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MMA : La folle ascension de l'UFC


C’était l’un des évènements sportifs les plus attendus de ce début d’année : la 285e soirée UFC. Dans la nuit du samedi 4 au dimanche 5 mars, le français Cyril Gane a affronté l’américain Jon Jones, considéré par beaucoup d’aficionados comme le meilleur combattant de la discipline. Le résultat est sans appel. Le français n’a pas fait le poids face à l’expérience de « Bones », qui peut désormais se targuer d’un palmarès de 27 victoires en carrière pour une simple défaite.


Jon Jones face à Cyril Gane dans un combat anormalement court. (Abaca / Icon Sport)

Au-delà du contenu sportif de l’évènement, ce sont les diverses péripéties autour de l’organisation de ces « bagarres organisées » qui passionnent tant les foules. Le Martial Mixed Arts, ce sport de combat qui a longtemps souffert d’une mauvaise réputation change enfin d'échelle. Après plusieurs décennies à rester bloqué dans l’illégalité dans certains pays car trop dangereux, il bénéficie désormais d’une renommée internationale. Un succès qui talonne même celui des sports traditionnels en termes d’audience. En effet, selon un rapport parlementaire publié en 2019, on se rapprocherait de la barre du milliard de téléspectateurs dans le monde à chaque événement.


De nombreuses années dans l’ombre à se structurer


Sur Twitter, l’internaute @MMAArena_, propriétaire d’un compte rassemblant plus de 56 000 fans français de MMA, se rappelait il y a quelques jours des anciennes heures de ce sport : « il y a tellement de combats en direct que j’ai regardé sans pouvoir en parler à personne à l’époque où c’était illégal et méconnu ».


En effet, l’Ultimate Fighting Championship connaît d’abord une longue traversée du désert. Créé au début des années 1990 par Art Davie, John Milius et Rorion Gracie, la volonté initiale est de filmer un tournoi de combats de MMA. Les gros diffuseurs TV américains (HBO et Showtime) ne sont pas emballés et les premiers « events » sont diffusés via « pay per view » (le téléspectateur doit payer pour regarder chaque gala UFC) sur de lointaines chaînes du câble. Les premiers combats sont rudes et provoquent un tollé dans les médias et dans les organisations politiques. Les règles sont floues, on assiste à des KO dévastateurs, des coups frôlant vertèbres et cervicales…


Malgré un emballement relatif et la réticence des autres pays du globe à intégrer le mouvement, les organisateurs n’en démordent pas : leur projet doit continuer. Pour cela, ils intègrent des éléments spécifiques, pour différencier l’UFC des autres organisations de combat traditionnelles. Cela passe par le changement de la zone de combat. On crée cet « octogone » désormais classique. Une cage de 9,50 mètres de diagonale, d’1,20 mètres au-dessus du sol, entourée de grillages. Ce grillage rappelle une ambiance de « combat de cave », comme si la surface de combat devait représenter au mieux la brutalité et d’intensité du sport. L’organisation décide aussi de se plier à certaines contraintes réglementaires liées à la sécurité des combattants.


Alors, petit à petit, les événements se professionnalisent, gagnent en notoriété.. Le « pay per view » d’abord craint, commence à devenir très rentable. Puis, de nombreux Etats voient la manne financière que de tels évènements peuvent débloquer, et autorisent l’UFC à diffuser et à organiser des évènements sur leur territoire.


La société du divertissement à son paroxysme


Au fil des années, Dana White, le président de l’organisation, a vite compris que pour faire fructifier son business, il devait l’inscrire dans un contexte d’« entertainment » permanent. Lorsque les autres évènements sportifs se concentrent peut être en priorité sur le contenu en lui-même, l’UFC a décidé de faire la focale sur le contenant. Tout ce qui se passe autour du combat est médiatisé. Les soirées sont annoncées de nombreux mois avant, et jusqu’au jour J, c’est la foire aux déclarations chocs entre les combattants, du « trash talking » sur un temps très long.

Puis, à quelques jours du show, on assiste aux fameux « face off » de la conférence de presse et de la pesée, où les deux combattants se toisent quelques secondes avec le regard le plus noir possible afin d’impressionner son adversaire.


Bien évidemment, les événements en eux-mêmes sont aussi spectaculaires. Des arènes remplies par plus de 20 000 personnes chauffées à blanc, un présentateur survolté qui se brise la voix pour annoncer les athlètes… Et même des bagarres générales improvisées impliquant les différents clans des combattants, comme ce fut le cas entre Conor McGregor et Khabib Nurmagomedov en Octobre 2018.

Tout cet écosystème permet à l’entreprise UFC de prendre en valeur et en notoriété et ça, Dana White et ses compères le savent, et ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin.


L’appât du gain pousse les organisateurs à la démesure


Si l’UFC a réussi à passer un cap avec le MMA, c’est en partie grâce au fait que la ligue se soit pliée aux exigences de sécurité pour rassurer les autorités et le public. Pourtant, ces dernières semaines, l’organisation, en quête d’un nouveau challenge, semble aller dans le sens inverse. La preuve avec le lancement de la « Power Slap League ». La « discipline » est assez simple à expliquer. C’est un concours de gifles où deux adversaires se font face à moins d’un mètre et doivent mettre K.O leur opposant tout en restant debout et statiques.



Cette discipline a émergé en Europe de l’Est au milieu des années 2010 et Dana White veut désormais en faire sa nouvelle poule aux œufs d’or. Problème : les chocs sont d’une violence inouïe et la santé des participants en pâtit. Les commotions cérébrales se succèdent malgré les avertissements des spécialistes médicaux. Ceux-ci alertent en évoquant des risques de coma, de lésions ou même de paralysie.


Autre forme d’inconscience de la part des promoteurs, l’absence d’un quelconque statut de travailleur donné aux combattants. Il y a quelques mois, une des stars de la discipline : Francis Ngannou, quittait l’UFC après de nombreux désaccords avec la direction. En effet, malgré des salaires importants touchés après ses combats, (600 000 dollars après sa victoire face à Cyril Gane) le combattant franco-camerounais ne s’estimait pas satisfait de sa part lorsqu’il la rapportait sur les revenus totaux générés. Le système de répartition n’est pas fait sur un modèle 50/50 entre les athlètes et l’organisation, contrairement à la NBA (ligue de basket américaine) ou à la MLB (ligue de baseball américaine). Idem pour l’assurance médicale pour laquelle Ngannou militait : absente, et que le combattant n’a pas réussi à obtenir.


Sur ce sujet, les discussions semblent être au point mort. La veille du combat Gane vs Jones, Dana White déclare avec certitude que Francis Ngannou et l’UFC, c’est de l’histoire ancienne : « Nous avons négocié avec lui pendant des années. C’est terminé. Il ne sera plus jamais dans l’UFC. » L’intéressé s’est montré surpris d’une telle sortie médiatique en postant un message d’étonnement sur son compte Twitter, comme s’il apprenait la nouvelle sans en avoir été informé directement par White.

Encore une fois, l’UFC semble utiliser ses codes préférés : les déclarations chocs. Dans le but de faire réagir, sans pour autant essayer d’entendre les préoccupations de ceux qui permettent à une telle organisation de briller…


Thomas Dagnas


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