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Les femmes scientifiques, encore un long combat de reconnaissance


Encore aujourd’hui, alors que de nombreux travaux sont faits pour faire reconnaitre la place et le rôle des femmes dans l’histoire, il parait presque impossible de nommer dix femmes scientifiques, dix femmes qui ont contribué au même titre que Einstein, Galilée, Pasteur ou encore Newton à faire avancer la science.

Bien sûr, Marie Curie est la première à parvenir à nos esprits. Elle a été la première femme à recevoir le Prix Nobel de physique en 1903 conjointement avec son mari Pierre Curie et le physicien Henri Becquerel pour leurs travaux concernant la radioactivité. En 1911, elle reçoit un deuxième prix, mais cette fois en chimie pour la découverte de deux éléments radioactifs, le radium et le polonium, pour l’isolation du radium et pour avoir étudier cet élément. Elle est la seule femme de l’histoire a avoir reçu le Prix Nobel dans deux catégories différentes.


Marie Curie a également contribué à la Première Guerre Mondiale avec les « petites Curies ». La scientifique avait inventé des sortes d’ambulances où les soldats passaient une radiographie. Grâce aux radiographies, les médecins savaient précisément où se trouvaient les éclats d’obus et de balles, ce qui rendait leur extraction plus simple. De nombreux soldats ont été sauvés par cette invention.



Pierre Curie est décédé en 1906 dans un grave accident de la route. Bien que la mort de son mari l’ait touchée profondément, Marie Curie a accepté de prendre sa place à la tête de la chaire de physique de la faculté des sciences de l’université de Paris. Elle a donné son premier cours le 5 novembre 1906, ce qui représentait un évènement inouï où tous les journalistes parisiens s’étaient pressés. Seulement quelques journaux mesuraient la véritable importance de cette date. Le Journal écrivait ainsi « c’est […] une grande victoire féministe que nous célébrons en ce jour. Car, si la femme est admise à donner l’enseignement supérieur aux étudiants des deux sexes, où sera désormais la prétendue supériorité de l’homme mâle ? En vérité, je vous le dis : le temps est proche où les femmes deviendront des être humains. »


Des femmes qui ne seront jamais récompensées


Il semble pourtant que ce temps ne soit encore venu. En effet, combien se sont faites léser, spolier leurs découvertes par des hommes qui n’ont pas eu à un seul moment l’idée d’associer l’entièreté de leurs collègues à leurs recherches communes ? Albert Einstein a reçu de nombreuses récompenses et a acquis une notoriété mondiale pour ses recherches sur la gravitation, l’électromagnétisme, sur l’effet photoélectrique et sur la relativité (fameuse formule E=mc²).


Pourtant, de nombreux éléments permettent d’envisager que ces découvertes n’auraient pu être faites sans sa femme Mileva Marić. Ils se sont rencontrés à l’Institut polytechnique où Mileva était la seule élève femme. A la fin de leurs études, leurs moyennes étaient presque équivalentes : Mileva obtient 4,7 sur 5 tandis que Albert obtient 4,6 sur 5. Les lettres qu’Albert Einstein adressait à sa femme laissent penser que les travaux étaient menés à deux : « Comme je serai heureux et fier quand nous aurons tous les deux ensemble mené notre travail sur le mouvement relatif à une conclusion victorieuse ! ». La question n’est toujours pas tranchée parce que les preuves ne seraient pas suffisantes pour admettre définitivement que Mileva Marić a participé à l’avancée de la science et celle-ci demeurera oubliée.




Les femmes, quand elles ont travaillé, le faisaient toujours pour des hommes. C’est en partie ce qui explique que très peu de femmes aient reçu des récompenses pour des travaux scientifiques. Ce n’était pas parce qu’elles n’étaient pas présentes, pas assez intelligentes mais bien parce que des hommes se sont attribués leur travail. Rosalind Elsie Franklin n’est qu’un exemple parmi bien d’autres des victimes de la misogynie systémique. En 1951, elle travaille au King’s College de Londres où elle découvre la structure en hélice de l’ADN et parvient à la prendre en photo. Cette découverte remet en cause la théorie du Docteur Maurice Wilkins établie auparavant. Ce dernier s’empare des travaux de Franklin à son insu pour les montrer à d’autres scientifiques. Rosalind Elsie Franklin doit quitter le King’s College en 1953 et laisser ses travaux. James Watson, Maurice Wilkins et Francis Crick se basent sur ses recherches pour continuer à étudier la structure de l’ADN ce qui leur vaut en 1962 le Prix Nobel de médecine.




