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Macron et McKinsey : une relation continue, un scandale redondant

Dernière mise à jour : 23 déc. 2022

Le nom de McKinsey, aujourd’hui connu de tous pour être le cabinet de conseil préféré du gouvernement, fait encore une fois les gros titres. Cependant cette fois c’est une relation privilégiée avec le président et sa carrière qui se dessine.


McKinsey — Fabrice COFFRINI © AFP

L’ouverture de deux enquêtes judiciaires par le Parquet National Financier, confirmée publiquement par ce dernier le 24 novembre 2022, s’ajoute aux nombreux scandales auxquels l’entreprise a fait face ces dernières années. Ce cabinet de conseil international, fondé en 1926 et dont le siège social est basé à New York, s’est d’abord fait connaitre pour des stratégies de management ambitieuses. En effet, le cabinet de conseil, évoluant encore aujourd’hui à plus de 90% dans le privé, a gagné en visibilité et en clients grâce à une formule se basant sur la réduction drastique des coûts et des effectifs. Cependant plusieurs affaires sont venues entacher sa réputation au cours des années. Entre pratiques comptables douteuses, implication dans la crise financière de 2007-2008, rôle dans l’épidémie d’opioïdes aux États-Unis ou encore collaboration avec des régimes autoritaires comme la Chine, les exemples ne manquent pas.


Bien que l’activité de la firme se concentre essentiellement sur le privé elle aide de plus les États à travers le monde par son « expertise » dans divers domaines. Il faut préciser que McKinsey n’est pas la seule compagnie à le faire et certainement pas celle à avoir initié la pratique. Cependant le nom de McKinsey fait de plus en plus de bruit en France ces dernières années. Le cabinet est notamment connu pour être devenu le petit privilégié du gouvernement en termes de conseils en tout genre. L’une des enquêtes ouvertes par le PNF porte d’ailleurs sur des chefs de « favoritisme et recel de favoritisme ». L’autre enquête porte elle sur des chefs de « tenue non conforme de comptes de campagne et minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne ». Cette deuxième enquête s’intéresse principalement aux « conditions d’intervention des cabinets de conseil dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 ».


Alors que les unes de presse françaises sur les relations qu’entretiennent McKinsey et le gouvernement Macron s'accumulent, la colère monte parmi les citoyens qui ont pour certains eux aussi entamé une action en justice contre l’État et le cabinet en question. Retour sur les liens opaques mais étroits unissant Emmanuel Macron et McKinsey.


Une relation forgée dans le temps


Les connexions entre Macron et McKinsey se sont d’abord construites par des relations de confiance entre personnages clés. Emmanuel Macron devenu en 2007 rapporteur adjoint de la commission Attali impressionne notamment Éric Labaye, alors à la tête de la filière française de McKinsey. Ce dernier met donc gratuitement quelques consultants du cabinet à disposition de la commission afin de soutenir le projet. C’est alors que le président de la république actuel rencontre Karim Tadjeddine, ancien de polytechnique, ayant travaillé à Bercy quatre ans et aujourd’hui l’un des dirigeants de McKinsey en France. Après cela Macron et Tadjeddine retravaillent ensemble sur la commission Attali 2 en 2008 et rentrent au même moment dans le conseil d’administration du think tank En Temps Réel. Ils participent également tous les deux à l’écriture du livre l’État en mode start-up paru en 2016.


En 2017 les « Macron Leaks » sortent pendant la campagne présidentielle révélant que le stratège du mouvement En Marche ! Ismaël Emelien transmet les résultats d’un porte-à-porte visant à récolter les doléances des citoyens à des membres de McKinsey, notamment Tadjeddine. Par la suite, c'est le cabinet qui met le rapport du porte-à-porte en forme. Une dizaine de salariés de McKinsey participent également à l’élaboration du programme de Macron dont des parties concernant les ministères régaliens comme celui de l’économie. Après l’élection du leader de La République en Marche en 2017, plusieurs membres du cabinet McKinsey passent à la politique dans les rangs macronistes, puis reviennent plus tard dans le cabinet. Le va-et-vient devient flou, si bien qu’on ne sait plus qui sert qui et quels intérêts sont défendus.


