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Le droit à l’avortement : rien n’est jamais acquis


Une femme tient un cintre, symbole des avortements clandestins, avec une inscription « Never again » (plus jamais) - STEFANI REYNOLDS / AFP


Le droit à l’avortement aux Etats-Unis est plus menacé aujourd’hui qu’il ne l’a été depuis sa légalisation en 1973. Le journal Politico a dévoilé que la Cour suprême du pays voulait annuler l’arrêt « Roe v. Wade ». Cet arrêt historique avait affirmé le droit à disposer de son corps au nom du droit au respect de la vie privée et donc le droit pour une personne enceinte de décider si elle voulait poursuivre sa grossesse ou non.

Dès 1973, les Etats fédérés ne pouvaient plus imposer des limites au cours du premier trimestre de grossesse. Pour le deuxième trimestre, ils pouvaient en revanche édicter des restrictions médicales et l’avortement était interdit au troisième trimestre sauf si la vie ou la santé de la mère était en danger. Des législations, comme celles du Texas qui faisait de « l’avortement un crime, sauf quand la vie de la mère est en danger, sans tenir compte du stade de la grossesse ni des autres intérêts en jeu, [violait] le quatorzième amendement de la Constitution » selon les termes de la décision.


La restriction excessive, voire l’interdiction de l’avortement sont souvent portées par les Républicains, par les conservateurs aux Etats-Unis. La représentante républicaine Marjorie Taylor Greene salue une victoire : « C’est la meilleure et la plus importante nouvelle de notre vie ». Bien que le Président soit démocrate aujourd’hui, son pouvoir n’a pas d’influence sur les décisions de la Cour suprême directement. Effectivement, les juges de la Haute juridiction sont nommés par le Président qui a tout intérêt à désigner un juge de sa couleur politique. En revanche, ces juges sont nommés à vie, ou jusqu’à ce que « leur bonne conduite » le justifie. Seule une procédure d’impeachment pour des manquements graves peuvent permettre de destituer un juge suprême. Par conséquent, certains sont juges depuis de nombreuses années (Clarence Thomas est en poste depuis 1991).


En mai 2022, sur neuf juges, six sont conservateurs. Trois d’entre eux ont d’ailleurs été nommés par Donald Trump lors de son mandat. Seulement trois juges sont donc libéraux. Ainsi, si la Cour veut annuler cet arrêt et si les conservateurs s’alignent tous sur la même position, elle sera en capacité numérique de le faire.


Une telle action n’aurait alors pour conséquence que de renforcer les inégalités entre les genres, entre les caucasiens et les minorités ethniques et entre les pauvres et les riches. Annuler l’arrêt Roe V. Wade permettrait aux Etats de décider s’ils veulent accompagner les personnes enceintes dans ce processus. Selon le Center for Reproductive Rights, plus de la moitié des Etats pourraient interdire l’avortement.


Mais il suffit de se pencher un peu sur des travaux historiques pour se rendre compte que les avortements ont toujours eu lieu et que leur pénalisation n’a jamais arrêté les personnes enceintes de se faire avorter depuis l’Egypte antique. L’organisation Planned Parenthood a fait une étude sur le nombre de personnes s’étant déplacées pour avorter dans un autre Etat que celui du Texas depuis que l’Etat a réduit le délai d’avortement à six semaines de grossesse le 1er septembre 2021. Ce nombre a augmenté de 800% par rapport à l’année précédente. L’organisation a déclaré « Ces données montrent ce que nous avons toujours su : interdire d’avorter ne supprime pas l’avortement ; cela ne fait que rendre l’accès à l’IVG plus difficile pour les personnes disposant de moins de ressources. »


Cette interdiction ne serait que dramatique pour la santé des personnes enceintes, en particulier les plus pauvres qui n’auraient pas les ressources pour aller dans un autre Etat, à l’étranger, qui pourraient utiliser des produits chimiques, qui pourraient se frapper le ventre, se faire tomber des escaliers pour provoquer une fausse couche. Les inégalités entre les Blancs et les minorités ethniques sont un fait. Selon le Statista Research Department, en 2017, les minorités ethniques (Noir, Hispanique, Asiatique) représentaient presque la moitié des personnes vivant sous le seuil de pauvreté alors que les Blancs représentaient 8,7 %. De plus, l’accès à la contraception n’est pas le même.

En conséquence, 80% des personnes qui se font avorter dans le Mississipi font partie des minorités selon ABC News. Les femmes sont encore plus pauvres que les hommes qu’elles soient issues des minorités ou non.


De nombreuses manifestations ont éclaté dans le pays de la Californie à la Floride. Des vidéos, des photos, des posts de sensibilisation ont été publiés sur les réseaux sociaux pour alerter sur les dangers d’une telle décision, notamment avec le slogan « Keep your laws off my body » (Gardez vos lois hors de mon corps). Joe Biden dit « se tenir prêt quand le jugement tombera ». Le Président n’a pas le pouvoir d’agir sur la décision de la Cour suprême mais se place en défenseur du droit à l’avortement qu’il considère comme un droit fondamental. Il incite la population américaine à élire des candidats favorables au droit à l’avortement lors des élections des mid-terms à l’automne prochain. Ces élections permettraient de porter un projet de loi pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, ou du moins dans la loi.


Toutes les personnes qui se sont battues pour obtenir ce droit, aux Etats-Unis mais aussi dans le monde voient leur combat être bafoué, remis en cause sans arrêt. Cet évènement nous rappelle qu’aucun droit n’est jamais acquis et que "la guerre" contre les minorités n’est jamais finie.


Margot Zuliani

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