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La Lune comme prochain enjeu stratégique


Rui Ricardo/Folioart


Si l’espace est aujourd’hui devenu un nouveau terrain stratégique pour les Etats, la Lune constitue un objectif fortement estimé, voire prioritaire, non seulement pour les américains, avec le programme Artemis, mais aussi pour la Chine. L’administrateur en chef de la NASA Bill Nelson a fait part, en juillet 2022, de ses inquiétudes quant à la présence chinoise sur le satellite de la Terre : « Nous devons être très inquiets du fait que la Chine atterrisse sur la Lune et dise : “c’est à nous maintenant, et vous restez à l’écart” ».


Un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères répondra à ce titre « Ce n’est pas la première fois que le chef de la NASA ignore les faits et parle de la Chine de manière irresponsable. [•••] Les États-Unis ont construit une campagne de diffamation contre les expéditions spatiales normales et raisonnables de la Chine, qui s’oppose fermement à ce genre de remarques irresponsables ».


Une guerre dans l’espace à venir ?


L’Histoire n’est pas binaire, surtout en matière de conquête spatiale où la coopération internationale s’est toujours avérée, dans les faits, nécessaire même en période de guerre froide. Les exemples sont très nombreux. On retiendra que sur les vingt dernières années, les vaisseaux Soyouz (Russie) constituaient l’un des seuls modules capables d’assurer le transport des scientifiques et ingénieurs de nationalités différentes à l’ISS – jusqu’à l’arrivée du vaisseau Crew Dragon (USA) développé par SpaceX.


Les relations sino-américaines dans l’espace sont encore plus complexes, dans la mesure où le gouvernement américain a, dans le passé, défendu la NASA de connaître une coopération avec Pékin. En 2021, la Chine et les États-Unis se sont tout de même échangés des données pour leurs missions respectives sur Mars ; à l’instar de ce qui a pu se faire en 1969 entre l’URSS et les États-Unis.


Quant au phénomène global, il risque de connaître un léger changement d’ici les prochaines décennies. Précipités par l’invasion russe en Ukraine, l’agence russe Roscosmos a annoncé via son nouveau patron, en juillet 2022, le retrait de la Russie de la Station spatiale internationale après 2024 – souhaitant pour les prochaines années mettre en orbite une station russe.


La Chine, à son tour, a finalisé sa station spatiale actuellement en orbite par le récent lancement du 31 octobre 2022. Il est important de préciser que la station spatiale chinoise , nommée Tiangong – « Palais Céleste », accueillera de nombreuses expériences scientifiques, en coopération avec 16 pays, dont la France. Même si l’ISS restera encore en orbite pendant encore quelques années au minimum et sera probablement encore un point important pour la position occidentale dans l’Espace, les cartes de la géopolitique spatiale entre les deux plus grandes puissances sont rebattues. La Lune apparaît donc comme un axe stratégique fondamental.


CFP


La Chine et les Etats-Unis souhaitent installer leurs propres bases lunaires


Le programme lunaire chinois a débuté dès 2007, via le lancement de ses premières sondes “Chang’e”. Très récemment en début d’année 2022, la Chine, a annoncé, à travers un livre blanc, qu’une station lunaire internationale sera opérationnelle d’ici 2035, avec une présence humaine prolongée et permanente après 2036. La construction de la base lunaire devrait débuter après 2026, en collaboration avec la Russie via des systèmes robotiques. Quant à la première mission habitée, elle devrait se tenir après 2030 grâce au lanceur Longue Marche 9 en développement depuis déjà plus d’une décennie.


Quant aux américains en coopération avec l’Union Européenne ou encore le Japon, l’objectif est de renvoyer une présence humaine d’ici 2025. Programme affirmé par Trump, et réaffirmé sous la coupole de Biden, le programme Artemis devrait avoir son premier vol non habité vers la Lune courant Novembre 2022, à travers Artemis I. Artemis III est programmé pour être le premier vol habité sur la Lune, mais son lancement ne se tiendra pas avant 2025. La construction d’une base sur la Lune est aussi prévue mais aucune date n’a été mentionnée, contrairement au programme chinois.


Pourquoi viser la Lune ?


NASA


Les raisons sont nombreuses. On a tout d’abord l’exploitation de l’eau lunaire pour faciliter le transport d’eau vers l’ISS, puis l’exploitation d’une production d’hydrogène sur la Lune dans une autre mesure, ce qui facilite dès lors plusieurs opérations, et fait de la Lune une station utilitaire pour la conquête spatiale plus généralement. La base lunaire appuierait des expéditions plus ambitieuses vers Mars, dans un avenir encore très lointain.


En outre, exploiter la face cachée de la Lune pourrait aussi considérablement faire avancer la science, en ce qu’elle permet de capter les ondes radios à basse fréquence plus efficacement que sur Terre ou en orbite terrestre, et donc d’avoir un meilleur aperçu sur ce qui s’est passé dans les tous premiers milliardièmes de secondes du Big Bang.


Plus réaliste et plus immédiat, ce qui suscite l’engouement est sans aucun doute l’extraction de l’Hélium-3, ressource présente sur la Lune. Ressource extrêmement rare sur Terre, l’Hélium-3 pourrait être l’énergie du futur. Ce dernier représente en effet le carburant pour la fusion nucléaire, énorme source d’énergie, décarbonée et sans déchets nucléaires. La société russe RKK Energuia, en étroite relation avec l’agence spatiale russe et chinoise, souhaite extraire de l’Hélium-3 à compter de 2030. Plus encore, selon South China Morning Post (journal Hong-Kongais), la sonde Chang'e 4 lancée fin 2018 par la Chine avait justement comme objectif précis de fournir la quantité exacte d’Hélium-3 sur la Lune. En Occident, James Cameron, via son entreprise Planetary Ressources, Larry Page ou encore Eric Schmidt – milliardaires de la technologie américaine – se sont aussi mis dans la course à l’Hélium-3.


Encore faut-il cependant maîtriser la fusion nucléaire, pouvoir extraire et transporter sans encombre cette ressource de la Lune jusqu’à la Terre et contrôler l’exploitation de l’Hélium-3 dans une centrale adaptée. L’extraction minière sur la Lune, outre des enjeux économiques intéressants pour les États, serait donc lancée en prévision en attendant des résultats majeurs en matière de fusion nucléaire.


Gabriel Kolodziej

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