Le dispositif apparu avec la Vème République est censé limiter le nombre de candidatures aux élections présidentielles. Cependant, risque-t-il d’empêcher les candidats les moins soutenus d’accéder à l’Elysée ?
La course aux parrainages s’annonce plus ardue que prévue, ont récemment annoncé les candidats Marine Le Pen, Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. Pourtant soutenus par une importante partie des électeurs, les concurrents au plus haut poste de l’exécutif avouent peiner à convaincre suffisamment d’élus.
Le système des parrainages est un processus qui divise de plus en plus à chaque élection présidentielle. Les candidats semblent avoir de plus en plus de mal à rassembler les parrainages nécessaires. Tandis que les principaux candidats en lice fustigent le procédé, que peut-on imaginer pour les plus petites candidatures ?
Des élus réticents
La récolte des parrainages est une tâche de plus en plus fastidieuse, surtout lorsque certains candidats créditent à peine 0,5 % des intentions de vote. Le manque de popularité les pousse à entamer ce travail bien en amont. Ils doivent recueillir cinq-cent parrainages d’élus dans au moins trente départements différents, et sans dépasser cinquante signatures dans un même département. Il faut convaincre l’élu : donner des arguments, que le courant passe, montrer l’intérêt qui est porté… En général, l’argument mobilisé par les candidatures les plus modestes est la promotion de la représentativité et de la pluralité démocratique. Ces arguments ne font cependant que rebondir sur ces élus de plus en plus réticents.
En 2017, seuls 34% des élus habilités avaient parrainé un candidat. Lors du Congrès des maires de novembre 2021, beaucoup ont confirmé ne pas souhaiter parrainer un candidat pour les prochaines élections présidentielles. Les maires de petites communes, qui souvent s’annoncent « sans étiquette », sont d’autant plus réfractaires au procédé. Yvan Lubraneski, maire des Molières, une commune de l’Essonne de 2000 habitants, affirme ne pas vouloir « parrainer par défaut ». Accompagné d’autres maires, il est d’ailleurs signataire du Serment de Romainville, une grève du parrainage des élus pour appeler au rassemblement des candidates et candidats de la gauche pour 2022. En 2017, il avait déjà choisi de parrainer Alexandre Jardin « par amusement », à défaut de vouloir afficher son soutien à un candidat.
Des candidats plus pénalisés que d’autres
La diminution des élus à même d’accorder leur soutien donne du fil à retordre aux petits candidats. Le manque de moyens et de soutien d’un parti traditionnel entrave les chances de ces concurrents de convaincre. Beaucoup se présentent effectivement comme des « non-professionnels de la politique », et ne disposent pas de la même couverture médiatique, ou d’une implantation suffisamment longue dans le processus politique.
C’est le cas d’Anasse Kazib, candidat anciennement membre du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), qui annonce se présenter sans parti. Celui qui a récemment dépassé les deux-cents parrainages déplore notamment une invisibilité médiatique : « Ils ne veulent pas nous laisser émerger, tous les qualificatifs sont utilisés pour nous faire passer pour des candidats folkloriques ». Malgré des « meetings toujours pleins », les banques continuent de leur refuser des prêts, compliquant la réception de dons pour le candidat d’extrême gauche. Et il n’est pas le seul.
Pour tenter de se faire entendre, ces candidatures tentent de faire appel à la volonté des maires de promouvoir la pluralité de la vie politique française. Pourtant, si les maires de petites communes sont plus enclins à accorder leur signature par souci de représentativité, la majorité des élus demeure difficile à convaincre. Interrogé sur la question, Yvan Lubraneski est lui-même formel : « Certains croient que le processus démocratique est mieux garanti s’il y a de nombreux candidats. Je ne crois pas à cette idée ».
Si pour ces élus il faut donc un candidat capable de fédérer le plus grand nombre possible d’électeurs, mais que même les candidatures les mieux placées dans les sondages ne les séduisent pas, l’accès des petits candidats au premier tour de l’élection apparaît plus que compromis.
Emma Téreygeol
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