A l’occasion des dix ans de l’émission de France Télévisions Cash Investigation, une des enquêtes les plus scandaleuses menées par l’équipe d’Elise Lucet a été rouverte. Le géant allemand de la distribution Lidl est mis sur la touche face à ses méthodes de management souvent pointées du doigt. Entre témoignages glaçants, indignation, et direction générale muette, qu’en pensent les consommateurs ?
© Lidl
« Ça me choque d’apprendre ça, je n’en avais pas du tout entendu parler ». Sabine, 45 ans, cliente chez Lidl depuis de nombreuses années, fixe l’enseigne colorée avec effroi depuis le pavé de la Rue de Reuilly, en serrant la main de sa petite fille. « Je ne serais pas prête à boycotter », admet-t-elle, « j’ai besoin de leurs produits avec l’inflation. S’il s’agissait de signer une pétition, je serais en revanche prête à soutenir ». Comme beaucoup de consommateurs de la célèbre enseigne de discount, Sabine ne songe pas à renoncer à ses courses à bas prix. Un appel au boycott a effectivement été lancé par la plateforme boycott.org, sans que beaucoup ne soient convaincus face à l’inflation, 5,6% sur un an en mars 2023 d’après l’INSEE.
« On lui reprochait de trop sourire [dans le but de] lui faire mal »
La chaîne de distribution avait déjà été épinglée pour ses pratiques managériales en 2017 à l’occasion d’une émission spéciale de la célèbre cellule d’investigation. En 2022, l’entreprise avait alors décidé de lancer la campagne « Bien plus qu’un job », une tentative de rassurer sur le bien-être de ses employés. Le bilan de nouveau dressé en mars dernier par Cash investigation fait néanmoins froid dans le dos. La situation ne semble pas s’être améliorée, voire s’est aggravée. En septembre 2021, Catherine Lucas, employée chez Lidl depuis 27 ans, met fin à ses jours. En cause, un changement de direction en 2017 amenant pressions, dénigrements, et harcèlement moral sur la mère de famille et le reste des salariés. Sylvie Barbe, sa collègue et amie, confie au micro de l’émission : « On lui reprochait de trop sourire [dans le but de] lui faire mal ».
Le cas de Catherine Lucas n’est pas isolé. L’ancienne responsable de magasin avait porté plainte contre la hiérarchie quelques mois avant sa mort avec une trentaine d’autres employés de sa région. En février 2021, un entrepôt avait également été perquisitionné à Ploumagoar en Bretagne dans le cadre d’une enquête pour discrimination syndicale. Les exactions de la direction de Lidl ne passent plus inaperçues. Sur Twitter les utilisateurs s’insurgent, et une campagne de dénonciation et de boycottage est lancée par l’organisme boycott.org. Actuellement encore en train de recueillir des votes, elle attend de pied ferme une réponse de l’entreprise.
« Pour moi c’est partout pareil »
Dans un magasin très fréquenté du 12e arrondissement de Paris, les clients interrogés tiquent. Tiraillés, ils ne savent pas où se positionner. Yannis, 24 ans, étudiant, serait lui favorable à une désertion de l’enseigne : « Sincèrement, je pourrais me poser la question. Je comprends qu’avec l’inflation ça puisse être compliqué pour certains clients, mais maintenant Lidl n’est plus vraiment une chaîne de hard discount comme au début. Personnellement, j’ai recours à des épiceries solidaires pour les courses, donc je pourrais suivre ». Alain, 54 ans, habitant le 93, ne voit pas les choses de la même manière. « Pour moi c’est partout pareil. Ma belle-sœur travaille chez Lidl et elle est très contente. En plus, les prix sont intéressants avec l’inflation, on trouve vraiment des bons produits pour pas trop cher. »
Difficile de sensibiliser une clientèle qui a besoin de l’offre attractive de l’enseigne en période d’inflation galopante. Les retombées de l’enquête se font ainsi attendre. Il reste en effet à connaître les mesures concrètes qui seront prises par Lidl pour stopper cette politique de « hard management » dévastatrice pour ses employés. La campagne de boycott aura peut-être de quoi faire réfléchir l’imperturbable direction.
Emma Téreygeol
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