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OQTF, un sujet épineux aux enjeux de taille

Dernière mise à jour : 10 déc. 2022

Les OQTF, ou obligations de quitter le territoire français, sont des mesures administratives françaises délivrées par la préfecture en vue d’expulser une personne du territoire français. Elles ont acquis une place centrale dans le débat politique actuel, à la suite d’affaires à l’ampleur médiatique rare, comme le meurtre de Lola par Dahbia B, une clandestine sous le coup d’une OQTF. Le principal enjeu réside alors quant à leur application effective, très complexe en France. Mais quelle est à cet égard la nature des obstacles rencontrés lors de l’exécution d’une OQTF, et sont-ils insurmontables ?

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, s’exprimant à l’Assemblée nationale au sujet des OQTF en octobre 2022 (AFP).


Un débat sous tension


Dans la majorité des cas, une OQTF s’applique pour mettre en œuvre un refus ou un retrait de droit de séjour d’une personne au sein du territoire français. En l’espèce, elle peut prendre la forme d’un placement en rétention, voire d’une interdiction de retour sur le sol français.


Une OQTF peut faire l’objet d’une exécution immédiate, mais il est de plus en plus fréquent qu’elle résulte d’un long processus administratif, laissant notamment aux clandestins des voies de recours pour se défendre d’une OQTF prononcée à leur encontre. En conséquence, ce recours est suspensif, les individus visées par la procédure étant autorisés à rester sur le territoire français jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu par une juridiction administrative. Ces cas de figure sont devenus problématiques en ce que des individus, sous le coup d’une OQTF, ont pu rester sur le territoire français et perpétrer leurs exactions.


Que l’on pense à l’affaire Lola, qui a suscité un rare émoi médiatique, ou plus récemment encore à une patiente admise aux urgences, violée par un clandestin, sous le coup d’une double OQTF. De fait, les OQTF ne manquent pas de susciter la controverse quant à leur efficacité, notamment à droite de l’échiquier politique, où l’on réclame un durcissement nécessaire de cette procédure administrative. En point d’orgue, le taux d’exécution des OQTF, estimé à 12% sous le mandat Macron (ministère de l’Intérieur, 2019), en baisse de 2% par rapport à la période Hollande, et sur un déclin général depuis les années Sarkozy, interroge.


Emmanuel Macron, dans un entretien à Valeurs Actuelles en 2019, puis Gérald Darmanin le mois dernier, avaient pourtant affirmé vouloir atteindre un taux d’exécution de 100% des OQTF. Mais dans les faits, une mise en œuvre efficace de leurs dispositions se heurte à de nombreux obstacles, face auxquels l’État français se révèle pour le moment impuissant.


De difficiles négociations avec les États étrangers


Sur le plan externe, les négociations avec les pays d’origine des clandestins sous le coup d’une OQTF s’avèrent complexes.


Il est d’abord difficile d’identifier la nationalité de ces individus, qui arrivent pour la plupart sur le sol français sans documents officiels. Leurs pays d’origine doivent ensuite accepter de les reconnaître comme ressortissants, ce qui une nouvelle fois n’est pas systématique. Et si ces tâches préliminaires venaient à être surmontées, il resterait pour autant encore à entamer des négociations avec les États concernés. Là aussi, les discussions sont ardues : ceux-ci doivent accepter le retour de leurs ressortissants sur leurs territoires, en leur délivrant un laissez-passer consulaire (LPC). Or ces documents sont de moins en moins émis par les pays concernés. Ainsi, les pays du Maghreb, dont les ressortissants sont le plus visés par des OQTF (ministère de l’Intérieur, 2019), en délivrent tendanciellement moins ces dernières années. Derrière ce phénomène peuvent se trouver des raisons diplomatiques, comme c’est le cas avec l’Algérie vis-à-vis de la France, ou de toutes autres motivations, ne serait-ce que concernant des pays comme le Mali, ne souhaitant pas amoindrir leur diaspora en France, contribuant directement au développement économique du pays. En conséquence, seuls 53% des laissez-passer consulaires ont été délivrés dans un délai utile quant aux démarches d’expulsion, note Libération via une analyse du sénateur LR François Noël Buffet.


