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[Point de vue] Le consentement sexuel des mineurs

Dernière mise à jour : 10 janv. 2022

Si le consentement est une notion simple à appréhender dans la vie quotidienne, il n’en est pas de même dans le cadre juridique en particulier s’agissant des relations sexuelles entre un majeur et un mineur. En effet, le consentement d’un mineur fait l’objet de débats.

Un enfant âgé de moins de quinze ans qui a une liaison amoureuse avec un adulte de manière volontaire et non forcée par ce dernier, est-il vraiment consentant ? Ne peut-on pas considérer qu’il se trouve sous l’emprise psychologique de l’adulte, au regard de son jeune âge et de l’autorité naturelle qu’exerce sur lui le majeur, ce qui exclut l’existence même de son consentement à l’acte, comme en témoigne dans son livre autobiographique, intitulé Le Consentement, Vanessa Springora ? Ou bien, comme l’évoquera indirectement dans son livre, La Familia grande, Camille Kouchner, un mineur qui subit pendant « deux ans au moins » des attouchements de la part de son beau-père sans qu’il ne manifeste son refus par quelque moyen que ce soit, peut-il se voir opposer l’adage « qui ne dit mot consent » ?




Actuellement, le consentement sexuel des mineurs est un sujet qui prend une place importante dans l’opinion publique. De plus en plus de victimes d’agressions sexuelles n’hésitent pas à s’exprimer par le biais de divers procédés tels que les réseaux sociaux, plateaux télévisés ou encore les livres (le livre permettrait « d’enfermer le chasseur afin qu’il soit pris à son propre piège » selon la première auteure citée), ce qui amène à s’interroger sur la notion de consentement et à en déterminer les contours. Le but est la protection des enfants. Or, cette notion n’a pas eu le même impact sociétal dans les années 1970. L’intérêt de l’enfant était moins considéré.


L’absence de prise en compte du consentement des mineurs dans des relations sexuelles avec des majeurs dans les années 1970


Une affaire criminelle a suscité la vive réaction de l’opinion publique ce qui a par conséquent amené plusieurs auteurs à s’exprimer à l’aide de pétitions.


L’Affaire de Versailles, affaire criminelle jugée en janvier 1977, met en cause trois hommes en détention préventive depuis trois ans et deux mois lesquels ont comparu pour attentats à la pudeur sans violence sur des mineurs de quinze ans et pour avoir eu (et photographié) des relations sexuelles sur des mineurs de treize et quatorze ans.


La même année l’écrivain Gabriel Matzneff écrit une lettre ouverte en faveur de la dépénalisation des relations sexuelles entre mineurs et adultes. Il s’agit d’une pétition de soutien en considérant qu’il y a « une disproportion manifeste, d’une part, entre la qualification de « crime » qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés ; d’autre part, entre le caractère désuet de la loi et la réalité quotidienne d’une société qui tend à reconnaître chez les enfants et les adolescents l’existence d’une vie sexuelle (si une fille de treize ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire ?) ». Elle a été publiée dans le journal Le Monde et a été signée par de grandes personnalités publiques telles que Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Marguerite Duras, Simone de Beauvoir…


Finalement, la pétition ne suscitera pas de réaction d’approbation significative l’opinion publique et les trois inculpés seront condamnés mais à cinq ans de prison et avec sursis.


Toujours en 1977, une autre pétition est publiée dans le même journal précité, sous le titre Un appel pour la révision du code pénal à propos des relations mineurs-adultes, qui rallie aux signatures précédentes celles de Françoise Dolto par exemple. Cette lettre comptera quatre-vingt signataires. Cet appel pour la révision du code pénal fait explicitement référence à l'Affaire de Versailles et au temps passé par les trois accusés en prison.


Pourquoi de telles personnalités, philosophes, écrivains, intellectuels, ont-elles signé ces textes qui apparaissent si choquants aujourd’hui ? Sûrement parce que dans les années 1970 il y a eu une libération des mœurs et plus particulièrement une « révolution sexuelle ». Personne ne devait être privé de ses désirs (sexuels). C’est une époque où « il est interdit d’interdire ».


Mais depuis les mœurs ont évolué. L’intérêt de l’enfant est davantage pris en compte ce qui implique des mesures destinées à lui assurer une plus grande protection et à ainsi instaurer des peines d’emprisonnement plus lourdes pour les auteurs d’agressions sexuelles. Et de plus en plus, la parole se libère, des affaires ressurgissent impliquant un majeur et un mineur ce qui amène le gouvernement à sécuriser le consentement des mineurs et à proposer des lois les protégeant en fixant des seuils de non consentement.


