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Que pensent les jeunes de l’application Elyze, le “Tinder de la présidentielle" ?


En janvier 2022, à peine deux semaines après son lancement, Elyze triomphe en devenant l’application la plus téléchargée de France, doublant ainsi le colosse TikTok, symbole de la génération Z. L’objectif ? Réconcilier les jeunes avec la politique pour les pousser à voter lors de l’imminente élection présidentielle.


Captures d’écran de l’application Elyze




Moderne, accessible, didactique


Elyze est volontairement très simple d’utilisation. Sur l’écran, s’affiche une proposition anonyme avancée par un candidat à la présidentielle. L’utilisateur “swipe”, soit balaye l’écran, à gauche s’il s’y oppose, à droite s’il approuve, vers le bas s’il hésite. Un onglet “En savoir plus” permet, par ailleurs, d’éclaircir les points d’ombre de chaque proposition. Au terme d’une centaine de “swipes”, un classement se dessine déjà avec, au premier rang, le candidat dont l’utilisateur a retenu le plus de propositions. A noter qu’en réalité, il faut plutôt attendre deux à trois cents “swipes” pour obtenir un classement plus fiable et pertinent.

Ce mode de fonctionnement n’est pas anodin. En effet, pour atteindre leur cible première, les créateurs d’Elyze ont sciemment repris les codes d’une application de rencontre très populaire auprès des jeunes, d’où son surnom de “Tinder de la présidentielle”. Dans un entretien accordé au journal Le Monde, Grégoire Cazcarra, co-créateur d’Elyze, étudiant en master à l’ESCP business school, déclare ainsi qu’aujourd’hui “les jeunes s'informent, communiquent, interagissent en grande partie sur les réseaux sociaux et donc, il faut aller les chercher là où ils sont". Elyze connaît donc un succès majeur car moderne, accessible, didactique, mais qu’en pensent les jeunes concrètement ?


Les jeunes face à l’application Elyze


Les avis et remarques qui suivent ont été recueillis au cours d’un micro-trottoir à Paris, au Jardin du Luxembourg, le 21 février 2022, sur un échantillon de neuf personnes. En outre, une demi-douzaine d’autres passants interrogés ne connaissaient pas l’existence de cette application, ce qui témoigne d’un succès en réalité relatif à l’échelle de l’ensemble de la population française.

A 16 ans, Lilou a déjà expérimenté Elyze, alors même qu’elle n’a pas encore le droit de vote. Pour cette lycéenne consciente de son manque de connaissances en politique, l’application est un tremplin pour mieux connaître les programmes des candidats. “Moi, je trouve que l’application est super bien faite, elle est intéressante” assure-t-elle, apparemment séduite. Son témoignage montre aussi que la réussite du “Tinder de la présidentielle” repose en partie sur un effet de mode : “Au début, il y en a un qui l’a téléchargé, et au fur et à mesure, on l’a tous téléchargé”.


Laurie, 21 ans, a priori tout aussi enthousiaste, souligne les qualités d’Elyze : “C’est facile de s’intéresser à la politique avec cette application [...] J’ai découvert d’autres candidats que je ne connaissais pas forcément”. En outre, dans son entourage, certains prêtaient peu d’intérêt aux questions politiques, or, après avoir testé l’application, quelques-uns lui ont assuré qu’ils s’inscriraient sur les listes électorales. Le pari d’Elyze apparaît donc réussi haut la main.


Pour Violette, Inès, Lucie, étudiantes de 20 ans, là encore, les réactions sont assez élogieuses. “Souvent, on ne sait pas trop où aller piocher les informations” avance la dernière, et “[cette application] va nous donner envie d’avoir plus d’informations, et du coup, ça suscite notre intérêt pour les élections, mais je ne pense pas qu’on va voter pour les candidats qui arrivent en première place”. S’il est clair qu’Elyze facilite l’intérêt de ces futures électrices pour la vie politique, elle n’influencera pas leur choix final.

