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Plan Vigipirate : la France a-t-elle besoin d’en faire autant ?

Alors que le gouvernement a annoncé à la mi-octobre le déclenchement de l’état d’urgence attentat, le niveau le plus élevé du plan Vigipirate, les évacuations pour fausses alertes à la bombe se multiplient en France. L’occasion de revenir sur l’intérêt de ce dispositif, régulièrement mobilisé par l’Etat face à la menace terroriste.


Les militaires, au cœur du dispositif Vigipirate. © BFM TV.


Aux origines d’un dispositif désormais ancré dans notre quotidien

Le plan Vigipirate désigne, en théorie, un instrument de lutte contre la menace terroriste, aux mains de la Première ministre, associé de ses ministères. Il vise à assurer un haut degré de vigilance et de sécurité face à l’hypothèse d’un attentat en sol français. Créé en 1978, mais employé pour la première fois en 1991, alors qu’un individu radicalisé se faisait exploser dans une rame du RER B dans le contexte de la guerre du Golfe, ce programme a depuis été mobilisé à de maintes reprises à partir des années 2010. Il n’a en fait jamais été délaissé par l’exécutif français depuis les attentats du Bataclan, en 2015, mais a, à plusieurs reprises, fait l’objet d’une complexification de ses mesures.

Le ministère de l’intérieur distingue en effet plusieurs degrés dans l’intensité du dispositif Vigipirate, et des moyens déployés à cet égard. Existe ainsi un niveau « vigilance », comportant 100 mesures appliquées en permanence sur le territoire français pour se prémunir de la menace terroriste ; un stade « sécurité renforcée, risque d’attentat », impliquant des mesures additionnelles de surveillance, notamment dans les lieux publics, symboles de la République. Enfin, et surtout, le palier « urgence attentat », déclenché immédiatement à la suite d’un attentat, permettant la mobilisation de moyens exceptionnels, tel qu’un effectif renforcé de surveillance et de protection, afin de gérer tout trouble à l’ordre public dans l’éventualité d’une crise. Ce dernier niveau, implémenté en 2015 par la loi « Sentinelle », avait été utilisé dans le cadre des attentats du marché de Noël de Strasbourg, en 2018, où cinq personnes avaient perdu la vie. Il vient d’être réinstauré par le gouvernement Borne à la suite du meurtre de Dominique Bernard à Arras, après cinq années passées entre le premier et le second niveau du dispositif.


Dans le cadre de l’état d’urgence attentat, les têtes pensantes du plan Vigipirate disposent d’un effectif considérable d’officiers des forces de l’ordre, mais également de militaires sentinelles (plus de 10 000 hommes), qui sont déployés dans les lieux dit « sensibles », du fait de leur symbolisme. L’actualité politique française, cristallisée par le meurtre d’Arras et la crise israélo palestinienne, amène en l’espèce cette vigilance à se porter en particulier sur plus de 500 lieux de culte et établissements scolaires. La surveillance de ces espaces publics peut aller de leur strict encadrement à leur fermeture, voire à leur évacuation en cas de signalement suspect. Il en est ainsi de la semaine de l’art contemporain, place Vendôme, qui s’est déroulée sous un important dispositif de sécurité, ou du château de Versailles, évacué à plusieurs reprises pour des alertes à la bombe.


Des investissements conséquents pour une relative utilité face à la menace terroriste

Pour autant, l’importance des moyens mobilisés à travers le plan Vigipirate a de quoi interroger, pour un dispositif qui demeure un simple complément aux actions des services de renseignement. Sur les 72 attentats déjoués en France depuis 2012, 64 l’ont en effet été par la DGSE et la DGSI, forces de renseignement de l’Etat. Preuve que la lutte terroriste se mène avant tout en amont, par le renseignement et la surveillance des individus nuisibles. Jean Charles Brisard rappelait déjà, aux micros de France 2, en 2015, que le plan Vigipirate ne se résumait qu’à un dispositif de dissuasion, fait pour rassurer les citoyens, et dissuader tout passage à l’acte, mais loin de vouloir prétendre annihiler à lui seul la menace terroriste.


Dès lors, comment expliquer les investissements faramineux consentis dans ce qui ne constitue finalement que le dispositif additionnel d’une immense nébuleuse ? Il est frappant de constater que le plan Vigipirate, en son stade urgence attentat, représente des frais journaliers de près d’1 millions d’euros, moyennant le déplacement des militaires et autres officiers, leurs rémunérations, mais également les coûts annexes occasionnés par de lourdes opérations d’évacuation de lieux publics.


De nombreuses voix s’élèvent pour demander à rediriger ces investissements vers des secteurs plus importants en matière de lutte antiterroriste, tel que justement les activités de la DGSE et de la DGSI, ce que soutenait, déjà en 2015, la députée socialiste Pouria Amirshahi.


Le Plan Vigipirate est d’autant plus mis à mal logistiquement qu’il fait l’objet de nombreux faux signalements reçus depuis l’attentat d’Arras. Le dispositif souhaitait en effet inclure en son sein la participation active des citoyens, qui peuvent à tout moment signaler aux autorités compétentes une suspicion d’acte terroriste. Chaque signalement est ainsi sérieusement reçu et scrupuleusement traité. Le problème réside en ce qu’une minorité des citoyens peut dès lors provoquer la fermeture d’un établissement entier par une simple fausse déclaration aux autorités, qui seront obligées de la considérer par prudence.


Ainsi, plus de 15 aéroports de l’Hexagone se sont vus évacués depuis octobre, à la suite de multiples alertes à la bombe, nécessitant une intervention des sentinelles Vigipirate. Les répercussions de ces opérations ne se sont pas fait attendre : plus de 130 vols annulés ou en retard, et des pertes économiques conséquentes pour les aéroports concernés. Un préjudice réel, que les ministres Clément Beaune et Gérald Darmanin n’ont pas manqué de pointer du doigt, qualifiant d’« abrutis » les instigateurs de ces mouvements, qui s’exposent en outre à des sanctions pénales de 2 ans de prison et 30 000€ d’amende. Les poursuites sont systématiques, chaque fausse menace étant suivie d’une plainte, témoignant de la sérieuse prise en considération de la récurrence de ce problème frappant le programme.


C’est en effet un écueil majeur du plan Vigipirate qui est ici soulevé. Implémenter les signalements des citoyens au cœur du dispositif de prévention, sans pour autant sombrer dans une forme de paranoïa sociale, source d’anxiété et d’insécurité pour les citoyens. Il faut néanmoins rappeler le caractère ponctuel de cet état d’urgence, ainsi que les efforts des autorités pour écarter les signalements vraisemblablement trop disproportionnés pour être réels. Un signe de la prise de conscience de l’ambivalence du dispositif, qui oscille tendancieusement entre la sécurité et le chaos.



Hedi Dali

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