Tic tac... Noël approche à grands pas. En cette fin d’année pourtant, le réveillon tant attendu, aussi bien par les grands que les petits, pourrait s’avérer moins lumineux qu’à l'accoutumée. Et pour cause, en octobre déjà, la rumeur se répand comme une traînée de poudre : le risque d’une pénurie de cadeaux plane dans les esprits. Alors, entre problèmes d'approvisionnement, embouteillages dans les ports et hausse des prix des matières premières, le Père Noël risque-t-il réellement la rupture de stock ?
Bouleversement des chaînes d’approvisionnement
A l’heure de la mondialisation, la fabrication des produits du quotidien - du trio
smartphone, tablette, ordinateur, aux jeans et chaussures, sans oublier les appareils
électroménagers - repose sur l’étroite coopération de dizaines de fournisseurs éparpillés sur plusieurs continents. Si bien qu’un produit peut largement faire plusieurs fois le tour du monde avant d'atterrir entre vos mains.
Au fil des années, chaque pays, voire certaines régions, se sont spécialisés dans un
domaine précis, allant de la culture de coton à l’assemblage de pièces pour smartphone.
Conséquence de cette forte interdépendance entre pays hyperspécialisés : si un problème survient durant une étape du processus, alors toute la chaîne d’approvisionnement se retrouve compromise. Depuis près de deux ans à présent, le problème majeur n’est autre que la pandémie de Covid-19. En effet, en 2020, sous la pression du virus, le gouvernement Chinois met en place un confinement des plus stricts, limitant très fortement la production et l’approvisionnement dans le pays. Du jour au lendemain, le commerce mondial se voit compromis par des effets de goulots d’étranglement, c’est-à-dire un point de passage étroit qui entraîne un engorgement, ce qui se produit parfois dans les transports maritimes.
En cette fin d’année, alors que la pandémie reprend de plus belle en Asie, de nombreux secteurs se retrouvent une nouvelle fois sous pression.
Trio de secteurs sous tension : textile, jouets, électronique
Si ces trois secteurs s'avèrent aussi sujets à une potentielle pénurie, c’est notamment en
raison de leur étroite dépendance envers “l’usine du monde”, particulièrement impactée
par la pandémie comme évoqué plus haut. En effet, le retard d’approvisionnement par les
fournisseurs de certains produits clés, comme les semi-conducteurs, ralentit le processus de fabrication. De plus, les conteneurs en provenance de Chine sont particulièrement surveillés dans les ports afin de réduire le risque de propagation du virus ; certains restent ainsi à l’arrêt des jours durant, ce qui, cette fois-ci, freine la livraison des produits dans les magasins.
D’après le FMI, près de 75% des jouets seraient ainsi fabriqués en Chine, ce qui explique les craintes d’une pénurie dans le secteur. Or, après plusieurs semaines de reportages,
émissions et articles poussant à acheter au plus vite ses cadeaux de Noël sous peine de ne plus rien trouver en rayon, il semblerait que les pénuries aient globalement été évitées. Seuls les délais de livraison ont été rallongés, comme l’attestent les magasins JouéClub lors d’une entrevue pour le quotidien régional Ouest-France (“À Loudéac, les cadeaux de Noël sont sauvés : la pénurie de jouets n’a pas lieu !”, Ouest-France, Gabriel Muraille, 18/02/2021).
Autre exemple, au soir du 9 novembre, dans le cadre d’une interview sur “C à vous”, Tim
Cook, actuel président-directeur général du géant Apple, confirme le risque de rupture de stock concernant notamment l’un des nouveaux produits de la marque, à savoir l’iPhone 13. Aussi le nouveau patron encourage explicitement les Français à commander dès à présent sous peine d’être confrontés à la pénurie. Or, en ce 20 décembre, le site internet d’Apple ne présente aucune rupture de stock, il est même possible de retirer le dernier modèle en magasin en quelques heures... La mise en garde de Tim Cook n’était-elle donc qu’un grossier coup de communication pour faire exploser les ventes ? La question semble légitime, d’autant plus que le fragment d’intervi
ew concerné est désormais inaccessible sur le site de France 5...
Ainsi, la pénurie prévue dans ces secteurs n’a pas eu lieu, mais il se pourrait en réalité
qu’elle survienne après les fêtes. Selon les propos du président de Betbeze Conseil SAS
Jean-Paul Betbeze, rapportés dans une interview délivrée par Atlantico : “annoncer une
pénurie aide à la réduire tant ceci pousse à stocker plus en avance ou à faire des achats par Internet au plus tôt”. En d’autres termes, certains clients achèteraient leurs cadeaux plus tôt quand d’autres, découragés, se tourneraient vers d’autres biens moins menacés. J-P Betbeze ajoute ainsi que Noël conduira à “une baisse très importante des stocks, au point où on peut se demander ce qu’il restera à solder”. ("Pas de pénuries à Noël : ce que la pandémie Covid nous a appris (de la résilience) du capitalisme mondialisé”, Atlantico, Jean-Paul Betbeze et Erwan Le Noan, 18/02/2021.)
L’indifférence des Français face aux cris d’alerte
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les Français n’ont pas semblé craindre outre mesure cette pénurie qui paraissait pourtant compromettre les fêtes de Noël. En effet, selon une récente étude menée par l’Ifop à fin novembre, bien qu’une large majorité de la 3 population ait eu connaissance du problème, seuls “27% vont ou ont déjà anticipé leurs achats” en conséquence, en particulier les parents, les femmes et les jeunes de moins de 35 ans. La tendance est donc restée identique aux années précédentes : “seul un Français sur trois aura fait ses achats en novembre (35%) et seulement 8% avant ; l’essentiel d’entre eux continue à les faire en décembre (48%)”. (Étude Ifop pour Les dénicheurs réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 23 au 24 novembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 012 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.)
Une autre raison qui justifierait cette quasi-absence de réaction de la part des Français, serait tout simplement le déclin de présents matériels au profit de services immatériels. Rappelons-le, les abonnements, d’une part, connaissent un immense succès qu’ils concernent les plateformes de vidéo à la demande, Netflix et Disney+ notamment ; les services de streaming musical, Spotify ou Deezer entre autres ; ou encore les journaux tel que Le Monde dont le profit généré par la souscription représente une importante part de son chiffre d’affaire. D’autre part, si les événements culturels fluctuent au gré des vagues de pandémie depuis maintenant près de deux ans, ils n’en restent pas moins toujours aussi attendus. Prenons les concerts à titre d’exemple : en temps normal, près de 20 à 25% des billets s’écoulent au mois de décembre. Cette année n’échappe pas à la règle, d’autant plus que l’offre qui se profile pour 2022 et 2023 apparaît plus riche et variée que les années précédentes. En effet, avec son nouvel album Civilisation, Orelsan affiche déjà tous ses concerts complets. De nombreux autres artistes seront également sous le feu des projecteurs telles qu’Angèle et Suzane, sans parler de figures mythiques à l’instar de Jacques Dutronc qui prévoient de remonter sur scène très vite. De quoi attirer toutes les tranches d’âge.
Pour conclure, malgré des chaînes d’approvisionnement bouleversées par la pandémie, le risque de pénurie paraît, dans l’ensemble, avoir été écarté. Par conséquent, enfants et adultes ne devraient pas être déçus par le Père Noël. Il est toutefois nécessaire de souligner qu’avec les tensions géopolitiques qui se cristallisent entre la Chine et les Etats-Unis d’une part, et la multiplication des catastrophes naturelles paralysant les productions industrielles d’autre part, de nouvelles pénuries pourraient bientôt apparaître, et en bien plus grand nombre…
Margot Darcy
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