La cyberguerre fait partie des nouvelles formes d’affrontements entre États. Avec la naissance d’Internet et plus récemment le développement des réseaux sociaux, le XXIème siècle fait face à de nouvelles menaces dans les conflits interétatiques.
On s’attaque à coup de virus et de logiciels informatiques afin de pirater des centrales nucléaires, espionner des sites classés secret défense, saboter les systèmes informatiques de centres hospitaliers, intimider ses adversaires, ou encore, manipuler des élections à l’autre bout de la planète. Au centre de ce conflit silencieux et souterrain, le maître de la cyberguerre est le président russe, Vladimir Poutine. Il est considéré comme le premier chef d’État à avoir réellement compris le potentiel de cette nouvelle arme qu’est le cyberespace et à avoir déployé de grands moyens pour l’exploiter au mieux.
La place prépondérante de la cyberguerre dans le conflit Russo-ukrainien.
La guerre qui a débuté en février 2022 est considérée par certains spécialistes comme la « première cyber-guerre mondiale ». Depuis le début du conflit, l’Ukraine a déjà subi plus de 500 attaques informatiques sur son sol, ainsi que le bombardement d’un de ses plus importants data center, un système complexe permettant d’organiser et de stocker des données. L’objectif de la Russie est de répandre le chaos et de montrer que le pays est hors de contrôle.
En face, l’Ukraine dispose aussi de moyens colossaux pour mener sa contre-offensive cyber. Le gouvernement ukrainien a commencé par nommer un jeune vice premier ministre aussi ministre de la Transformation numérique, Mikhaïlo Fedorov. Le pays a également déployé l’Ukrainian IT Army, une organisation de cyberguerre volontaire créée fin février 2022 pour lutter contre l’intrusion numérique de l’information ukrainienne et du cyberespace. Des hackers ukrainiens diffusent, à travers le réseau Telegram, des listes de sites à pirater pour empêcher la Russie d’agir. Suite à cela, l’Ukraine a reçu l’aide de géants informatiques comme Microsoft, mais également le soutien du collectif Anonymous. L’objectif des informaticiens ukrainiens, aujourd’hui considérés comme de nouveaux héros, est double : faire tomber l’agresseur russe, mais aussi rendre publique la culpabilité de la Russie dans les crimes de guerre commis sur le sol ukrainien.
À travers le cyberespace, on peut aujourd’hui pirater tout et n’importe quoi, en particulier grâce aux données et à la géolocalisation des téléphones portables que chaque soldat porte sur lui, mais également grâce à des drones qui sont toujours présents sur le terrain. Alors, même si la menace cyber existe réellement, le principal objectif est d’utiliser cette menace comme une arme de dissuasion afin de mener une guerre psychologique et déstabiliser l’ennemi.
L’influence de la Russie en Occident à travers le cyberespace.
Le traumatisme de la chute de l’URSS reste encore très présent dans la mémoire des élites russes et persiste chez ces derniers la volonté d’une vengeance contre les démocraties occidentales. Mais entre-temps, Internet et les réseaux sociaux sont nés, et les moyens utilisés ne sont plus les mêmes que pendant la Guerre froide.
Aux Etats-Unis, c’est notamment pendant la campagne présidentielle de 2016 que la Russie a joué un rôle important. La candidate démocrate, Hillary Clinton parle d’« un nouveau Watergate à l’époque cyber ». En effet, cette dernière a été victime d’une affaire dont la controverse porte sur l’installation et la maintenance d’un serveur de messagerie électronique personnel, et la réception sur ce serveur de courriels comportant des informations gouvernementales potentiellement confidentielles (acte interdit pour les élus et les hauts fonctionnaires aux Etats-Unis). Plusieurs mois plus tard, des responsables du renseignement américain affirment que c’est Vladimir Poutine qui aurait lui-même commandité ces révélations. L’ancien directeur de la CIA, John O. Brennan, considère également que l’influence russe dans les élections présidentielles de 2016 n’est pas anodine et qu’elle aurait fait basculer le résultat en faveur du candidat républicain, Donald Trump. Hillary Clinton était une réelle cible à abattre pour la Russie qui souhaitait voir arriver à la tête des Etats-Unis Donald Trump, plus enclin à la politique menée par Vladimir Poutine.
D’autre part, la Russie dispose d’influenceurs responsables de la diffusion de sa propagande et de fausses informations à travers les réseaux sociaux. Certains de ces influenceurs se montrent à visage découvert, tandis que d’autres, surnommés les « trolls », se cachent derrière de faux comptes. Ces trolls ont d’ailleurs joué un rôle important dans l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, mais aussi dans les émeutes de manifestants en août 2017 à Charlottesville en Virginie. Leur but est de montrer les failles de la démocratie américaine et de la fragiliser.
En France, comme aux Etats-Unis, la Russie a tenté de s’immiscer dans la vie politique, notamment pendant la campagne présidentielle de 2017. À cette époque, c’est le candidat Emmanuel Macron qui est mis en cause dans l’affaire des Macron Leaks. En effet, plus de 20 000 courriers électroniques liés à la campagne du candidat En marche !, sont rendus publiques deux jours avant le vote du second tour à cause d’un piratage par des hackers. La fuite se propage ensuite très rapidement sous le hashtag #MacronLeaks sur Twitter et Facebook.
Plus récemment, en 2021, ce sont des hôpitaux du sud-ouest de la France qui ont été victimes de piratages. Ces attaques ont alors paralysé pendant plusieurs jours les systèmes informatiques des centres hospitaliers, mettant en péril la vie de nombreuses personnes hospitalisées, notamment des patients atteints de cancers. Les directeurs de ces hôpitaux comparent ces cyber-attaques à des actes terroristes car elles surviennent par surprise et mettent en jeu la vie de dizaines de personnes. Les menaces sont donc bien présentes, que ce soit dans nos téléphones portables ou dans les systèmes informatiques d’hôpitaux et d’entreprises industrielles, dissimulées telles des bombes attendant d’être déclenchées pour tout détruire.
Le parallèle peut être établi entre la dissuasion cyber et la dissuasion nucléaire en pleine Guerre froide. Les attaques numériques mobilisent donc de vrais enjeux diplomatiques qui nous rappellent la seconde moitié du XXème siècle. Néanmoins, aujourd’hui, l’ordre international a du mal à poser des règles, des limites et des définitions précises sur la notion de cyberguerre. Et même si le principal objectif est surtout d’impressionner l’ennemi, de faire peur en utilisant une logique de coup de « bluff », on peut tout de même se demander quelle ampleur le phénomène est encore capable de prendre avant que le monde prenne conscience des véritables dangers qu’il représente ?
Louisa Marion
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