Le Parti socialiste (PS) s’est finalement décidé à signer un accord avec La France insoumise (LFI), en vue d’une union de la gauche pour l’élection législative. Alors qu’il s’agissait du parti le plus divisé concernant le possible rassemblement des gauches autour de LFI, la formation socialiste s’est effectivement résolue à rejoindre le parti incarné par Jean-Luc Mélenchon.
Arrivé troisième de l’élection présidentielle le 10 avril dernier avec 21% des suffrages, le candidat LFI Jean-Luc Mélenchon s’est très vite exprimé en faveur d’une union de la gauche pour les élections législatives. Son principal motif est de former une majorité à l’Assemblée nationale suffisante pour faire barrage à Emmanuel Macron, réélu au poste de chef de l’Etat, c’est-à-dire lui imposer une cohabitation. En effet, rappelons que le gouvernement investi par le Président de la République doit avant tout être conforme à la majorité des députés élus par les citoyens, autrement, le chef de l’Etat doit se plier à la voix du peuple.
La gauche n’avait pas réussi à s’unir pour l’élection présidentielle de 2022. D’abord, un projet avorté de primaire populaire s’était au final rallié derrière Jean-Luc Mélenchon, sans qu’aucun des autres candidats n’accepte de se retirer à son profit. Ensuite, le candidat de l’Union populaire était arrivé aux portes du second tour, à quelques points derrière la candidate du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen. Cet exploit a alors réveillé les revendications des électeurs de gauche d’un vote dit « utile », c’est-à-dire unifié derrière un seul parti pour augmenter les chances de la gauche d’être présente sur la scène politique nationale.
Des accords rapidement trouvés
Une affiche « Jean-Luc Mélenchon Premier ministre » lance la bataille législative tandis que les négociations débutent. Les écologistes qui n’avaient pas dépassé les 5% au premier tour de l’élection présidentielle ont été les premiers à signer un accord avec LFI le 2 mai dernier. La tâche était alors plus qu’ardue, de nombreux points opposants les deux formations politiques, surtout la question européenne. « L’accord qui a été conclu permet d’aller chercher des victoires essentielles tout en continuant la construction européenne, dans le cadre de l’état de droit », déclarait Julien Bayou, secrétaire national d’Europe Ecologie Les Verts (EELV), pour La Croix le 4 mai 2022.
Le Parti communiste français (PCF), dont le candidat Fabien Roussel avait récolté 2,28% des voix au premier tour, a rapidement suivi les écologistes dans cette « nouvelle union populaire écologique et sociale ». Une condition a cependant été nécessaire pour permettre cet accord « historique », selon les partisans LFI : ne pas inclure la question du nucléaire dans les négociations, point d’opposition fondamental entre les deux partis.
Le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), au départ enthousiaste à l’idée d’une union de la gauche est néanmoins de son côté devenu plus réticent à cette perspective, malgré des discussions toujours en cours.
Une première historique ?
Le PS et LFI ont annoncé mercredi 4 mai avoir conclu un accord à l’instar du PCF ou d’EELV. Beaucoup qualifient alors un rassemblement de ces quatre forces politiques comme une première nationale. Le terme « union de la gauche » apparaît ainsi pour la première fois en 1972, alors que le PS fait alliance avec le PCF et le Mouvement radical de gauche en vue des élections présidentielles de 1974. Ils acceptent de se rallier derrière la candidature de François Mitterrand. Une union aussi prometteuse que celle qui semble s’annoncer pour juin 2022 ne remonte cependant qu’à 1997, où Lionel Jospin était parvenu à former une coalition PS, PCF, Parti radical de gauche, ainsi que les Verts, qui durera jusqu’à 2002. Par la suite, d’autres alliances se forment, notamment pour les élections municipales de 2014 et de 2020, ou encore pour les élections régionales de 2021, afin de faire barrage aux listes de droite.
Si une coalition de la gauche n’est ainsi pas nouvelle, les négociations de 2022 ont pour particularité de ne pas avoir le PS pour chef de file. En effet, alors que le parti était auparavant la force de gauche majeure de la Ve République, il termine aujourd’hui à moins de 2% des suffrages exprimés, et se voit contraint de se ranger derrière l’Union populaire. Cette dégringolade électorale s’ajoute à des divisions internes. En effet, si l’accord entre LFI et le PS a bien été validé par le conseil national de ce-dernier vendredi 6 mai, la crainte de voir apparaître des candidatures dissidentes dans certaines circonscriptions subsiste. Selon l’accord trouvé avec les insoumis, les socialistes n’obtiennent effectivement que 70 circonscriptions, un nombre inférieur aux écologistes, ce qui crispe au sein du PS, notamment la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Par ailleurs, d’autres figures importantes du parti s’opposent à cet accord, notamment l’ancien Président de la République François Hollande. Bernard Cazeneuve, ancien ministre de l’Intérieur sous François Hollande a lui-aussi fustigé le procédé en quittant le parti, tandis que son ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault l’a qualifié de « rafistolage ».
La Nouvelle union populaire, écologique et sociale (ou Nupes), promet très probablement des surprises pour ces élections législatives. La gauche parviendra-t-elle à ressusciter ce rendez-vous manqué du premier tour ? Le résultat apparaît cependant encore incertain, alors que le parti du président récemment réélu fait appel aux socialistes dissidents pour leur proposer de rejoindre le parti de gouvernement.
Emma Tereygeol
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