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Une réforme des retraites contre vents et marées

Ce mardi 7 février ouvre le troisième volet des manifestations contre la réforme des retraites. D’une même voix, entre 1.2 et 2.8 millions de français ont déjà exprimé leur colère face à une réforme injuste et un gouvernement non réceptif et s’apprêtent à renouveler la mobilisation contre cette réforme. Mais pourquoi une telle résistance ?


La réforme des retraites est un projet porté par le Président qui en fait un enjeu majeur de son mandat. Il s’agit pour lui de prévenir un futur déficit du financement des retraites. Pour cela, le gouvernement souhaite faire passer l’âge minimal de départ à la retraite à 64 ans au lieu de 62 ans, avec une cotisation de 43 annuités. De manière générale, toute personne cotisant jusqu’à 67 ans pourra bénéficier d’une retraite à taux plein. Prônant un idéal de justice, Elisabeth Borne se veut clémente en proposant des mesures spécifiques pour les carrières longues, à savoir les personnes commençant à travailler avant 20 ans, qui pourront partir à la retraite à partir de 58 ans. Parmi les mesures faisant également grincer des dents les manifestants, se trouve la fin d’une grande partie des régimes spéciaux, mais pas de tous, un choix qui semble être fait aléatoirement.


Pour justifier cette réforme, le gouvernement se cache derrière l’argument financier. En effet, alors qu’en 2000, il y avait 2 cotisants pour un retraité, il n’y en aura plus qu’1.5 en 2050. Le déficit de la caisse de financement des retraites risque en effet de s’élargir. Cependant, pour l’instant, le régime des retraites est un régime excédentaire. Par ailleurs, même le Conseil d’Orientation des Retraites a montré dans son étude que la réforme n’était pour le moment “pas nécessaire économiquement” et qu’il s’agissait d’un “choix purement politique”.


Par ailleurs, cette mesure est de plus en plus menacée. En effet, tous les syndicats appellent à un renouvellement de la grève, une union qui ne s’était pas vue depuis 2010. Les députés font eux aussi obstacle en proposant 20 000 amendements pour ralentir l’examen de la loi. Les Français sont tout vent debout contre cette mesure.

Manifestation de janvier 2023 contre la réforme des retraites. TYFENN DESLOGES pour "L'Oeil d'Assas".


Pour le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, "le problème de base de cette réforme, c’est le report de l’âge légal à 64 ans, qui accentue les inégalités inhérentes au monde du travail”. Les femmes sont par exemple les grandes perdantes de cette réforme. Certes, le congé maternité sera pris en compte dans le calcul de leurs retraites, cependant, elles devront travailler en moyenne deux ans de plus que les hommes pour toucher une retraite à taux plein qui sera souvent inférieure à celle des hommes. De plus, en reculant l’âge de départ à la retraite, c’est toute une partie des personnes les plus paupérisées qui ne pourront pas en bénéficier. En effet, une étude de Libération menée en 2021 montre qu’à 62 ans, 25% des personnes les plus pauvres sont déjà mortes, contre 5% des personnes les plus riches. Cette inégalité face à la mort est à nuancer car les 5% les plus pauvres sont souvent des personnes qui ne travaillent pas. Néanmoins, il demeure que l’espérance de vie d’un ouvrier ayant passé sa vie au SMIC n’est pas la même que celle d’un cadre. Avec cette réforme, ces inégalités ne sont pas corrigées et sont même renforcées.

Alice Clair/Savinien de Rivet pour "Libération".


De plus, si l’âge de 64 ans est le porte étendard de la réforme, il faut garder à l’esprit que ce sont les annuités qui priment. Ainsi, les enseignants peuvent espérer une retraite à taux plein à 70 ans environ. On voit pourtant mal une personne de 70 ans s’occuper de maternelles toute la semaine par exemple. Pour les personnes du secteur privé, un autre problème se pose : celui du vieillissement face au chômage. En effet, le taux de chômage des personnes âgées est déjà relativement élevé et va s’accentuer avec cette réforme. Passé 50 ans, il est relativement difficile d’être embauché face à des jeunes de 30 ans qui entrent sur le marché du travail. Si le taux de chômage des séniors est seulement de 6% car ces personnes renoncent et sont souvent radiées de Pôle Emploi, le taux d’emploi des personnes entre 60 et 64 ans est quant à lui seulement de 35%. Si le gouvernement a conscience de cette difficulté, il propose simplement la publication d’un index sénior. Les grandes entreprises devront publier le nombre de séniors embauchés mais en cas d’un taux de séniors trop faible, aucune sanction n’est prévue.


Au-delà des mesures inégalitaires, c’est un "ras-le-bol" général qui se traduit dans la rue. Les deux mandats d’Emmanuel Macron ont en effet été marqués par un appauvrissement des plus pauvres et un enrichissement des plus riches. En supprimant l’Impôt sur la Fortune, le gouvernement a renoncé à 3 milliards de bénéfices. De la même manière, en renonçant à la redevance audiovisuelle, le gouvernement a tourné le dos à 3.8 milliards d’euros. Ainsi, l’argument économique semble être à géométrie variable dans l’esprit de M. Macron. De plus, face aux premières protestations, le gouvernement s’est caché derrière une incompréhension des Français, méprisant totalement les ressentis des grévistes. Les multiples grèves et protestations ne suffisent pas non plus à faire bouger le gouvernement et à céder du terrain sur certaines mesures. Elisabeth Borne a seulement accepté une mesure des Républicains car, sans eux, la mesure ne peut pas être votée par l’Assemblée nationale. Ce mépris assumé du gouvernement n’en finit pas d’agacer dans les rangs des manifestants.

Manifestation de janvier 2023 contre la réforme des retraites. Vincent Isore/ MAXPP.


A l’étranger, les français passent encore pour des "râleurs" alors que tous les voisins européens ont déjà reculé leur âge de départ à la retraite. Pour autant, il semble que la colère soit bien plus profonde que cela et que la retraite soit devenue le symbole d’une lassitude générale face à un gouvernement sourd aux demandes du peuple.


Tyfenn Desloges



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