La Cour Pénale internationale, première juridiction pénale permanente installée à La Haye (Pays-Bas), a accueilli un nouveau Procureur en 2021 : Karim Khan. Après avoir été conseiller juridique au bureau du procureur des deux tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda entre 1997 et 2000, et fort d’une lourde expérience en tant qu’avocat et conseiller dans les organisations internationales, Karim Khan devient donc le troisième procureur de l’histoire de la CPI.
Karim Khan prêtant serment le 16 juin dernier pour prendre ses nouvelles fonctions de Procureur de la CPI_ source : kaptmedia.com
La CPI est la Cour permanente indépendante qui enquête sur les crimes les plus graves relevant du droit international – génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes d’agression – et en juge les auteurs lorsque les autorités nationales compétentes n’en ont pas la volonté ou la capacité. Elle a été mise en place par les Statuts de Rome de 1998 et son entrée en vigueur effective s’est faite en 2002. Ces statuts accordent au Procureur de la CPI un droit de saisine proprio motu, qui va lui permettre d’ouvrir une enquête de sa propre initiative, sous certaines conditions et avec l’autorisation de la chambre préliminaire de la Cour. Le procureur de la CPI a donc une véritable capacité d’action tout en gardant une indépendance ; comme l’ont montré les prédécesseurs de Karim Khan qui ont permis l’arrestation des dirigeants aux commandes du génocide rwandais, qui ont punis les responsables des massacres commis lors de la déconstruction de l’ex-Yougoslavie, etc.
Les ambitions du Procureur destinées à adapter la politique de la CPI avec les conflits contemporains
Karim Khan a débuté son mandat à la rentrée 2021 et de nombreuses affaires vont animer ses 9 années en tant que Procureur de la CPI. Il va lui falloir faire des choix forts : du conflit Israélo-Palestinien à la situation en Afghanistan, d’autant que sa politique pénale suscite beaucoup d’attente. En effet, si ses prédécesseurs ont eu des conduites relativement prudentes, Khan cherche à séduire et à rassurer tout en voulant une donner une plus grande visibilité de l’action de la Cour dans le monde entier. Il a par exemple annoncé vouloir concentrer les poursuites sur la situations en Afghanistan à l’égard des crimes commis par l’ICA Khorazan et par les Talibans.
Par ailleurs, une des premières mesures phare de Karim Khan lors de son arrivée au poste a été de nommer quelques 17 conseillers spéciaux pour l’aider et le conseiller dans les différends pendants. A ses côtés, des avocats experts en droit international pénal mais également des professeurs et des universitaires.
Zoom sur la nomination d’Amal Clooney au poste de conseillère spéciale
D’origine libano-britannique, Amal Clooney, s’est imposée comme pionnière dans la défense des droits de l’Homme au niveau international. Elle travaille aujourd’hui dans un célèbre cabinet londonien et, au gré des affaires qu’elle a défendu, s’est forgée une réputation d’avocate déterminée et très investie dans la défense des victimes de crimes internationaux, en particulier les victimes de violences sexuelles et à caractère sexiste. Elle a notamment eu pour clients Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, l'ancienne Première ministre ukrainienne Ioulia Tymochenko, le journaliste canadien Mohamed Fahmy et le peuple chagossien.
Par ailleurs, Amal Clooney n’en est pas à sa première fois en tant que conseillère spéciale puisqu’elle a déjà exercé en tant que conseillère du Rapporteur spécial de l’ONU sur les questions de lutte antiterroriste et de défense des droits de l’homme et conseillère principale auprès de Kofi Annan sur la Syrie. Elle a été nommée au sein du Groupe d’experts en droit international public de l’Attorney général du Royaume Uni et du Groupe d’experts constitué par le Gouvernement britannique pour les questions de violences sexuelles en période de conflit. Elle a également eu des fonctions aux États-Unis et au Royaume-Uni en tant qu’avocate pénaliste de la défense et a aidé à obtenir la libération de prisonniers politiques dans le monde.
Source : parismatch.com
Forte de ce parcours de haute volée, il semblait donc naturel pour le nouveau Procureur de la CPI de nommer Amal Clooney à ses côtés pour le conseiller sur la situation au Darfour, région du Soudan. Elle aura pour mission d’apporter son expérience en tant qu’avocate de nombreuses victimes de crimes de masses et de crimes sexuels dans différentes régions du monde. La situation au Darfour est en effet, depuis près de vingt ans, très préoccupante pour les populations. Le conflit a éclaté dans cette région de l’Ouest du Soudan en 2003 entre les forces du régime de l’ex-président Omar Al Bachir (qui a entretemps été accusé par la CPI de crimes contre l’humanité) et des membres de minorité ethniques s’estimant marginalisées. Le pouvoir avait alors déployé des milices armées accusées notamment de faire du « nettoyage ethnique »[1], faisant quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Le récent coup d’Etat militaire d’octobre 2021 ne laisse rien présager de bon, pourvu que la Cour pénale internationale parvienne à punir les agissements criminels présents et futurs.
[1] Jan Egeland, en charge des affaires humanitaires de l’ONU
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