Une fois élu, le président Macron crée la Direction Interministérielle à la transformation publique (DITP). Et que de coïncidences… le département Secteur public de McKinsey alors codirigé par Tadjeddine est justement chargé de mission pour la DITP. La connivence entre l’équipe de Macron et de McKinsey semble être très bien établie.


Des liaisons dangereuses


Après les « Macron Leaks » les choses se calment dans l’opinion mais les collaborations restent de mise. La tourmente reprend néanmoins lorsque les sénateurs auditionnent en janvier 2022 des représentants du cabinet McKinsey concernant « l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques ». Une enquête préliminaire est également ouverte le 31 mars 2022 pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale ». Un rapport prenant en compte les auditions est publié pendant la campagne présidentielle de 2022 et fait à nouveau gronder l’opinion publique et trembler sa confiance en ce que certains appellent la « macronie ». Le rapport est en effet consternant : il révèle que plus d’un milliard d’euros ont été dépensé par l’État en cabinets de conseil en 2021. Bien que la demande d’une expertise sur certains points par le gouvernement ne soit pas chose nouvelle, le rapport souligne que les dépenses en la matière ont doublé lors du premier quinquennat de Macron. De plus, entre 2018 et 2021 McKinsey a décroché plus de quarante missions pour lesquelles le cabinet a touché entre 28 et 50 millions d’euros. Le problème n’est pas tant le coût en lui-même mais le fait que l’on peut aisément le considérer comme exorbitant aux vues des résultats produits par les missions du cabinet. Par exemple McKinsey a fait une étude sur « l’avenir du métier d’enseignant » qui a été facturé 500 000€ en vue d’un colloque qui n’a jamais eu lieu.


En mars 2022 le Sénat saisit la justice suite aux auditions des dirigeants de McKinsey devant la commission. Ils considèrent leurs témoignages comme étant mensongers. Quelques mois plus tard, le 24 mai de cette année les locaux de McKinsey sont perquisitionnés dans le cadre de l’enquête.


Avec l’ouverture des investigations, les enquêteurs se penchent de plus près sur les liens entre Emmanuel Macron et McKinsey, notamment durant les campagnes présidentielles de 2017 et 2022. Karim Tadjeddine assure pendant son audition devant les représentants : « Nos statuts nous interdisent de travailler, à titre payant ou pro bono, pour des organisations ou pour des personnalités politiques. Nous ne le ferons jamais. » Cependant cela a bien été le cas lors des commissions Attali et des campagnes présidentielles de Macron où les employés de McKinsey travaillaient gratuitement. Le fait qu’après cela le cabinet ait bénéficié de nombreux contrats publics pendant le premier mandat de Macron a mis la puce à l’oreille. Et si cela était un retour de service rendu ? Ce sont ces éléments qui ont mené à l’ouverture de l’enquête pour favoritisme et recel de favoritisme.


Au-delà du fait que les contribuables soient mécontents de payer pour des conseils sans grands impacts (d’ailleurs considérés dès 2018 par un rapport de la Cour des comptes comme faibles, trop généraux et laconiques) un autre problème est venu se poser : les cabinets de conseil employés par l’État, et McKinsey surtout, ont eu accès à un grand nombre de données sensibles. En travaillant sur des dossiers comme la gestion de la vaccination contre le covid-19 ou d’autres dossiers industriels et stratégiques les cabinets peuvent en effet consulter toutes sortes d’informations confidentielles. Et bien que cela ne paraisse pas anormal au regard des missions qui leur sont confiées les citoyens n’ont pas vu d’un très bon œil que cela arrive aussi fréquemment, sur des dossiers si importants et surtout avec si peu de résultats.

Une opacité attisant la méfiance


Interrogée le 30 mars 2022 en pleine polémique la ministre de la transformation et de la fonction publique Amélie de Montchalin affirme « Il n’y a rien à cacher. Les règles ont été respectées ». Cependant, en dépit des recommandations de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui a fait droit à la demande du Monde d’obtenir des documents de la présidence liés aux missions des cabinets de conseil entre 2017 et 2022, le journal n’obtiendra jamais les documents. Malgré des déclarations de bonne volonté, il apparaît clair que le gouvernement refuse toujours de se montrer véritablement transparent sur ses liens avec les cabinets de conseil, McKinsey en tête.

Flora Vandewalle





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