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Le Cycle de Fondation : il faut sauver la Galaxie (de nous-mêmes)


Image tirée du site Hitek.fr



Unir et gouverner des trillions d’Hommes à l’aube d’une nouvelle ère galactique. Telle est la tâche (un brin chronophage, il faut le reconnaître) des héros du Cycle de Fondation, épopée en sept tomes de l’écrivain américano-russe Isaac Asimov (1920-1992). Dans cette saga « historique du futur » comme l’auteur lui-même aimait la définir, conçue comme une suite au Cycle des Robots et au Cycle de l’Empire, l’Humanité a colonisé l’écrasante majorité de la Voie lactée sous l’égide de l’Empire Galactique. Ce régime militariste hyper-centralisé ne tient que grâce à l’autorité de l’Empereur résidant sur Trantor, la planète-capitale entièrement urbanisée aux quarante milliards d’habitants, pour la plupart fonctionnaires. L’Oeil d’Assas vous plonge dans la politique du trois-centième siècle, au coeur d’une civilisation maintenue par des idéaux chancelants et pour laquelle la Terre n’est plus qu’un conte pour enfants, celui du mythique monde originel perdu de notre espèce.


Un Empire Galactique éternel (à quelques millénaires près)


Une puissance technologique incommensurable, une domination militaire implacable : le visiteur débarquant au spatioport de Trantor ne peut qu’être subjugué par les démonstrations de force de l’Empire. Oui mais voilà, quand un seul homme dirige les milliards de milliards de ses semblables depuis sa tour d’ivoire de laquelle il ne sort jamais par mesure de sécurité, des troubles apparaissent inévitablement. La propagande officielle bien huilée et l’armée se chargent alors de neutraliser ces perturbations jugées anodines.


Anodines, vraiment ? Hari Seldon, jeune et déjà éminent professeur à l’Université impériale, vient de créer la « psychohistoire », science utilisant les mathématiques pour prédire les comportements de groupes sociaux grâce à des équations ultra-complexes, en reprenant les enseignements des événements passés de l’Histoire. Or, ses calculs répétés sont formels : ils projettent la chute rapide et inéluctable de l’Empire puis trente mille années de barbarie, une sorte de Moyen-Age à l’ère spatiale avec des peuples désunis dominés par des tyrans, chacun de ces derniers luttant pour le contrôle d’une parcelle de l’Univers... Scénario qui déplaît évidemment à l’Empereur Cléon et ses bureaucrates : comment la seule puissance politique ayant réussi à unifier toutes les planètes colonisées par l’Homme pourrait-elle disparaître du jour au lendemain ?


Échappant de peu à la répression du pouvoir, Seldon s’isole aux confins de la Galaxie pour y établir la Fondation, organisation discrète chargée de rédiger une Encyclopedia Galactica répertoriant les avancées scientifiques accumulées aux grandes heures impériales, avant que la civilisation ne bascule dans les ténèbres et ne les oublie. Car la Fondation ne peut plus rien pour le « Vieil Empire », comme certains analystes courageux le nomment déjà ! Ce dernier, rongé depuis des siècles par la technocratie, la corruption, les révolutions de palais et les aspirations séparatistes, n’en a plus pour longtemps. En revanche, si ses conclusions sont correctes, Seldon pourra influencer le déroulement de l’Histoire post-impériale, en réduisant la durée de l’anarchie galactique à « seulement » mille ans, avant une nouvelle réunification de l’Humanité permise par la redécouverte des savoirs d’antan consignés par les Fondateurs.


Guide pratique de fondation d’un nouvel ordre galactique en sept étapes


Ainsi commence le périple de la Fondation. Ses membres disposent d’un millénaire pour faire émerger, patiemment et tapis dans l’ombre, un Second Empire. Dès le départ, les difficultés paraissent insurmontables. Comment fonder un nouveau régime politique quand on est perdu sur une planète minuscule au fin fond de l’espace, entouré d’entités nouvellement indépendantes de l’Empire agonisant, ces nouveaux royaumes zieutant avec envie vos connaissances technologiques, notamment militaires ? Fort intelligemment, Hari Seldon avait tout prévu. Grâce à ses équations, ses successeurs peuvent prévoir les crises et ainsi trouver des solutions pour mener à bien le projet de nouvel Empire. En partant du postulat que la psychohistoire ne saurait se tromper, bien sûr…


