Alexeï Navalny, l'opposant russe du président Valdimir Poutine, arrêté dès son retour en Russie le 2 février dernier, est officiellement accusé par la justice russe d'escroquerie dans une affaire impliquant le groupe français Yves Rocher. Crédit image : Reuters, Shamil Zhumatov.
Depuis plusieurs mois, le monde entier parle d'Alexeï Navalny, mais qui est-il vraiment ? Connu pour être l'opposant numéro un de Vladimir Poutine, il accuse régulièrement le gouvernement russe de corruption. Avec la création de son blog « Navalny » en 2009 et de sa chaîne youtube, il se fait déjà classer comme ennemi du gouvernement. Sa participation aux manifestations contre les résultats considérés comme frauduleux des élections législatives de décembre 2011, renforce son image d'opposant et lui doit un séjour en prison. Il se fait alors connaître du grand public et crée la même année la Fondation Anti-corruption qui lutte contre la corruption du gouvernement russe.
En 2013, il se présente aux élections municipales de Moscou où il obtient 27% contre 52% pour le maire sortant soutenu par Poutine.
Mais, qu'en est-il de son orientation politique ? Depuis 2007, il participe à des manifestations ultra-nationalistes. On apprend aussi lors de ses prises de parole durant la campagne de 2013 qu'il a un avis bien tranché sur la question des migrants. Il a voulu atteindre un électorat d’extrême droite en déclarant : « Je vois les statistiques et je constate que 50% des crimes graves sont commis par les migrants ». De plus, il y a quelques temps il a exprimé aussi son avis sur l'annexion illégale de la Crimée. Pour lui, celle-ci devrait rester russe.
Comment un homme nationaliste et ouvertement libéral a-t-il réussi à se faire soutenir dans le monde entier autant par la droite que par la gauche ? En s'opposant à Poutine, il est déjà défendu par de nombreux hommes et femmes politiques de tous bords, mais, depuis les événements de cet été, il a rassemblé encore plus de soutien. Le 20 août 2020, Alexeï Navalny a fait un malaise lors de son vol retour entre Tomsk et Moscou. Ce malaise est dû à un empoisonnement qu'il a subi dans sa chambre d'hôtel dans la ville sibérienne. Il est alors plongé dans le coma pendant près de 3 semaines. Il a été hospitalisé d'abord en Sibérie, puis il a été transféré à Berlin où il va rester pendant quelques mois après sa convalescence. Après s'être remis de son coma, il va lui-même enquêter sur la tentative d'assassinat qui le visait et arrive à faire condamner un agent du FSB. Cet homme avoue lors de son procès que Vladimir Poutine avait ordonné au service de sécurité d'empoisonner son opposant.
Le 17 janvier 2021, Alexeï Navalny décide de son plein gré de retourner en Russie. Un acte très courageux de la part de l'opposant qui savait pertinemment que revenir dans son pays serait très dangereux. Le jour même, il est arrêté à la sortie de son vol retour accusé d'avoir violé les conditions d'une peine avec sursis qu'il avait reçue en 2014. Il appelle les Russes à manifester contre le pouvoir.
Deux jours plus tard, une nouvelle vidéo est postée sur sa chaîne youtube. Dans celle-ci Navalny lance une nouvelle bombe sur le chef de l'Etat russe qui serait le propriétaire d'un immense palais sur les bords de la mer noire financé grâce à la corruption. Cette vidéo devient virale et obtient 109 millions de vues en 2 semaines. Évidemment, Poutine a nié en bloc le fait que ce palais soit le sien. Cet événement incite encore plus les opposants du Kremlin à descendre dans la rue. Après deux week-end de manifestations où de nombreuses interpellations s’étaient produites, le procès de Navalny a eu lieu. Le 2 février, il est condamné à trois ans et demi de prison (dont plusieurs mois d’assignation à résidence qu’il avait déjà effectué en 2014).
Pour certains, il est considéré comme un héros pour d'autres comme un fou qui risque sa vie. Dans tous les cas, il est un homme courageux qui vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il est aujourd'hui soutenu par de nombreux pays d'Europe ainsi que par les États-Unis qui ont appelé Moscou à libérer l'opposant emprisonné. Emmanuel Macron a lui aussi tweeté le jour du procès « La condamnation d'Alexeï Navalny est inacceptable. Un désaccord politique n'est jamais un crime. Nous appelons à sa libération immédiate. Le respect des droits humains comme celui de la liberté démocratique ne sont pas négociables. »
Les révoltes en faveur de la libération d'Alexeï Navalny ne font que commencer et risquent de prendre de plus en plus d'ampleur. Comment le gouvernement russe va-t-il réagir ?
Saskia Juigner