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NICARAGUA : Daniel Ortega et Rosario Murillo réélus à la tête du pays

Dernière mise à jour : 9 nov. 2021


Rencontrés dans les années 70, Daniel Ortega et Rosario Murillo se marient en 2005. En 2017, Rosario Murillo devient vice-présidente du Nicaragua aux côtés de son mari, président. PHOTO/STRINGER/REUTERS


Après avoir emprisonné ou poussé à l’exil quasi l'intégralité de ses opposants principaux durant les mois précédant le scrutin, le « président-dictateur » Daniel Ortega était assuré de briguer un quatrième mandat consécutif. Il est finalement élu avec 75% des suffrages exprimés, en tête dans toutes les régions autonomes et départements nicaraguayens. Retour sur une campagne électorale mouvementée sur fond de crise sociale et de dérives autoritaires.


Ortega, de l’engagement révolutionnaire au nespotisme autoritaire


Durant quarante-trois années, la dynastie des Somoza a dirigé le Nicaragua, État indépendant de l'Espagne depuis 1821. Après l'attentat qui a mortellement blessé Anastasio Somoza García le 21 septembre 1956, c'est deux de ses fils qui vont lui succéder.

Le second, Anastasio Somoza Debayle, qui dirige le pays de 1967 à 1972, puis de 1974 à 1979, est renversé par une révolution menée par le Frente Sandinista de Liberación Nacional, dont le moteur principal a été la fin de la dictature des Somoza. Cette Revolución Popular Sandinista est aussi un événement déterminant de la guerre froide.


Au sein du mouvement révolutionnaire, Daniel Ortega fait partie des leaders. Il est le président de la Junte gouvernementale de reconstruction nationale de 1979 à 1985, puis président de la République.


Lors de l'élection présidentielle de 1990, Ortega, menant le FSLN, est battu par la candidate Violeta Chamorro, à la tête d'une alliance de partis d'opposition. Le camp politique d'Ortega reste écarté du pouvoir présidentiel jusqu'aux élections générales de 2006, où la figure révolutionnaire est élue pour un premier mandat de cinq ans.



Violeta Chamorro (à gauche) en 1990 lors de sa victoire face à Daniel Ortega (à droite). Fundación Violeta Chamorro


Ortega présidentialise le régime politique et renforce les prérogatives données au président de la République. Par ailleurs, alors que le président de la République du Nicaragua est limité selon la Constitution à deux mandats consécutifs, une décision de justice autorise Ortega a brigué un troisième mandat en 2011. Sans aucune limitation de mandat encore en vigueur depuis la réforme constitutionnelle de 2014, il est également réélu lors des élections générales de 2016. L'opposition politique d'Ortega, et de sa femme Rosario Murillo, alors candidate pour la vice-présidence, dénonce de fraudes électorales sans que ces dernières aboutissent à une remise en cause effective des résultats.


Une opposition mise à mal mais mobilisée durant la campagne électorale


Dans le contexte des élections générales de 2021, Il est difficile pour l'opposition de se faire entendre. Encore plus cette année où les tribunes médiatiques au Nicaragua sont de plus en plus censurées. La presse nationale est bâillonnée. La Prensa, le plus grand quotidien du pays, a vu son siège être fermé par les autorités.


De nombreux journalistes, considérés comme des vecteurs de la parole de l’opposition, sont eux aussi emprisonnés ou poussés à l’exil. C’est le cas de Carlos Chamorro, directeur du site d’information Confidencial, désormais obligé de publier ses articles depuis le Costa Rica pour éviter la censure et la répression du gouvernement Ortega.


Par ailleurs, une myriade de personnalités politiques issue de l'opposition ont selon les médias internationaux été emprisonnés à l'approche du scrutin.

En juin 2021, Cristiania Chamorro Barrios, fille de l'ancienne présidente Violeta Chamorro, a été isolée et assignée à résidence, sans possibilité de concourir à un mandat politique, la disqualifiant dès lors du scrutin présidentiel.


Malgré cette répression judiciaire, une partie de l'opposition est restée mobilisée contre les dérives autoritaires d'Ortega pendant et après le scrutin du dimanche 7 novembre.


