Encore absente du continent il y a quelques années, la Russie s’est soigneusement engagée à devenir un acteur plus important en Afrique. La pénétration russe en Afrique s’est notamment nourrie du fort mécontentement des populations africaines victimes du terrorisme et de l’insécurité grandissante dans la région sahélienne. Néanmoins, c’est en République centrafricaine où la présence russe a été précurseur de la nouvelle stratégie déployée par Moscou en Afrique.
Une relation sur la base d'un partenariat militaire.
Autrefois considéré comme le « pré carré » français, la République centrafricaine est au centre d’une « lutte d’influence entre la Russie et la France », comme le titre le journal TV5 Monde. En proie à des années de guerres civiles et de lutte politique interne, la Centrafrique est un pays plus que divisé. Actuellement dirigé par le président Faustin Archange Touadéra, ce dernier a vu en la Russie un partenaire constant et régulier dans sa lutte contre les rebelles.
En effet, menacée d’une offensive rebelle sur la capitale centrafricaine Bangui, le groupe paramilitaire russe Wagner s’est massivement déployé sur demande du président Touadéra à partir de 2018. Depuis la mise en déroute des rebelles, l’influence française n’a cessé de diminuer dans le pays. Les observateurs sont formels : « la France se heurte à de vives critiques et rumeurs, savamment alimentées par les réseaux russes » évoque Le Courrier International. Le Monde écrivait en 2021 que la Centrafrique est devenue le « laboratoire russe en Afrique », une manière d’exprimer l’omniprésence des opérateurs russes dans le pays. Il est vrai par ailleurs que l’entente est plus que cordiale entre les deux pays : coopérations militaires, économiques, politiques et culturelles sont régulièrement affirmées.
La diversification de l'influence russe.
Dans ce pays extrêmement riche en ressources naturelles, la Russie cherche à consolider sa présence sur tous les aspects. Déjà militairement, où la présence militaire française est historique en République centrafricaine. On se souvient de la dernière opération militaire française Sangaris (septième intervention française en Centrafrique depuis son indépendance) lancée en 2013 pour « éviter les massacres entre populations civiles ». Depuis, l’image de la France s’est ternie dans le pays mais aussi, plus largement, dans tout le continent africain. L’Hexagone est notamment accusé de pratiques « coloniales et paternalistes », accusations en partie alimentées par la Russie.
D’un point de vue économique, l’objectif de la Russie sur le moyen (voire long) terme est de se positionner sur les richesses naturelles de la Centrafrique avec des sous-sols qui attirent la convoitise des acteurs économiques. On soupçonne d’ores et déjà le groupe Wagner de se faire payer en nature, c’est-à-dire de se servir directement dans les mines d’or et de diamants dont regorgent le pays pour rentabiliser son intervention, note le journal Jeune Afrique.
Enfin, c’est sur le terrain culturel où l’offensive russe est la plus surprenante et intéressante. En mai 2021, un film d’action intitulé Touriste sort en salles. Il est le résultat d’une coproduction russo-centrafricaine. Le film relate l'intervention glorieuse des forces russes en République centrafricaine contre les rebelles. C’est un franc succès, il est diffusé en avant-première dans un stade rempli à Bangui. Ce film, qui vise à gagner les cœurs de la population centrafricaine, montre la France en train d’aider discrètement les rebelles contre les troupes gouvernementales. Un film aussitôt critiqué comme une instrumentalisation politique du cinéma. Le journal africain Agence Ecofin indiquait à ce titre que le septième art est désormais « l’un des outils les plus importants des autorités russes, permettant au Kremlin de faire croître son influence en Afrique ».
Cette stratégie russe de pénétration d’une part et de consolidation d’autre part, repose donc sur plusieurs aspects. En Afrique, l’influence russe s’étend de plus en plus, que ce soit au Sahel, en Libye, au Mozambique, au Soudan ou encore à Madagascar et ce, au détriment des intérêts français.
Semih Solak
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