Au terme d’un premier tour tendu, le président turc Recep Tayyip Erdogan est arrivé en tête des élections présidentielles avec 49,52% des voix, tandis que Kemal Kılıçdaroğlu, principal opposant, n’en a obtenu que 44,88%. Un second tour est prévu le 28 mai pour choisir le futur président de la République de Turquie
Un taux de participation record confirmant une tendance démocratique
Sur les 85 millions d’habitants que compte la Turquie, 64 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour choisir le président et les députés du Parlement turc. Pour le premier tour des élections présidentielles et législatives qui a eu lieu le 14 mai, la Commission électorale suprême de Turquie a confirmé un taux de participation particulièrement élevé frôlant les 90%, soit le taux de participation le plus élevé de l’histoire électorale turque, dépassant les 86,2% réalisés lors de la dernière élection présidentielle de 2018.
La population turque confirme une tendance : celle de son attachement aux traditions démocratiques qui se manifeste par une participation massive aux élections. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'est félicitée du fort taux de participation au double scrutin présidentiel et législatif du 14 mai en Turquie. Selon l'ambassadeur américain à la retraite Matthew Bryza, le taux élevé de participation aux élections « montre à quel point la démocratie est importante pour les citoyens turcs ». Cette participation montre par ailleurs l’ancrage politique du président turc qui dispose d’une base électorale fidèle et inébranlable malgré une situation économique inflationniste dans le pays.
La base électorale inébranlable du président turc
La région d’Anatolie apparaît comme le centre névralgique du vote conservateur. Depuis 20 ans, la région centrale vote majoritairement pour Erdogan et son parti conservateur, tandis que le Sud-Est de l’Anatolie et les grandes villes de Turquie votent traditionnellement pour l’opposition.
À titre d’exemple, les trois plus grandes villes de Turquie, c’est-à-dire Istanbul, Ankara et Izmir votent majoritairement pour l’opposition, contrôlant également leur administration. Cependant, le président turc parvient à capter une bonne partie des voix dans l’ensemble des autres villes et régions de Turquie, ce qui vient équilibrer son déficit électoral dans ces zones.
Alors que la quasi-totalité des sondages donnaient le président turc perdant, ce dernier a surpris les observateurs et les spécialistes par sa victoire sur la coalition formée par Kemal Kılıçdaroğlu pour faire tomber le « Reis » (« le chef » en turc). À la tête d’une coalition de six groupes parlementaires de tout bord politique, Kılıçdaroğlu n’est pas parvenu à remporter le scrutin lors du premier tour. Bien plus que cela, son parti et lui-même ressortent affaiblis de cette alliance hétéroclite depuis que le parti au pouvoir dispose de la majorité absolue au Parlement avec 323 sièges sur 600.
Pour autant, Erdogan se retrouve pour la première fois sous les 50 % au premier tour avec 49,52 % des voix. Il devra nécessairement trouver le demi-point manquant pour gagner le second tour.
Les perspectives d’un second tour à l’avantage d’Erdogan
Pour la première fois de l’histoire électorale turque, un second tour aux élections présidentielles aura lieu qui opposera Erdogan à Kılıçdaroğlu le 28 mai. Dès lors, deux hypothèses se dégagent : une victoire de l’actuel président ou de l’opposition. Ce dernier cas oblige l’opposition à composer avec un Parlement d’ores et déjà acquis au parti au pouvoir.
Dans cette lutte pour la présidentielle, le candidat nationaliste Sinan Ogan apparaît comme la « clé de voûte » à la présidence, dont il a obtenu 5,17 % des voix au premier tour. Des voix particulièrement précieuses pour les deux candidats à la présidence, à savoir Erdogan et Kılıçdaroğlu qui chercheront nécessairement à capter le vote nationaliste pour l’emporter.
Le président turc semble être en position de force dans cette course à la présidence. En effet, le vote conservateur et nationaliste se rapproche davantage du côté d’Erdogan que de Kılıçdaroğlu. Le « Reis » pourra plus aisément capter les voix d’Ogan que Kılıçdaroğlu en raison d’une proximité idéologique et politique évidente. L’opposant devra dans les deux cas, dans la victoire comme dans la défaite, composer avec un bloc parlementaire lui étant défavorable. Par ailleurs, ses chances de victoire au second tour ont été grandement affaiblies depuis que Sinan Ogan a officiellement apporté son soutien ce lundi 22 mai au président Erdogan qui bénéficiait déjà d’une avance confortable au premier tour.
Dans la mesure où le président turc venait à perdre face à Kemal Kılıçdaroğlu, ce dernier devra tout négocier avec le Parlement dans le cadre d’une cohabitation, à l’image de la Ve République française. Mais pour l’heure, l’hypothèse la plus probable reste une victoire de Recep Tayyip Erdogan au second tour pour la reconduction d’un mandat présidentiel jusqu’en 2028.
Semih SOLAK
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