Rédigée en 2017 par le comédien britannique Dennis Kelly, c’est en 2020 que la comédie tragique Girls and Boys fut mise en scène par Chloé Dabert, d’abord au Théâtre du Rond point, puis ce mois-ci au Théâtre 14, et intégralement jouée par Bénédicte Cerutti. Intégralement, oui, car il s’agit d’un seul et unique monologue : sur scène, il n’y a qu’elle, son histoire et ses souvenirs. On y parle famille, essentiellement, mais aussi violences, drames contemporains, tensions subtiles et avant tout, de la vie de tous les jours. Retour sur le brillant texte de Dennis Kelly, intelligemment porté par Chloé Dabert et Bénédicte Cerutti.
Voilà un défi difficile à relever que de jouer un seul en scène durant près d’une heure quarante, pour raconter des années de couple, de vie de famille, ponctuée de souvenirs revécus de temps à autre. C’est pourtant bien ce défi qu’a parfaitement su relever Bénédicte Cerutti, accompagnée par la mise en scène épurée de Chloé Dabert.
Comme première entrée en matière, le décor peut surprendre : trois sièges sur le côté gauche, alignés de profil, un fond métallique gris, et c’est tout. Tout s’explique dans la première scène, lorsque la comédienne débute son histoire par sa rencontre avec son mari, dans un aéroport. Et c’est le seul décor qui animera la pièce, presque comme un symbole de l’histoire. Une rencontre, ou plutôt un personnage qui hante la narration et l’esprit de cette femme - seule face aux spectateurs. Elle regarde le public, s’adresse à lui, et réussit à capter notre attention du début à la fin. On en oublie évidemment l’aéroport, dont le fond est en fait une porte coulissante permettant, en quelque sorte, de réanimer certains souvenirs. En somme, les outils de la pièce sont maigres mais amplement suffisants, non seulement grâce à la vivacité du jeu de Bénédicte Cerutti, mais aussi grâce à cette intrigue paraissant banale : l’histoire d’un mariage et de deux enfants.
En effet, le texte a d’une part l’avantage d’être totalement accessible. C’est un écrit « parlé », et les sujets abordés, en apparence, sont communs à tous. Cela rend la pièce réaliste, d’autant plus quand on constate, en réalité, que l’histoire se transforme petit à petit en un drame social. On démarre par des scènes comiques, l’ambition de la protagoniste à se faire un nom dans l’industrie du cinéma en ayant du cran et des idées, son idylle avec son mari, les engueulades avec ses enfants. Bref, des intrigues simples avec des détails réalistes permettant la nuance chez les personnages, qui finalement font qu’on ne se prépare pas vraiment à la suite de l’histoire. Puis le suspense règne et les tensions s’épaississent, des mentions qui ne semblaient que des détails, des discussions sur le terrorisme, la colère, la violence, deviennent des moteurs clefs au déroulé de l’intrigue. Finalement, Dennis Kelly semble justement cerner l’essence des frustrations humaines, et du sexisme ambiant dans notre société.
Plusieurs sujets en un donc, celui de cette femme, qui nous absorbe complètement le temps d’une pièce, et dont on ressort marqué. Sans en dire plus pour éviter de gâcher cette véritable expérience théâtrale, tout ce qui est à retenir est que la pièce se joue encore durant une semaine au Théâtre 14 et que le prix n’est que d’1 pauvre euro pour les étudiants. Courez-y !
Charlotte Dhubert
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