Le lecteur traverse ainsi les époques, bien après la mort de Seldon et des nombreux autres personnages principaux qui lui succèdent à la tête de la Fondation, chacun héros de son temps. Asimov fait malicieusement revivre ces derniers par de subtiles allusions – tel Salvor Hardin, premier maire de la Fondation connu pour ses citations à la morale plus que douteuse qui seront reprises par les générations futures. L’enchaînement des tomes et des siècles est cohérent et vivant, chaque volume contenant un épineux problème, une « crise Seldon » risquant de rendre caduque la feuille de route établie par l’illustre Fondateur… Entre soifs de conquêtes, velléités d’indépendance, ambitions personnelles et mythes d’une Seconde Fondation ou de peuples surhumains, le voyage sera long. La Fondation devra se transformer au gré des évolutions politiques, économiques et sociales de la Galaxie, survenues depuis l’effondrement de l’Empire et le black-out qui l’a accompagné.


Un essai politique sur notre avenir dans l’espace


Le plus gros point fort du Cycle de Fondation est l’impression de réalisme qui le domine du début à la fin, grâce à une profusion de détails : Asimov étant un scientifique féru de cosmologie, il ne conçoit pas simplement un univers ex nihilo. Il reprend notre Galaxie et notre Histoire, puis extrapole la technologie contemporaine en imaginant nos sociétés, nos modes de communication et de transport dans trente mille ans (comprendre : vers 12 000 Ère Galactique dans le premier tome). Ses personnages baroudeurs de l’espace nous expliquent de façon convaincante leurs méthodes pour entrer dans l’hyperespace, loin de la tendance « Ta gueule c’est magique » (ou « TGCM ») des Star Wars et autres Star Trek. A contrario de Han Solo entrant en « vitesse-lumière » d’une simple pression sur un bouton, Golan Trevize doit utiliser les différents ordinateurs de bord, le glossaire galactique et les supercalculateurs pour faire stationner son vaisseau suffisamment près d’une planète sans que ce dernier ne soit malencontreusement aspiré par le champ gravitationnel de l’étoile centrale du système solaire.


La cosmologie n’est pas la seule discipline à être mise à l’honneur. La science politique, l’économie, l’histoire et la psychologie sont largement exploitées pour construire et faire évoluer une galaxie peuplée d’êtres humains désormais impossibles à dénombrer au milliard près (même pour le plus chevronné des statisticiens de Trantor !). Parallèlement, notre Histoire est analysée à travers le prisme du roman de fiction. Il n’est pas difficile de voir dans l’Empire Galactique le digne successeur de l’Empire romain, son excès de grandeur et de confiance l’ayant mené à sa perte. La politique, la spiritualité, le commerce, la technologie, les tactiques militaires, les manœuvres diplomatiques, tous ces éléments ayant façonné nos sociétés sont de la partie dans le Cycle de Fondation.


*

Pour conclure, le travail d’Asimov s’inscrit aux origines de la science-fiction telle qu’on la connaît encore aujourd’hui. En lisant le premier tome du Cycle, vous réalisez un bond dans le passé, à la genèse de ce genre littéraire aujourd’hui beaucoup – trop ? – exploité. Un retour aux sources, en quelque sorte. Et un grand défi lancé en son temps par l’auteur : écrire une histoire futuriste sans avoir recours à l’opposition manichéenne entre gentils humains et méchants extra-terrestres, ce qui était la norme à l’époque. Ainsi, vous ne trouverez aucune race alien intelligente dans Fondation, Asimov s’étant borné à étudier l’être humain, pour en faire à la fois son meilleur allié et son pire ennemi, sans céder à la facilité d’une menace différente et extérieure. Pour l’anecdote, au crépuscule de sa vie, Asimov regretta d’être principalement connu pour ses œuvres littéraires et non pour ses nombreux travaux scientifiques. Terrible revers de la médaille pour l’écrivain génial de science-fiction qui se considérait surtout homme de science tout court.


Au-delà de son style d’écriture simple et concis, cette saga d’Isaac Asimov fait donc le pari que même dans des dizaines de milliers d’années, même dans l’espace, même avec des avancées scientifiques incroyables, l’essence de l’être humain n’aura pas évolué. Nos descendants garderont les mêmes forces et les mêmes travers qui font de nous ce que nous sommes. Fort heureusement, le Second Empire saura restaurer l’ordre dans la Galaxie… A moins qu’il ne soit jamais fondé ?


N.B. : Le Cycle de Fondation est composé des romans Fondation, Fondation et Empire, Seconde Fondation, Fondation foudroyée, Terre et Fondation, Prélude à Fondation et L’Aube de Fondation (il est conseillé de les lire dans cet ordre).



Pierre Pelini

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