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Interview de Romaric Thurel : au cœur du militantisme écologique

Dernière mise à jour : 5 mars 2020

Romaric Thurel, 23 ans, est originaire de Montbéliard en Franche-Comté. Issu d’une hypokhâgne Lettres et sciences sociales, il étudie le droit et l’économie en double licence à Nancy. Ses engagements peuvent être classés en quatre sphères. L’éducation populaire d’abord, en tant que scout chef de camp. Le vivre-ensemble ensuite, ayant contribué à développer l’association Coexister prônant la tolérance dans notre société. Le syndicalisme étudiant également, au sein de l’UNEF. Et enfin l’écologie, en tant qu’ancien coordinateur local Greenpeace à Nancy, cofondateur du mouvement Youth For Climate France et actuellement assistant parlementaire de Marie Toussaint, initiatrice de l’Affaire du siècle et eurodéputée Europe Écologie Les Verts. Romaric participe également comme militant aux Marches pour le climat et au mouvement Extinction Rebellion.


Que penses-tu du contexte social actuel par rapport à l’environnement ?


J’ai constaté une rupture en termes de moyens d’action dans l’écologie : on est passé des actes du quotidien – la fameuse métaphore amérindienne du colibri « faisant sa part » – aux actions collectives face à l’urgence climatique depuis 2015 et notre réveil douloureux. Citons les manifestations lors de la COP21, les actions de désobéissance civile, les actions non violentes. 2019 aura connu l’explosion de cette pensée avec des manifestations monstres – 300 000 personnes en mars, puis 7 millions de jeunes sur toute une semaine, sans oublier les 24 heures de blocage des sièges sociaux des grandes firmes polluantes à La Défense ! J’ai vu de mes propres yeux la massification de la désobéissance civile, avec Extinction Rebellion en octobre. Et enfin, ne négligeons pas les résultats des élections européennes qui ont clairement montré l’engagement écologique croissant de nos concitoyens.

Mais cela ne doit pas produire un faux message : nous avons besoin de tout le monde ! Il serait insensé de refuser de l’aide, d’où qu’elle vienne : les militants, les intellectuels, la société civile en général, les leviers institutionnels de la planète à tous les niveaux y compris local. Mais attention au greenwashing ! Il n’est plus temps d’être électoraliste ou de faire dans la demi-mesure : il faut des changements radicaux vu notre situation. Nicolas Hulot a eu du courage, à la fois d’avoir tenté d’agir au niveau gouvernemental français et d’avoir reconnu son incapacité à le faire. Je pense que sa démission a participé au déclic général. En dehors des Exécutifs et Parlements, le monde a aussi besoin de juges courageux : je pense ici au tribunal correctionnel de Lyon qui a relaxé en septembre des « décrocheurs de portraits de Macron » en reconnaissant l’état de nécessité, un motif légitime et le « devoir de vigilance critique ».


Tu « sors » donc de droit et d’économie. Quelles sont, pour toi, les relations entre le droit et la sauvegarde de notre planète ?


Ce n’est pas aux juristes d’Assas que je vais apprendre que le droit est différent de la justice. Pour les mouvements écologistes réclamant davantage de justice sociale et climatique, le droit est un objectif, les avancées législatives que nous proposons participant à la sauvegarde de notre écosystème. Il est aussi un moyen d’action, je pense à l’Affaire du siècle et la pétition ayant rassemblé plus de 2 millions de signatures, mais également aux recours en justice contre l’État. Le droit peut parfois s’avérer être un obstacle, la dichotomie droit-justice menant à la désobéissance civile lorsque cela est nécessaire, lorsqu’il faut désobéir au droit pour le faire avancer. Et enfin, il est utile dans sa composante de recherche, la théorie du droit devant évoluer pour inclure les droits de la nature, par exemple la reconnaissance des écocides.


Et concernant l’économie ?


Ici également, il faut distinguer plusieurs niveaux. La réflexion économique est désormais liée à l’écologie, après la pensée dominante néolibérale et son utopie des ressources infinies. L’économie est à la fois le problème et sa solution : il s’agit de la réinventer, en déconstruisant les apories intellectuelles, en mettant enfin un terme au culte de la croissance effrénée, en intégrant les défaillances de marché, les externalités négatives sur l’environnement… En résumé, nous devons créer un modèle dans lequel l’économie n’est qu’une partie, et non la fin en soi. Je reconnais aussi le critère pratique de l’économie, avec l’établissement de zones à défendre (ZAD) expérimentant les économies alternatives en petit groupe, les monnaies locales, les devises numériques pour contourner le système bancaire, sans oublier l’économie sociale et solidaire et l’économie circulaire. Face aux grandes théories classiques, je préfère l’expérimentation sur le terrain !


Pour finir, as-tu une petite réflexion à partager concernant la jeunesse assassienne ?


La jeunesse a un rôle majeur indéniable aujourd’hui ! On peut évoquer les 200 000 signataires du Manifeste étudiant pour un réveil écologique de 2018, ces futurs diplômés s’étant engagés à ne jamais travailler de leur vie au sein de firmes polluantes. Jérémy Désir, analyste quantitatif chez HSBC, a démissionné après son constat que le milieu financier ne prend absolument pas au sérieux la possible fin du monde que nous connaissons et aimons. Cela pour démontrer qu’il n’y a pas que les manifestations comme moyen de mobilisation pour l’écologie ! Alors pour mes lecteurs d’Assas, je voudrais rappeler de ne pas oublier l’écologie après les études. Car l’excellence aujourd’hui n’est plus seulement bachoter au sein de grandes écoles et d’universités prestigieuses : c’est aussi réfléchir intensivement dès à présent sur son action écologique de demain.


Propos recueillis par Pierre Pelini

 

Le contexte


La 25e Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP25), qui vient de s’achever à Madrid, est encore pour nombre d’observateurs un coup d’épée dans l’eau pour l’écologie et un énième coup de canif porté à la belle promesse de l’accord de Paris de 2015. Ironiquement, cette absence de résultats concrets s’accompagne du record de la conférence la plus longue pour parvenir à un consensus. Les « bad states » (États-Unis, Brésil et Australie) freinent des quatre fers pour éviter l’adoption de mesures internationales contraignantes qui permettraient de réaliser l’objectif principal de l’accord de 2015 issu de la COP21 : contenir le réchauffement en-deçà d’un degré et demi Celsius. Parallèlement aux tergiversations des pouvoirs publics étatiques, les sociétés civiles nationales continuent leur mobilisation mondiale, y compris la jeunesse française. Rencontre avec l’un de ces porte-étendards du combat pour la préservation de la planète : Romaric Thurel.

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