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Une quatrième année d’internat controversée en médecine générale

Une mesure comprise dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale ne fait pas l’unanimité chez les futurs médecins. Visant à allonger d’un an l’internat de médecine générale, le texte déposé par le sénateur Bruno Retailleau a été adopté par l’Assemblée nationale le 2 décembre dernier.


Carte des disparités d’accès aux médecins en France en 2021 (L’Humanité)

Les études de médecine se composent de trois cycles : un cycle d’apprentissage des bases médicales, un cycle d’externat où les étudiants approfondissent leurs connaissances et le dernier cycle, l’internat où les futurs médecins se spécialisent. La loi ajoute une quatrième année au cycle d’internat de médecine générale qui était jusqu’alors, la seule spécialité n’en ayant que trois. Cette année supplémentaire est censée permettre aux internes généralistes de se professionnaliser encore plus et de favoriser leur installation en cabinet. Cependant, les étudiants seront envoyés en priorité dans les zones sous-denses pour compenser le manque de médecins. Certains territoires français ont une offre de soins insuffisante pour leur population due à un faible renouvellement des médecins, des départs à la retraite, ou à une faible attractivité du territoire. D’après Eloïse Jolivet, étudiante en troisième année de médecine à Toulouse : « Les internes doivent être sous la supervision d’un médecin et dans les déserts médicaux, par définition, il n’y en a plus ». En 2019, l’ARS (Agence Régionale de Santé) avait révélé que 70% des communes françaises avaient moins de deux médecins généralistes pour 10 000 habitants. Les syndicats étudiants se plaignent donc d’un manque de considération des internes en médecine qui manqueront de maîtres de stage pour les encadrer.


« Encore une fois, on se sert des internes pour faire des économies »


Le nombre de médecins ne fait que baisser dans les déserts médicaux et d’après une enquête de l’UFC-Que Choisir, en 2022, les déserts médicaux concernent 1,7 million d’habitants en France. Le texte déposé par Bruno Retailleau vise à pallier ce problème, mais il n’en reste pas moins controversé. A l’automne, les syndicats d’internes (ISNI, ISNAR-IMG) et l’Association Nationale des Étudiants en Médecine de France se sont mobilisés pour lutter contre l’adoption de la mesure dans la loi de financement de la Sécurité Sociale. Éloïse Jolivet faisait partie des manifestants, elle explique que « les syndicats et étudiants n’ont pas été consultés avant la création de cette loi. Le gouvernement fait ça parce qu’aucun médecin ne veut aller en zone sous-dense et que d’un point de vue financier, il est gagnant à y envoyer des internes. Encore une fois, on se sert des internes pour faire des économies ».

Autre sujet qui mobilise les syndicats d’internes : le suivi des patients. Les internes ne resteront qu’un an en zone sous dense et le rythme de leur renouvellement sera trop rapide pour permettre de suivre au mieux les patients.

Grève d’internes en médecine le 14 octobre à Paris / Ludovic Marin - AFP

Quelle rémunération pour les internes ?


Certains éléments de la mesure présentée par Bruno Retailleau restent à discuter, notamment la rémunération des internes qui auront en quatrième année le statut de docteurs juniors. Terminant leurs études à la fin de la troisième année, les internes peuvent aujourd’hui être rémunérés comme des médecins généralistes. Cette nouvelle loi ajoute une année supplémentaire avant que les internes puissent être payés comme des véritables médecins. Les députés tentent de rassurer les étudiants en leur expliquant que des aides seront mises en place pour leur installation notamment par la mise à disposition d’un logement ou à l’indemnisation des frais de transports.


La quatrième année d’internat de médecine générale s’appliquera dès la rentrée scolaire 2023 pour les étudiants rentrant en 6ème année. Cette loi constitue la suite d’une réforme des études de médecine débutée en 2019 avec la suppression du numerus clausus. Les syndicats d’internes, n’ayant pas été écoutés pour la création de cette mesure craignent qu’elle soit ensuite appliquée pour tout le reste des spécialités de médecine.


Saskia Juigner Doubinsky




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