Certains contrebalancent toutefois cette vision très positive par des critiques. “Un programme, c’est tout une structure, c’est tout un art. Avoir juste une mesure, ce n’est pas représentatif” explique Noé, 18 ans. Pour lui, l’application manque de profondeur et de pertinence : “Dire qu’on veut augmenter le salaire des enseignants de 25%, ça n’a aucun sens si on ne sait pas d’où vient l’argent”. Par ailleurs, selon Zatara, étudiante de 21 ans en master de droit de l’intelligence artificielle, le projet part d’une intention louable, néanmoins “il faut des ajustements, il faut plus informer les utilisateurs pour recueillir un consentement éclairé” en ce qui concerne les données personnelles récoltées. Cette dernière critique figure ainsi dans les nombreux reproches faits à l’encontre d’Elyze depuis son lancement.


Données personnelles, algorithme, inégale visibilité : flambée des critiques contre Elyze


Si le succès d’Elyze est immédiat, la critique s’envole tout aussi vite. La première concerne l’inégale mise en avant des candidats. Le 12 janvier 2022, un tweet de Jean-Luc Mélenchon, candidat du parti La France Insoumise, lance l'alerte : l’application semble favoriser Emmanuel Macron, qui, en cas d’égalité, est systématiquement affiché en haut du classement, accentuant de facto sa visibilité déjà prépondérante. Selon les créateurs d’Elyze, il s’agit en réalité d'une faille technique, car l’algorithme se contente de reproduire l’ordre d’entrée des candidats dans le système de l’application. Ce défaut a, depuis, été résolu ; les candidats sont dorénavant affichés par ordre alphabétique.


Du reste, cette première critique soulève une autre question : pourquoi Emmanuel Macron apparaît-il au sein de l’application, alors même qu’il n’a toujours pas annoncé officiellement sa candidature ? A cette interrogation, les créateurs du “Tinder de la présidentielle” répondent simplement qu’ils ont repris la grille des sondages, dans laquelle le candidat de la République en Marche apparaît bien, et en tête qui plus est.

Pour certains candidats, méconnus par une majorité - à l’image de Nathalie Arthaud, première, pourtant, à avoir récolté ses cinq cents parrainages - c’est ainsi l’occasion de se faire connaître par les jeunes. En revanche, les plus “petits” candidats demeurent totalement absents de l’application, comme dans les autres médias, TV, radio, presse. Ainsi, cette inégale visibilité des candidats sur Elyze n’est finalement qu’un écho à la situation médiatique actuelle.

En parallèle, en s’infiltrant dans le système, un ingénieur a réussi à modifier une proposition d’un candidat, sans pouvoir toutefois accéder aux données des autres utilisateurs. Si cette faille de sécurité a depuis été réglée, elle a toutefois prouvé que l’application n’était pas assez maîtrisée. En conséquence, Elyze est devenue “open source”. Le code de l'application étant désormais en ligne et accessible, chacun peut donc y apporter des modifications afin de l’améliorer.


Un dernier reproche fait à cette application concerne la confidentialité des données personnelles. Au premier lancement, l’utilisateur peut en effet renseigner date de naissance, genre, code postal. Les créateurs d’Elyze ont assuré que ces données ne seraient pas vendues aux partis politiques. Ils espéraient toutefois les partager à des instituts de sondage ou à des “think tank”, groupes de réflexion composés d’experts ayant notamment pour but la production d’études ou l’élaboration de propositions de politiques publiques. Or, le Règlement général de la protection des données (RGPD), interdit le traitement des données personnelles liées aux opinions politiques, sauf en cas de consentement pour une finalité explicite, ce qui n’est pas le cas pour Elyze. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a donc annoncé qu’elle examinerait l’application, en se réservant la possibilité de faire usage de ses pouvoirs répressif en cas de manquement au RGPD. Prudents, les créateurs de l’application n’ont pas attendu son verdict pour annoncer la suppression de toutes les données personnelles récoltées.


En somme, avec deux millions d’utilisateurs, Elyze est une réussite qui, victime d’un succès inattendu auprès des jeunes, s’est très vite retrouvée au cœur de nombreuses critiques. Si la jeunesse semble considérer cette application comme un véritable instrument pour renforcer leur culture politique, elle n’est pas dupe et ne compte pas se laisser influencer par le classement obtenu. “Notre conviction, c’est qu’un outil indépendant, qui n'émane pas d'une initiative gouvernementale mais qui a été construit par des citoyens, peut faire la différence" conclut Grégoire Cazcarra dans son entrevue, précédemment citée, avec Le Monde.


Margot Darcy, avec la participation de Flora Vandewalle pour le micro-trottoir

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