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La légion d’honneur a-t-elle encore un sens aujourd’hui ?

Instaurée sous Napoléon Bonaparte en 1802, la légion d’honneur consacrait initialement les civils et militaires, pour leur dévouement au service de la collectivité. Elle intégrait alors à son prestigieux ordre de la légion d’honneur des citoyens émérites, faisant l’unanimité du fait de leurs actions. Néanmoins, des critiques toujours plus insistantes fusent à l’égard de certains récents décorés. De Poutine à Zelensky, en passant par les bleus champions du monde de football, l’opinion publique grince. Cette hostilité signe-t-elle pour autant la fin de la plus haute des distinctions françaises ?

Le Président ukrainien Volodymir Zelensky, décoré de la légion d’honneur (TF1 Info)

L’augmentation des décorés de la légion d’honneur, un réel enjeu sociétal


Parmi les critiques prononcées à l’encontre de la légion d’honneur, cette distinction serait devenue trop banale. Aujourd’hui, on compte près de 93 000 décorés de cette distinction, soit environ 3 000 chaque année. En réalité, la multiplication des décorés consacre le caractère universel de la légion d’honneur, en répondant à de réels enjeux sociétaux. D’abord, en récompensant l’excellence quel que soit le domaine : économique, scientifique ou artistique, de Thomas Piketty au Pr. Delfraissy, en passant par Louis Chedid, tous ont été récompensés pour leur contribution dans leurs activités respectives.


Ainsi, loin de la militarisation initiale de la récompense, de plus en plus de civils voient leur mérite récompensé. Un phénomène qui s’est accentué depuis la réforme de 2008 au sujet de l’ordre de la légion d’honneur, intronisant une obligation de parité au sein de la liste annuelle des nouveaux décorés. Ainsi, si elle n’était jusqu’en 1854 qu’une distinction masculine, la légion d’honneur tend aujourd’hui à respecter la plus stricte des égalité dans ses modalités d’attribution. En somme, la prise en compte de ces enjeux de société aurait justement dû permettre d’asseoir le consensus autour des nominés dans l’ordre de la légion. Mais dans les faits, ces attributions divisent toujours autant les Français.


Macron-Bezos, une entrevue dans la plus grande des discrétions (Challenges)

Désacralisation de la légion d’honneur, l’exécutif responsable ?


Si la légion d’honneur s’est efforcée de demeurer en phase avec les enjeux sociaux actuels, ses critères d’attribution n’en suscitent ainsi pas moins la controverse. D’aucuns regrettent notamment la mainmise de l’exécutif sur la procédure de sélection des nominés. En effet, c’est aux ministres qu’appartient l’initiative de suggérer le nom d’un individu susceptible d’être décoré de la légion. Le dossier de celui-ci, rempli au préalable par le principal intéressé, est ensuite débattu au sein du Conseil de l’ordre de la légion d’honneur, sorte de comité de délibération composé d’une quinzaine de membres triés sur le volet. Ensuite, si le conseil émet un avis favorable, c’est au Président de la République de définitivement trancher la question de l’attribution de la légion. Or, ce procédé contribue à l’éloignement de la distinction vis-à-vis du peuple français, qui n’a plus réellement son mot à dire concernant les individus nominées à l’ordre de la légion d’honneur. Là où la conception bonapartiste de la légion en faisait une récompense mettant à l’honneur les civils pour leur contribution à la communauté, il est curieux de constater que de nombreux nominés ne font pas consensus, au contraire.


En 2006, Jacques Chirac s’attirait les foudres de l’opinion publique en remettant la légion d’honneur à Vladimir Poutine, aux antécédents déjà questionnables à l’époque. Le débat actuel sur le retrait de sa distinction n’a alors rien d’anodin : il ne faisait et ne fera jamais l’unanimité chez les Français. Se pose donc la question de la pertinence d’une pareille distinction, dont les critères d’universalité et de mérite semblent de plus en plus s’effacer de nos jours, à la faveur d’une procédure opaque et de cérémonies organisées en petit comité. La dimension pragmatique de la légion d’honneur s’est au contraire de plus en plus affirmée. Gage de convenance diplomatique entre chefs d’État, elle a par exemple été attribuée par pur opportunisme à des personnalités clivantes, comme Mussolini, ou plus récemment, Poutine et Zelensky.


Elle est également pour certains une manière pour l’exécutif de capitaliser sur un événement majeur, comme lorsqu’elle fût remise aux deux équipes de France de football championnes du monde, en 1998 et en 2018. Dans certains cas, c’est la pertinence même du profil d’un décoré qui est pointée du doigt. Le mois dernier, la remise en catimini de la prestigieuse récompense au fondateur d’Amazon Jeff Bezos, en parallèle des mouvements de manifestation contre la réforme des retraites, a ainsi suscité l’indignation à gauche de l’échiquier politique, le désignant comme un personnage aux antipodes des valeurs de la légion. Le caractère confidentiel de cette cérémonie ne fait d’ailleurs que traduire le mal être d’un exécutif se sachant déconnecté de l’appréciation des civils. Si les intentions derrière ces choix de personnalité demeurent justifiables (diplomatie, rayonnement à l’international…), elles participent tout de même à ce phénomène populaire de désacralisation de la légion d’honneur. Si la procédure solennelle derrière cette distinction s’est efforcée de rester en phase avec son époque, elle peine en somme à maintenir l’assentiment populaire derrière ses nominations, qui contribuait pourtant à son prestige. Les décorés sont désormais davantage ceux d’un petit panel de haut placés que ceux du peuple, vis-à-vis duquel ils n’ont jamais paru aussi éloignés.


Hedi Dali

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