Il me tient d’évoquer Lise Meitner, une physicienne autrichienne qui a participé au « projet uranium » avec Otto Hahn et Fritz Strassman. Ce projet a permis de séparer l’uranium en deux noyaux plus légers (la fission nucléaire) et a contribué à la création de la bombe atomique, Lise Meitner a toujours été contre par ailleurs. Otto Hahn et Fritz Strassman ont reçu en 1944 le Prix Nobel de chimie mais Lise Meitner a simplement été écartée.


De plus, le monde de l’astrophysique n’aurait pu être ce qu’il est aujourd’hui sans l’intervention et la détermination de Jocelyn Bell. Alors qu’elle étudiait les quasars en 1967, des sources célestes d’ondes hertziennes analogues à une étoile, elle remarque des variations régulières provenant d’une partie de l’espace. Son patron Anthony Hewish ne considère pas cette information mais Jocelyn Bell a continué à étudier ces signaux et a découvert les « pulsating stars », les pulsars. Ce sont des sources de rayonnement électromagnétique se manifestant par des émissions brèves à intervalles réguliers, il s’agit en fait d’étoiles mortes tournant sur elles-mêmes à une vitesse extrêmement rapide. Anthony Hewish publie les découvertes sous son nom et obtient ainsi, lui aussi, le Prix Nobel de physique en 1974 au détriment de la véritable autrice de ces découvertes. Trop de femmes ont participé à des découvertes scientifiques majeures sans jamais en recevoir les crédits, sans jamais recevoir un prix alors que leurs collègues masculins étaient sans cesse décorés.





L’effet Matilda


Tous ces exemples sont des illustrations de l’effet Matilda, un phénomène selon lequel les femmes scientifiques profitent moins des retombées de leurs recherches, comme des prix, très souvent au profit des hommes. Une historienne des sciences, Margaret Rossiter reprend dans les années 1980 la théorie de l’effet Matthieu : certains grands personnages sont reconnus au détriment de leurs proches qui souvent ont participé à leurs recherches. Elle pousse la théorie pour l’appliquer aux femmes qui sont les premières à se faire léser du mérite qui devrait leur être attribué.

Le rôle des femmes scientifiques est minimisé, ce qui entretient l’idée selon laquelle les femmes ne sont pas faites pour les sciences, que les sciences sont des disciplines réservées aux hommes. Des études ont montré que les femmes auraient tendance à se diriger vers d’autres domaines que les sciences alors qu’elles avaient envie de poursuivre dans cette voie. Les résultats de cette pensée intégrée par l’ensemble de la société se traduit dans la répartition des femmes et des hommes dans les différentes filières en classes préparatoires : en filière scientifique, les classes sont composées à 70% d’hommes tandis que dans les filières littéraires, elles sont composées de 73% de femmes (MEST DGESIP-DGRI SIES, SISE). J’avais moi-même remarqué au lycée que lorsqu’il fallait faire un choix d’orientation par défaut, les hommes se dirigeaient d’avantage vers les filières scientifiques alors que les femmes se dirigeaient vers celles qui étaient plus littéraires. L’inconscient amenait à recréer des schémas stéréotypés.


Des travaux sont aujourd’hui faits pour que les femmes reprennent la place qui leur a été spoliée dans le monde des sciences et pour prouver que le mythe selon lequel les femmes ne sont pas faites pour la science n’est en effet, qu’un mythe. Les femmes ont été minimisées alors que leurs recherches sont la raison de l’existence de la science moderne. Sans elles, il n’y aurait pas eu d’humains sur la Lune (Margaret Hamilton et Katherine Johnson), pas de théorie des nombres (Sophie Germain), la recherche contre le VIH n’en serait pas là (Françoise Barré-Sinoussi), pas de cartographie aussi étendue de l’univers (Sara Seager). Derrière de grands hommes se cachent donc toujours des grandes femmes qu’il ne faut pas oublier.


Margot Zuliani


Crédits :


Photo 1 : Marie Curie dans son laboratoire - © AFP / Ann Ronan Picture Library (https://www.franceinter.fr/emissions/barbatrucs/barbatrucs-30-avril-2020)


Photo 2 : Mileva Marić et Albert Einstein - Universal History Archive – Getty (https://www.franceculture.fr/sciences/mileva-einstein-loubliee-de-la-relativite)


Photo 3 : Rosalind Elsie Franklin dans son laboratoire - MRC LABORATORY OF MOLECULAR BIOLOGY (https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/biologie-cellulaire/rosalind-franklin-la-double-helice-d-adn-et-le-nobel-oublie_25967)


Photo 4 : Lise Meitner expliaquant une équation – Getty (https://www.franceculture.fr/sciences/lise-meitner-et-la-fission-fut)


Photo 5 : Jocelyn Bell à l’Université de Cambridge - Daily Herald Archive/SSPL – Getty (https://www.franceculture.fr/sciences/jocelyn-bell-passion-pulsars)

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