Le Conseil d’État a annulé, le 9 novembre 2023, la dissolution des Soulèvements de la Terre lancée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Léna Lazare, l’une des porte-parole du collectif, revient sur les enjeux de cette tentative de dissolution.
Manifestation contre la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre, devant le Conseil d’Etat, à Paris, le 27 octobre 2023. STEFANO RELLANDINI / AFP
Quelle a été la réaction globale des militants après l’annulation de la dissolution des Soulèvements de la Terre ?
Cela a été un grand soulagement pour nous, on essayait de ne pas trop penser à l’issue de l’audience. Les enjeux étaient grands, la décision fait jurisprudence et a donc un impact important sur la poursuite de la lutte écologiste. Tous les militants et les collectifs locaux étaient donc très satisfaits lors du rendu final du Conseil d’État.
Étiez-vous confiants vis-à-vis de cette annulation ?
On avait des signaux complètement contradictoires. Avec le référé qui s’était très bien passé et l’audience définitive où on était jugé en même temps que trois autres groupes. En plus de ça, le rapporteur public, qui est suivi dans 80% des cas, a repris complètement le discours du ministre de l’Intérieur. Donc avec tous ces éléments, on s’était préparé d’arrache-pied en cas de dissolution au niveau de la communication mais aussi des suites du militantisme.
Selon vous, qu’est ce que révèle cette tentative de dissolution ?
Le ministère de l’Intérieur a vraiment changé de stratégie vis-à-vis du mouvement écologiste ces dernières années. Au début, on a essayé de nous intégrer à la politique du gouvernement notamment par le biais de réunions et de rencontres. C’était surtout histoire de prendre de jolies photos, l’air de dire « on les écoute, on les entend ».
Petit à petit, ils ont été de plus en plus méprisants à notre égard et la criminalisation a augmenté. Le fait qu’on soit un nouveau collectif qui prône une certaine radicalité, on était une cible intéressante pour être ferme vis-à-vis du mouvement global. Il faut prendre la répression des Soulèvements de la Terre dans un récit intégral de répression des mouvements écolos. La tendance à contester les mouvements écologistes devrait inquiéter tous ceux qui se soucient de l’état de la démocratie française. Les dissolutions associatives avaient un but anti-terroriste il y a encore une dizaine d’années, les choses ont changées.
En quoi votre radicalité assumée est-elle nécessaire aujourd’hui ?
Il y a des situations bloquées et les Soulèvements de la Terre interviennent à ce moment-là. Après les essais de recours juridiques et les pressions avec les manifestations pacifiques, on se rend compte que le rapport de force est nécessaire. Malheureusement, nous sommes contraints de recourir à la désobéissance civile en allant bloquer des chantiers ou en réalisant des actions qui ont un impact économique sur des acteurs du projet.
Le Conseil d’État ne vous reconnaît pas responsable de provocation à la violence contre les personnes, condamnez-vous donc les affrontements lors des manifestations ?
Non et ce n’est pas notre rôle. Notre réaction collective suite aux nombreux affrontements à Sainte-Soline par exemple est simple. Pour nous, c’est la violence d’État qui est à l’origine de ce climat de tension et de violences. L’utilisation du mot violence pour nous décrire résulte de quelque chose de très politique. On rappellera toujours que la première violence qui est la mère des autres est celle des porteurs de projets, de l’État et des entreprises écocidaires.
Propos recueillis par Tristan Lombard
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