Par ambition électoraliste, Jair Bolsonaro a enraciné la culture des armes au Brésil, un pays déjà fortement empreint de criminalité et de violence.
Au Brésil, l’ex-président Jair Bolsonaro laisse derrière lui la libéralisation du secteur des armes à feu. Parmi les priorités de son mandat, celle de faciliter l’acquisition et la détention de fusils et pistolets s’insère dans un des pays les plus marqués par la violence et la criminalité. Une situation qui conduit à l’auto-défense arbitraire et à la multiplication des accidents.
De l’instrumentalisation du droit à la sécurité à la hype des stands de tir
Dans le cadre de sa campagne en 2018, le candidat à la présidentielle brésilienne Jair Bolsonaro a décidé d’aller à rebrousse-poil du désarmement de la population, enclenché depuis 2003. Il a largement communiqué sur sa volonté de faciliter l’accès à la détention d’armes à feu et c’est une des principales raisons de sa victoire. Argumentant en faveur du droit à la protection et à la sécurité des citoyens, il a fait du réarmement sa priorité. Et à en croire les chiffres, il a tenu parole. Depuis le début de son mandat, le nombre de permis de port d’armes a augmenté de 500% et les ventes de revolvers et fusils de 90% par rapport aux années Lula. Parmi ces acheteurs figurent de nombreux partisans de l’ancien président.
Via l'adoption d’une quarantaine de décrets, il a nettement facilité l’armement de la population en assouplissant les règles d’acquisition. Ils permettent notamment à certains habitants de s’offrir des armes parfois plus puissantes que celles de la police fédérale. Le taux de criminalité du pays est un des plus élevés au monde (30,8 % pour 100 000 habitants, pour un taux de 1 pour 100 000 en Europe, en 2018, selon l’annuaire brésilien de sécurité publique) et est même supérieur à certains pays en guerre.
En 2021, c’est en moyenne un club de tir par jour qui ouvre ses portes. Ces stands prolifèrent depuis 2019 car ils s’adressent à toutes les tranches sociales, allant du brésilien le plus pauvre au plus à l'aise. On y apprend l'autodéfense, dans l’idée de garantir soi-même sa protection pour pallier à l’impunité criminelle.
Une surenchère de la violence
Bien que le camp Bolsonaro se targuait d’un lien entre la baisse des homicides et l’augmentation du port d’armes, il semblerait en réalité que cette diminution soit due à des trêves dans les règlements de comptes. Surtout, cette baisse est amorcée avant son arrivée au pouvoir, par des mesures sécuritaires antérieures.
Les décrets ont pris place dans un contexte déjà affirmé de violence au Brésil, partagé entre trafiquants et milices semant la terreur. Bruno Paes Manso (A República das Milícias. Dos Esquadrões da Morte à Era Bolsonaro) rappelle que l’expansion de ces milices paramilitaires, issues des “escadrons de la mort” sous la dictature, se traduit par une emprise institutionnelle et que Bolsonaro a contribué à les soutenir.
Dans une situation où milices et politique se mêlent et où il est impossible de responsabiliser des individus pour les meurtres et exactions commises, posséder une arme implique de se faire justice soi-même. Cette militarisation de la population entraîne une multiplication des accidents domestiques et des dérapages, renforçant la violence interne au Brésil.
Même s’il est interdit de porter une arme dans les rues, les propriétaires sont autorisés à les faire transiter vers les stands de tir. Aussi, les renouvellements des permis ne sont pas
forcément assurés et selon le Forum brésilien de sécurité publique, un tiers des 4,4 millions d’armes vendues légalement correspondent à des permis dépassés et certaines peuvent être détenues par des groupes criminels.
Un défi pour Lula ?
Face à la crainte du recours aux armes, et dans le contexte de la défaite subie par le camp Bolsonaro lors des dernières présidentielles, la démocratisation de la détention des armes à feu constitue un enjeu à part entière. Le président Lula, élu début novembre, ayant affirmé son soutien au désarmement du pays dans ses précédents mandats, et notamment lors du référendum de 2005 (“Faut-il interdire le commerce des armes à feu et des munitions au Brésil ?”), va certainement se heurter à une forte opposition s’il décide de s’attaquer aux mesures prises par son prédécesseur.
Margaux Couillard
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