Le 27 février 2023, Emmanuel Macron a exposé une nouvelle stratégie dans la relation "Afrique-France". L'objectif est de réduire les effectifs militaires présents sur le continent. Pour autant, il n’est pas question de se retirer, ni de se désengager. Cette annonce vise à jeter les bases d’un « nouveau partenariat » entre l’Afrique et la France, souvent décriée pour sa présence militaire au Sahel.
La mise en place d’une stratégie conjuguant présence et discrétion.
Le président français souhaite transformer les bases militaires françaises en collaboration avec les pays hôtes. L’idée est d’une montée en puissance dans ces bases des partenaires africains et de leur laisser une responsabilité accrue dans la lutte contre le terrorisme. Il affirme néanmoins que la stratégie déployée n’est pas celle d’un « retrait, ni d’un désengagement », mais plutôt d’un accompagnement discret des pays africains « en matière de formation et d’équipement ».
Les forces françaises vont réduire leur présence de façon « visible » en Afrique, exception faite pour la base de Djibouti. Actuellement, les forces françaises sont encore présentes en Côte d’Ivoire, au Tchad, au Niger, au Sénégal et au Gabon.
Il est rapporté par des sources locales béninoises de la présence effective de soldats français sur le camp militaire de Kandi, au nord du Bénin. Une présence voulue par le président Patrice Talon. Le gouvernement a déclaré que la présence des troupes françaises sert à assister des troupes béninoises contre les groupes terroristes dans la région. Cette présence signifie la volonté assumée de Paris de conserver une présence militaire. Cette nouvelle stratégie de redéploiement s’inscrit dans un contexte plus global de lutte contre le terrorisme et d’influence entre plusieurs acteurs.
Un redéploiement dans un contexte conjuguant terrorisme et lutte d’influence.
La récente dénonciation par le Burkina Faso de l'accord de coopération militaire avec la France a conduit cette dernière à redéfinir sa politique sahélienne, à la fois sur le fond et sur la forme. Cette dénonciation s'inscrit dans un contexte de perte d'influence de la France en Afrique et ce, au profit de la Russie. Après le Mali, la France se retrouve une nouvelle fois invitée à quitter le territoire burkinabé. Le capitaine Ibrahim Traoré, actuel dirigeant du Burkina Faso, a demandé le retrait des forces spéciales françaises de l'opération "Sabre", stationnées près de la capitale Ouagadougou. Les militaires de cette mission opération pourraient être redéployés au Niger. Pays voisin, qui compte près de 2 000 éléments français.
En République Centrafricaine, la France a subi le même revers. Là où l’Hexagone avait une influence non négligeable, la Russie est pourtant parvenue à remplacer les forces françaises en tant que partenaire stratégique de premier plan. Toutefois, cette présence russe s’illustre principalement sur l’aspect militaire.
Avec le redéploiement de l’armée française en Afrique, l’enjeu direct est de concurrencer les Russes qui ont su adopter une stratégie payante basée sur la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays africains, ce que la France n’a pas toujours suivi. L’annonce d’une tournée africaine d’Emmanuel Macron vise à marquer le pas sur la nouvelle planification française sur la base de « l’humilité », un terme auquel la France a eu du mal à saisir le sens avec ses partenaires africains.
Une tournée africaine pour relancer une dynamique sur la base de « l’humilité ».
Après son discours à l’Élysée le 27 février, le chef de l’Etat doit se rendre au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en République démocratique du Congo. De son discours est ressortie la volonté de commencer une nouvelle ère sur la base d’un nouveau partenariat. La formulation choisie « Afrique-France » porte le poids de l’histoire d’une « Françafrique » désignant la période de domination française post-colonial. L’enjeu est donc d’adopter une posture « d’humilité », comme le rappelle le président. Mais encore faut-il la mettre en pratique.
On se souvient en 2017 du discours d’Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou lorsqu’il avait interpellé le président burkinabé suite à une panne de climatisation dans l’amphithéâtre. La remarque du chef de l’Etat français est alors venue démentir toute sa démonstration. Il lança alors, devant une foule d’étudiants, à son homologue burkinabé qui était sorti de l’amphithéâtre : « Il est parti réparer la climatisation ». Une remarque révélatrice d’une posture paternaliste et de supériorité qui déplaît de plus en plus sur le continent.
Avant d’être le fruit des autres, la perte d’influence de la France résulte d’abord de son incapacité à se remettre en question. En premier lieu sur son attitude perçue comme « arrogante », puis sur ses méthodes dépassées. Dès lors, il ne reste plus qu’à appliquer le discours qui a été prononcé par le président pour noter une avancée positive dans les relations entre l’Afrique et la France.
Semih Solak
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