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La cellule de «fact-checking», nouvelle idée rafraîchissante dans la conception du débat.


Amélie Rosique, responsable de de la cellule "fact-checking" lors du débat Zemmour - Mélenchon le 23 Septembre dernier." (Crédits image : BFMTV)


Présenté comme le principal évènement de cette rentrée politique, le débat opposant le polémiste Eric Zemmour au candidat de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon s’est révélé être un franc succès pour BFMTV. Plus de 3.8 millions de téléspectateurs en moyenne pour une part d’audience de 19 %, soit la chaîne la plus regardée de France dans la soirée du 23 septembre 2021.

Ce succès, prévisible au vu de la frénésie entourant le polémiste Eric Zemmour et sa possible candidature aux élections présidentielles de 2022, a permis à la chaîne d’information en continu de jouer une nouvelle carte de son jeu. En accompagnant le débat d’une cellule de « fact-checking » ( son but est de revenir à la fin de chaque partie de l'émission sur les propos mensongers énoncés par Zemmour et Mélenchon pour essayer de rétablir les faits), BFMTV décide de lancer ce qui semble être une nouveauté rafraîchissante dans la conception du débat public télévisé tel qu’on le connaît dans le pays.


Un outil jusqu'ici trop absent des chaînes d’information en continu


Depuis quelques années, de nombreux médias, principalement autonomes, tentent de lancer des cellules de décryptage des informations pour essayer de lutter contre le phénomène de désinformation en France. Nous avons par exemple eu l'occasion de voir des journaux comme Le Monde lancer leur service intitulé « Les décodeurs », mais aussi des chaînes de télévision comme Arte et l’ensemble du catalogue France TV proposer une rubrique « Vrai ou fake » sur le web.


Pourtant, le milieu des chaînes d’information en continu semble échapper à la montée en puissance des outils de décodage dans les rédactions. Jusqu’à ce jour, aucune cellule n’avait été créée dans les principales chaînes d’information en continu privées (CNEWS, BFMTV, LCI), alors même que ce sont sûrement ces catégories de médias qui subissent le plus de critiques concernant la véracité des informations fournies. Des critiques souvent causées par une part trop importante des opinions dans les contenus des chaînes, quitte à donner le sentiment de vouloir légitimer les idéaux politiques de certains intervenants.

Comme énoncé auparavant, BFMTV veut, en lançant cette opération, montrer qu’elle est la première chaîne d’information en continu française à utiliser ce processus de « fact-checking » et ainsi se placer comme une sorte de « pionnière dans son domaine ». Toutefois, par cette nouveauté, la chaîne pourrait avoir d'autres intentions.


Sur un chemin de « reconquête » de la confiance de l’opinion publique


Utilisée par la rédaction de BFMTV en ce soir de débat ultra-médiatisé, cette cellule de « fact-checking » semble arriver à un moment propice où nous savons que la défiance des français envers les médias et le traitement de l’information croît de plus en plus. Par exemple, grâce à une enquête menée par l’institut de données et d’études Kantar Public et le journal La Croix en janvier 2021, nous apprenons que les français sondés « considèrent aujourd’hui la télévision comme « crédible » à 42 % » tandis qu’en 1987, ce pourcentage s'élevait à plus de 59%.


Un autre domaine n’est pas épargné par les critiques de l’opinion publique. Il s'agit de la classe politique, dont Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour font partie. Un sondage mené par l’institut de recherche CEVIPOF en 2019 estime que parmi l’ensemble des français interrogés ressortent « 79 % de sentiments négatifs (méfiance, dégoût..) envers le domaine politique sur la décennie 2009-2019 ». Toujours selon l'étude, « 85% des personnes interrogées (sur la même période) considèrent que les responsables politiques ne se préoccupent pas d'elles. »


Autant pour le monde des médias que pour la classe politique, il y a par le biais de cet outil une volonté de se reconnecter à l’opinion publique.


Besoin d’une utilisation irréprochable


Sur les réseaux sociaux, le soir même du débat, un moment de la soirée concernant cette cellule de « fact-checking » a été partagé et critiqué par beaucoup d’internautes. Une mise en contexte nécessaire. Jean-Luc Mélenchon, interrogé sur la question de la fracture sociale en France, déplore le fait que « certains français puissent passer l'hiver dans le noir » car des services comme le gaz et l’électricité sont « quasiment devenus un luxe pour les gens ».


Quelques instants plus tard, la journaliste en charge de communiquer les vérifications de la cellule revient sur les propos de Jean-Luc Mélenchon en affirmant qu’ils sont faussés car « la loi interdit aux fournisseurs d'énergie de couper le courant en hiver, en raison de la trêve hivernale ». Sur le plan juridique et législatif, cette mise au point est compréhensible.


Néanmoins, lorsque l’on s’intéresse davantage à la réalité des situations, nous nous rendons rapidement compte que les problèmes de coupure de courant en cas d’impayés sont malheureusement réels. En témoigne par exemple un article du Parisien, rapportant l’indignation de Frédérique Fériaud, directrice générale des services au Médiateur national de l'énergie : « Cette pratique se fait au mépris de la législation ». En 2019, quelques semaines après le début de la trêve hivernale, plus d’une vingtaine de ménages ont alerté l’institution pour se plaindre d’une interruption inattendue de gaz ou d’électricité.

C’est en cela que des limites peuvent être émises en ce qui concerne l’utilisation de la cellule de « fact-checking ». L’approche trop terre à terre des faits et de la législation dans ce cas-ci est critiquable car la réalité de la situation sociale est bien éloignée de ce qui est indiqué officiellement dans les textes. À cause de ce manque de lucidité de la cellule, de nombreux internautes sur les réseaux sociaux se sont mis à reprendre cet extrait pour retourner l’outil de « fact-checking » mis en place par BFMTV contre...BFMTV.

À l'aune de l'élection présidentielle en 2022, l’enjeu sera de réussir à manier cet outil de mieux en mieux afin de permettre d’obtenir un mécanisme parfaitement efficace pour rétablir davantage de vérité(s) dans le débat.


Thomas Dagnas


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