Les débats sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels


En droit pénal, un adulte ne peut avoir de relation sexuelle avec un enfant de moins de quinze ans ce qui est un délit même s’il y a un consentement de la part du mineur. Les juges n’ont pas à rechercher l’absence de consentement de la victime pour que l’infraction d’atteinte sexuelle soit constituée sur le fondement de l’article 227-25 du Code pénal qui énonce :


« Hors cas de viol ou de toute autre agression sexuelle, le fait, par un majeur, d’exercer une atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. »


Ainsi, la loi considère qu’à partir de quinze ans, un adolescent peut entretenir des relations sexuelles avec un adulte, qu’il est capable de manifester un consentement éclairé, c’est ce qui est appelé la majorité sexuelle.


Le Sénat est allé plus loin. En effet, ila adopté à l’unanimité, en première lecture, une proposition de loi le 21 janvier 2021, visant à créer un nouveau crime sexuel afin de protéger les mineurs de moins de treize ans. L’idée serait d’instituer dans le Code pénal un âge du consentement sexuel.


Cette proposition de loi a fait l’objet de multiples réactions et notamment de la part de personnalités qui se sont toutes « affichées » sur le réseau social Instagram en postant une photo d’elles à treize ans avec pour exemple de légende « J’ai 13 ans, j’ai une tête à consentir à une relation sexuelle ?! » (propos de l’actrice Alexandra Lamy) afin de manifester leur refus contre l’amendement d’Annick Billon, celle qui a porté la proposition de loi.

Or, la portée de cet amendement a été mal comprise de la part de ces célébrités. Ces dernières pensaient que le Sénat aurait, par son vote, autorisé sans limitation les relations sexuelles entre un mineur âgé de plus de treize ans et un majeur. La chambre haute du Parlement a seulement voulu instituer au bénéfice des enfants âgés de moins de treize ans un âge de non-consentement qui était inexistant afin d’ajouter une protection renforcée au profits des jeunes mineurs. Par ailleurs, selon la sénatrice Frédérique Gerbaud, « poser le principe selon lequel, en dessous de 13 ans, il ne saurait être question d’un quelconque consentement du mineur visé (ce que fait le texte), n’emporte pas conséquence qu’au-delà de cet âge, le consentement est considéré comme acquis ».

En somme, l’amendement Billon inscrirait dans le Code pénal un nouveau texte qui aurait pour disposition : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit ou tout acte bucco-génital, commis par une personne majeure sur un mineur de treize ans est puni de vingt ans de réclusion criminelle ». Il s’agirait donc d’un article protecteur des mineurs de treize ans.


La proposition de loi socialiste fixant à quinze ans le seuil de non-consentement et dix-huit ans en cas d’inceste


En réponse à une tribune signée par certaines célébrités, dans le cadre d’une journée dite de «niche» réservée au groupe socialiste, l’Assemblée nationale a adopté le 18 février 2021 à l’unanimité une proposition de loi PS. Il s’agit d’un texte qui vise les viols, agressions sexuelles ou incestes et qui fixe un âge de non consentement à quinze ans et à dix-huit ans en cas d’inceste.


L’actuel ministre de la justice, Monsieur Eric Dupond-Moretti n’a pas été en total désaccord avec cette proposition de loi mais dans un souci de l’adoption d’une réforme «cohérente et coordonnée», il a confirmé le choix du gouvernement de privilégier la proposition de loi de la sénatrice Annick Billon. Il a estimé selon Libération que le texte sénatorial pourrait être adopté plus rapidement. L’exécutif table sur une adoption définitive par le Parlement «d’ici la fin avril».


Il convient ainsi de retenir que la notion de consentement sexuel des mineurs a été appréhendée différemment par la société. Dans les années 1970, la recherche du consentement des mineurs était presque inexistante car la liberté sexuelle primait la recherche du consentement de l’enfant. Mais aujourd’hui la pression de la société est telle que le projet des politiciens est de sécuriser au maximum le consentement des mineurs jusqu’à y instaurer un plafond en-dessous duquel un majeur ayant des relations sexuelles avec un mineur serait considéré comme un crime.


Axelle Gilleron

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