Le départ d’Italia Viva, parti de l’ancien Président du Conseil Matteo Renzi, de la coalition gouvernementale italienne (Parti démocrate – Mouvement 5 étoiles) a entraîné une nouvelle crise politique dans le pays transalpin. Giuseppe Conte, alors Président du Conseil, a dû se démettre de ses fonctions. Pour répondre à l’urgente formation d’un nouveau gouvernement, l’ancien banquier central Mario Draghi s’est vu accepter le poste. Le gouvernement d’union nationale mis en place rassemble la majorité des formations politiques.
Encore une crise politique ?
A nouveau, l’Italie fait face à des turbulences politiques. Celles-ci sont notamment attribuables à l’ancien Président du Conseil italien Matteo Renzi (2014-2016), à l’époque au Parti démocrate (PD), et constituent le fruit de plusieurs mois d’agitation.
Septembre 2019 signe l’échec et la fin du gouvernement Conte I, suite aux dissidences entre les deux partis principaux de la coalition : Le mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue, parti d’extrême droite mené par Matteo Salvini. Alors ministre de l’intérieur et vice-président du Conseil, celui-ci demande la tenue d’élections législatives anticipées, profitant de sa popularité et espérant recueillir la majorité. L’inquiétude de voir la Ligue prendre le pouvoir entraîne le M5S à faire diligence pour la constitution d’un nouveau gouvernement, avec l’appui de la gauche. Le Président de la République Sergio Mattarella confie à nouveau cette tâche difficile à Giuseppe Conte, proche du M5S, qui sera aidé par Renzi. Le gouvernement Conte II est donc mis en place (coalition du PD, M5S, Libres et égaux). Une fois la nouvelle équipe exécutive sur pied, Renzi quitte le PD et crée sa propre entité politique centriste, Italia Viva. Une quarantaine de parlementaires rejoignent son parti, qui s’installe dans la coalition. Cependant, en janvier 2021, les deux ministres d’Italia Viva démissionnent, menant à la perte de la majorité absolue du gouvernement. Ce départ est dû aux désaccords du clan Renzi sur l’utilisation des fonds du plan de relance européen. Mis en minorité et ne réussissant pas à reconstituer une majorité, le Président du Conseil Conte présente à son tour sa démission le 26 janvier.
Face à ce remue-ménage, Mattarella demande au président de la chambre des députés et membre du M5S, Roberto Fico de reformer une majorité. Mais son projet échoue le 2 février, faute de volonté des différents partis politiques. C’est alors que le mandat est proposé à Mario Draghi le 3 février.
©Matthew Green – 2010 Place du Quirinale (Résidence officielle du Président de la République italienne)
Un gouvernement d’union nationale pour affronter de multiples troubles
La nomination du haut-fonctionnaire au poste de Président du conseil italien soulève bien des questions. Vice-président Europe de Goldman Sachs, gouverneur de la Banque d’Italie puis président de la Banque centrale européenne, il apparaît à première vue comme le sauveur de l’Italie. Celui que l’on présente comme l’homme providentiel doit assurer le salut du pays en ces temps durs de crise politique, financière, économique mais aussi sanitaire.
Son objectif ? Former un gouvernement de haut niveau, capable de répondre aux urgences actuelles tout en étant apolitique, en rassemblant le maximum de forces politiques du pays. C’est ainsi qu’après une multitude de discussions et de négociations, une coalition est constituée : Le M5S, la Ligue, le PD, Forza Italia, Italia Viva, Libres et égaux et d’autres plus petites formations conjuguent leurs forces. Le parti d’extrême droite Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni a refusé de prendre part au gouvernement et reste dans l’opposition. Le régime parlementaire, bien qu’habitué aux coalitions, voit apparaître un nouveau gouvernement hautement disparate qui sort du lot.
Au moment où Draghi prend les rênes de l’Italie, la situation est catastrophique : la botte a la deuxième plus grosse dette de l’espace européen, derrière la Grèce, s’élevant à 6, 600 milliards d’euros, c'est-à-dire 158% de son produit intérieur brut. Lors de son premier discours en qualité de Président du conseil, il a insisté sur sa volonté de restructurer pleinement l’économie pour sortir de la crise. Pour ce faire, il bénéficie d’une enveloppe de 209 milliards d’euros soit la plus grosse part du plan de relance européen adopté à l’été 2020. Les regards vont être rivés sur la façon dont il dépensera cette coquette somme. Il compte également rendre l’administration publique plus efficiente, réformer la fiscalité ainsi que la justice.
Une majorité créée ex-nihilo
Plusieurs questions résonnent face à ce nouveau gouvernement : Qu’en est-il de la démocratie lorsque les citoyens se voient imposer un régime mêlant ces si nombreux partis sans avoir eu leur mot à dire ? Comment une coalition si vaste sera-t-elle efficace ? Pourquoi le mouvement antisystème 5 étoiles accepte-t-il de faire partie d’un gouvernement composé de technocrates qu’il disait mépriser ?
Comment la Ligue, eurosceptique, trouve-t-elle sa place dans un gouvernement europhile ? On se souvient de Matteo Salvini, qui scandait en octobre 2018 « Les ennemis de l’Europe sont ceux retranchés dans le bunker de Bruxelles », reste à savoir si Mario Draghi fait exception... Entre opportunisme et retournement de veste, la scène politique italienne s’est retrouvée sous le joug de l’Union européenne.
A ce titre, la somme colossale dont jouit l’Italie pour faire repartir son économie ne peut pas être utilisée selon son bon vouloir. En effet, le 9 février 2021, le Parlement européen a émis un règlement demandant aux Etats bénéficiant des plans de relance communautaires de se fier aux recommandations du Conseil de l’Union européenne. En plaçant l’ancien banquier central européen à la tête du gouvernement italien, Mattarella va dans le sens des instances communautaires, pouvant compter sur un des leurs pour piloter la mise en place du plan de relance dans la péninsule. Après la vague de critiques des politiques italiens déferlant sur l’Union européenne pour sa gestion de la pandémie l’an dernier, celle-ci s’assure un allié au pouvoir.
Peut-être Mario Draghi a-t-il en tête les présidentielles italiennes prévues début 2022, où il pourrait concourir si son gouvernement prospère et triomphe ? Néanmoins, le spectre d’une énième crise politique ne peut pas être écarté étant donnée la difficulté à faire tenir sur la durée un gouvernement si hétéroclite...
Victoria Petrolesi
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