Afrique insiste également sur le fait que l'usage des drones a marqué un tournant décisif dans la reconquête du Tigré par Addis-Abeba. En grande difficulté au début du conflit, l’Éthiopie a démarré une contre-offensive foudroyante avec l’appui de drones pour reconquérir les territoires perdus du Tigré.
Les perspectives du drone dans les guerres futures : un engin en voie de généralisation
En Ukraine, l’échec des troupes russes à s’emparer de Kiev au début du conflit s’explique en grande partie par l’utilisation maîtrisée des drones. Devenu le symbole de la résistance ukrainienne, le drone TB2 a même fait l’objet d’une chanson à sa gloire pour ses succès majeurs.
Les colonnes de chars russes présentes à la périphérie de Kiev ont été successivement bombardées, paralysant leur avancée. Contrainte de se retirer, l’armée russe s’est recentrée dans le Donbass qui concentre des centaines de milliers de soldats. Dans cette région, Ukrainiens et Russes utilisent intensivement les drones pour repérer et bombarder les positions ennemies.
En Ukraine, tout engin volant, même civil, sert à l’effort de guerre. L’armée ukrainienne comme l’armée russe a recours aux drones pour pallier l’absence de supériorité aérienne. Les rares avions survolant le ciel ukrainien ont pour beaucoup le même sort, c’est-à-dire la destruction de l’avion ainsi que son pilote par les défenses aériennes. Pour éviter les pertes, le drone se positionne en tant que solution privilégiée, tant économiquement qu’humainement. Après 11 mois de guerre, il constitue le nerf du conflit. Il remplace les avions de guerre dans leurs missions traditionnelles de reconnaissance et d’attaque au sol. La guerre en Ukraine est une ébauche de la guerre moderne où le drone tend à devenir un engin de plus en plus important stratégiquement et avec pour finalité perpétuelle de causer toujours plus de pertes à l’adversaire.
Semih SOLAK
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