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L’évasion du narcotrafiquant Fito plonge l’Equateur dans un climat de violence et d’insécurité 

Tous les empires sont créés dans le feu et le sang. En Equateur, c’est l’évasion d’un seul homme qui a provoqué le chaos dans le pays, un homme au nom d’un empire, un empire du crime. Le 7 janvier 2024, le narcotrafiquant Adolfo Macias alias Fito, chef du plus grand gang criminel du pays d’Amérique du sud, s’évade du centre pénitencier de haute sécurité de Guayaquil. Il y était incarcéré depuis 2011, et purgeait une peine de 34 ans de prison. Son évasion entraîne des conséquences dévastatrices dans un pays gangrené depuis le début du XXIe siècle par le trafic de drogue et la criminalité, et renforce cette guerre de l’ombre entre gouvernement et narcotrafiquants. 



L'armée équatorienne sur le qui-vive. (© MARCOS PIN / AFP)


Les décisions d’ampleur du gouvernement équatorien

 

Agé de 44 ans, Adolfo Macias (“Fito”) est le chef du cartel Los Choneros depuis 2020 et l’assassinat de son ancien dirigeant. Homme du peuple et extrêmement populaire dans ce pays de l’Amérique du Sud, il a eu le droit à une chanson en son honneur alors qu’il purgeait sa peine d’emprisonnement. Le cartel dirigé par « Fito », composé de près de 8000 hommes, est un acteur majeur du trafic de stupéfiants et notamment de cocaïne en Amérique latine. L’organisation criminelle est également impliquée dans des affaires de trafic d'être humain, trafic d'armes, racket, blanchiment d’argent etc… L’observatoire équatorien du crime organisé note également que Los Choneros ont établi des liens avec les organisations criminelles colombiennes (cartel Del Golfo) et mexicaines (cartel de Sinaloa) ainsi qu’avec des réseaux criminels des Balkans. 

 

Élu le 23 novembre 2023, le nouveau président équatorien Daniel Noboa fait donc face à un défi majeur. Deux mois après son arrivée au pouvoir, il est contraint de déclarer l'État d’urgence dans l’ensemble du pays. Les prisons sont aussi concernées. Il justifie ce choix : « pour que les forces armées aient tout le soutien politique et juridique dans leurs actions » lors de l’annonce de la signature de la mesure d’exception. Dès lors, un couvre-feu est déclaré entre 23h et 5h. L’armée, aux côtés de la police, est autorisée à opérer pendant 60 jours dans les rues mais dans les prisons du pays en ayant un seul objectif : ramener l’ordre. Les autorités identifient ainsi 22 gangs comme « terroristes » afin de les traiter comme des « objectifs militaires », une décision ensuite validée à l'unanimité par le Parlement. Décision validée également par l’opposition de gauche qui apporte son soutien au gouvernement : « L’heure est aujourd’hui à l’unité nationale. Le crime organisé a déclaré la guerre à l’État, et l’État doit l’emporter ».

 

« Fito sera retrouvé, il doit être retrouvé. »

 

L’Equateur, ce pays discret d’Amérique Latine de 18 millions d’habitants est pourtant devenu un centre logistique pour l’expédition de cocaïne vers les Etats Unis et l’Europe. L’équateur est ainsi ravagé par la violence des gangs et des narcotrafiquants. Les homicides ont augmenté de 800% entre 2018 et 2023 passant de 6 à 46 pour 100 000 habitants, reflet de la violence constante et pesante orchestrée par les guerres de gangs. Les prisons sont d’ailleurs le théâtre de massacres récurrents entre bandes rivales. Depuis février 2021, il y a eu une douzaine de massacres ayant fait près de 500 victimes parmi les détenus. Les autorités se révélant bien souvent en incapacité matérielle et numérique d’assurer le contrôle. 

 

Accentuant les tensions, le mardi 9 janvier, des hommes armés et cagoulés font irruption sur le plateau de TC Télévision (chaîne publique de Guayaquil), et prennent en otage des journalistes et d’autres employés, avant que la police n’arrive à arrêter 13 assaillants sans faire de victime. Le 17 janvier, le procureur chargé de l’enquête de cette prise d’otage, dont le rôle est de déterminer quelle organisation est à l’origine de l’action choc télévisée, est assassiné. La mort de César Suarez démontre clairement le climat de brutalité et de terreur régnant sur la pays.



Prise d'otage en direct à la télévision équatorienne (Capture d'écran TC Télévision)

 

Noboa est élu sur une promesse de juguler l’insécurité et de résorber le crime organisé faisant loi au sein du pays. Il déclare : « Fito sera retrouvé, il doit être retrouvé ». Cependant, malgré l’annonce de l’état d’urgence, l’opposition et certains membres des organisations internationales reprochent au président d’apporter une réponse exclusivement sécuritaire à la menace. Il n’a par exemple pas annoncé de réforme sur la police et la justice, institutions gangrenées par la corruption, ou bien même de politique sociale pour lutter contre les causes profondes de la criminalité. 

 

C’est ainsi un évènement tristement spectaculaire qui permit d’attirer l'attention de la communauté internationale sur l’Equateur, faisant prendre en considération la situation politique et sécuritaire du pays. Si Fito demeure toujours introuvable, son cartel est quant à lui passé à l’offensive, en ayant la ferme intention de conserver le pouvoir urbain. Si ces évènements nous semblent extraordinaires, il s’agit pourtant d’une triste habitude de ces pays, gangrenés par le narcotrafic, et vivant dans une guerre ouverte du quotidien contre la criminalité. 

 

Thomas Veidic


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