Une justice administrative paralysée devant l’ampleur de la tâche

Sur le plan externe, les juridictions administratives se révèlent impuissantes face à la multiplication des procédures liées aux OQTF.


En effet, les clandestins sous le coup d’une OQTF disposant d’une voie de recours, celle-ci a un effet suspensif quant à leur jugement, de trois mois en théorie. Mais en pratique, face à la multiplication des recours, et, en parallèle, à la stagnation du nombre de magistrats administratifs, les juridictions administratives connaissent une grande difficulté dans le traitement conforme, et dans les délais, des dossiers qui leur sont confiés.


Ce phénomène se répercute sur les Centres de rétention administrative, ou CRA. Censés accueillir les clandestins sous le coup d’une OQTF dans l’attente de leur jugement. Ils sont au nombre de 25 en France, pour une capacité totale d’accueil avoisinant les 1 600 personnes. Or, ces infrastructures sont éprouvées par l’explosion des OQTF, paralysées devant les près de 15 000 migrants qui attendent d’y être reçus. Aussi, cette surexploitation des CRA explique que certains clandestins soient facilement libérés une fois le délai théorique de 3 mois de jugement de leur dossier dépassé. Ce dernier point constitue la principale critique adressée à une juridiction administrative fréquemment pointée du doigt pour son laxisme et sa lenteur.


On pourrait également souligner le coût important de ces procédures, près de 30 000€ par OQTF exécutée, mais l’autre principale problématique liée à l’exécution des OQTF demeure quant à l’acceptation, par les individus concernés, de leur expulsion du territoire. Le Figaro note d’autant plus que, depuis l’intronisation du test PCR pour tout clandestin visé par une OQTF, ceux refusant de s’y soumettre suspendent, par leur acte, leur procédure d’expulsion. De plus, le pilote chargé d’acheminer les expulsés par avion peut refuser d’embarquer, si l’individu présente dans son comportement des risques de nuisance durant le vol.


Un bilan comptable en dents de scie

En conséquence, ces divers éléments placent la France dans une bien mauvaise posture quant à la gestion des OQTF. Comme souligné précédemment, leur taux d’exécution est en berne depuis les années Sarkozy, atteignant un plafond historiquement bas en 2019, les chiffres du ministère de l’Intérieur annonçant seulement 12% de taux d’exécution des OQTF. A titre de comparaison, ses pays voisins ont de bien meilleurs résultats, comme l’Allemagne et son taux de 53% d’expulsions effectivement exécutées, ou l’Italie, qui, si elle peine également à ce niveau, reste bien plus exemplaire (environ 23% de taux d’exécution en 2020).


En réaction, le gouvernement Macron a bien annoncé une politique de restriction des visas accordés aux pays réfractaires à délivrer des LPC, notamment ceux du Maghreb, avec une diminution d’1/3 des visas accordés, mais cette mesure peine à produire un effet concret sur l’exécution des OQTF à leur égard. Gérald Darmanin souhaiterait en outre adopter un projet de loi qui raccourcirait le délai accordé à l’individu pour quitter le territoire français, de 30 à 15 jours.


Mais le constat de la situation française montre à quel point le taux idéal de 100% des OQTF exécutés est difficile à atteindre. Si des recrutements plus nombreux au sein de la magistrature permettraient en partie de régler les problèmes de lenteur des juridictions administratives, il reste à trouver des moyens de peser dans les négociations avec les pays des ressortissants, chose à laquelle aucun des récents gouvernements français n’a trouvé de parade. Mais nul doute que le sujet des OQTF reviendra fréquemment sur la table dans les prochains mois, dans un contexte politico médiatique plus que propice à la prise en considération des enjeux et débats qui leur sont relatifs.


Hedi Dali


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