Certains partis politiques de l’opposition ont aussi essayé de lancer des initiatives sur les réseaux sociaux quelques heures avant le début du scrutin. Beaucoup se sont rejoints derrière #YoNoVoto (#JeNeVotePas) ou encore #MiCandidatoEstàPreso (#MonCandidatEstEmprisonné) pour tenter de créer un mouvement abstentionniste fort et essayer d’envoyer un message à Daniel Ortega. Parmi eux, le parti UNAB, dirigé par Felix Maradiaga, prisonnier politique depuis juin.


Des mobilisations citoyennes le jour de l’élection qui montrent la division du pays


Malgré la censure des opposants d’Ortega, de nombreuses mobilisations ont lieu, qu’elles soient silencieuses ou bruyantes. A San José (Costa Rica) par exemple, nouvelle terre d'asile pour les exilés politiques nicaraguayens, plus de 3000 manifestants ont défilé, protestant contre le processus électoral défaillant. Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont partagé des photos des rues désertées de Masaya (4e ville la plus peuplée du Nicaragua), où l’on y voit des bureaux de votes vides. Une façon pour certains citoyens de montrer leur mécontentement.


Pourtant, à Managua, de nombreuses images montrent tout au long de la journée les longues files d’attente devant les bureaux de votes. Quelques heures avant les résultats, des personnes sont sorties dans la rue et ont dansé pour fêter ce jour d’élection. Ce flot de personnes se déplaçant pour voter dans la capitale du pays est une preuve que les soutiens de l’autocrate au pouvoir depuis 2007 restent nombreux. Il semble donc qu'une réelle division subsiste dans le pays entre deux camps.



Rues désertes à Masaya et scènes de liesse à Managua. Edwing Romàn, Jairo Cajina.

Bien évidemment, la puissance de ces images est à nuancer. D’après l’observatoire citoyen indépendant Urnas Abiertas, mobilisé pour donner les chiffres les plus justes du scrutin, l'abstention s'élèverait à 81,5 %. Un chiffre écrasant qui montrerait le « ras-le-bol » d'une partie des citoyens. De son côté, le comité suprême électoral du Nicaragua a seulement avancé 35 % d'abstention. C'est 3% de plus qu’en 2016 pour la dernière élection présidentielle.


Les responsables politiques internationaux réagissent


Les responsables politiques internationaux ont également réagi à la suite du résultat des élections générales du Nicaragua. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, considère ce scrutin comme « illégitime ». Selon ce dernier, « Ortega a empoisonné tous ses adversaires » et l’élection marque définitivement le basculement du pays dans un « régime autocratique ».


De leur côté, les États-Unis partagent cette idée. La Maison Blanche, dès la fermeture des bureaux de votes au Nicaragua, a publié un communiqué de Joe Biden. Le président américain dénonce des « fausses » élections, « ni justes ni démocratiques » et appelle Daniel Ortega à « mettre immédiatement en place des mesures pour restaurer la démocratie dans le pays ». Quelques jours avant le scrutin, le Congrès américain a d’ailleurs voté une loi (« loi RENACER ») qui vise à augmenter la pression diplomatique sur le gouvernement Ortega pour qu’il cesse ses exactions contraires aux droits de l’homme. Cette loi implique l’usage d’outils diplomatiques et économiques pour affaiblir le pouvoir autoritaire du régime Ortega.

D’autres réactions ont pu être observées chez les dirigeants d’autres pays sud-américains. Au Costa Rica, Carlos Alvarado annonce qu’il « ne reconnaît pas les élections au Nicaragua à cause du manque de conditions et de garanties démocratiques ». Le dictateur vénézuélien Nicolas Maduro, au contraire, se réjouit (avant même les résultats) de la « grande journée de participation populaire et pacifique » et « félicite le grand commandant et président Daniel Ortega pour sa victoire ».

Enfin, de son côté, Daniel Ortega a réagi aux critiques par une phrase cinglante, prononcée juste après le dépôt de son bulletin de vote : « Le vote ne tue personne, ne blesse aucune personne, n’appelle pas au terrorisme ». Un rappel peut-être intentionnel aux tragiques manifestations de 2018. Pour rappel, elles ont causé la mort de plus de 300 opposants, tués par la répression policière et gouvernementale.


Thomas Dagnas et Melchior Delavaquerie

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