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[Point de vue]L’atteinte à la présomption d’innocence par la création de tribunaux médiatiques

Cas des accusations d’inceste contre Richard Berry par sa fille


« Ce que la justice ne peut pas faire aujourd’hui, les médias et les réseaux sociaux le permettent et pallient peut-être l’imprescriptibilité des faits ». Cette phrase est tirée d’un article de l’Huffington post intitulé « le procès médiatique va-t-il remplacer le procès judiciaire pour cause d’imprescriptibilité ? ».


Pour rappel des faits, le 3 janvier 2021, le parquet de Paris annonce que Coline Berry, âgée de 45 ans a déposé une plainte le 25 janvier dernier pour dénoncer des faits de viols et agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par ascendant et corruption de mineur. Très vite, l’affaire est rendue publique par Richard Berry qui décide de publier sur le réseau social Instagram un démenti en déclarant qu’il dénonce de force ces accusations immondes en accusant sa fille ainée de propos mensongers. S’enclenche alors une politique de « parole contre parole » puisque Coline Berry annonce à son tour publiquement sur Instagram que son père avait pour habitude de l’embrasser sur la bouche avec la langue et qu’elle a dû se soumettre à des jeux sexuels quand elle avait entre 8 et 10 ans.


En choisissant le réseau social Instagram qui compte des millions d’utilisateurs, les deux protagonistes ont conscience d’ouvrir la possibilité à toutes ces personnes de se faire jurés de l’affaire. Et la présomption d’innocence de Richard Berry ainsi que le statut de victime de sa fille sont alors remodelés en fonction des avis de chacun. La présomption d’innocence, énoncée dès 1789 dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen comme un principe inhérent à toute démocratie implique qu’en l’absence de démonstration probante par l’accusation de sa culpabilité, le doute devra nécessairement profiter à l’accusé. Mais les rédacteurs de la DDHC il y a plus de deux siècles n’avaient pas imaginé les conséquences que provoquerait l’instantanéité des réseaux sociaux. Aujourd’hui, la présomption d’innocence s’est transformée en présomption de culpabilité et chacun peut se faire juge d’un procès qui devient médiatique avant d’être un procès judiciaire. C’est à l’avocat de la défense de prouver que son client n’est pas coupable et plus à la partie civile d’en apporter les preuves. Et une des conséquences de cette pratique contemporaine est le report du téléfilm par France-Télévision comprenant Richard Berry comme acteur principal à une date ultérieure à cause de cette polémique. Il n’est pas normal qu’une polémique prenant sa source dans les médias puisse compromettre à ce point la présomption d’innocence d’un homme accusé.


Par ailleurs, un autre versant du procès médiatique consiste à dire que puisque la justice ne peut pas satisfaire le besoin de reconnaissance pour les victimes dont les faits dénoncés sont prescrits, la diffusion de masse sur les réseaux sociaux permettrait de réaliser le procès par tout un chacun. Dès lors, même si Richard Berry n’est pas condamné par la Justice, il sera condamné par la société qui se fera juge de son affaire, ce qui aboutira à la fin de sa carrière. La liberté d’expression dont se prévalent les milliers d’internautes face notamment à l’accusation qui leur ait porté pour non-respect de la présomption d’innocence trouve alors une consécration par ce biais. Autrement dit c’est sur ce fondement de la liberté d’expression que les internautes tirent leur pouvoir de détruire la carrière et la réputation d’une personne présumée innocente.


Pour finir et c’est à mon avis regrettable, la possibilité pour les victimes d’agressions sexuelles de se faire entendre par les médias est ouverte principalement aux personnes se disant victimes des actes d’une personne connue ; que ce soit Richard Berry, Olivier Duhamel et d’autres.


Célia Dusser

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